Moumou / Le gaucher / Coeur de chien

L'éditeur Ginkgo (merci à lui) m'a permis de découvrir trois textes classiques parus dans sa Petite bibliothèque slave. J'ai donc commencé à combler un retard certain dans cette catégorie de littérature.
Je vais aussi proposer au fil du temps des billets présentant plusieurs livres, car ça s'est pas mal accumulé dans les brouillons... Les couvertures des livres ont disparu depuis l'écriture du billet, je les remets, mais elles peuvent sans doute disparaître...


Moumou (écrit en 1852)
Ivan Tourgueniev
Ginkgo, 2020
Traduit par Henri Mongault
Préface de Dominique Fernandez


En une quarantaine de pages sans graisse inutile, Tourgueniev conte une histoire noire et crédible. C'est l'époque où les grands propriétaires ont à leur service une multitude de serviteurs, et le servage existe toujours.
Guérassime est un colosse sourd-muet, abattant à lui seul le travail de plusieurs. Sa maîtresse est dure, autoritaire, particulièrement quand elle 'a ses nerfs'. Elle arrange le mariage de deux de ses employés, et ne supporte pas que Guérassime s'occupe d'une petite chienne, Moumou, qu'il a récupérée dans le fleuve.

Ce texte donne à saisir la vie de ces serviteurs dans une bonne maison moscovite, les dialogues sont vifs et bien rendus, et vers la fin, la description de Guérassime marchant dans la campagne est une pure merveille.

La préface de Fernandez est fort intéressante, mais il ne faut surtout pas la lire avant, car comme bien souvent la préface raconte l'histoire! Heureusement on y trouve aussi des considérations fort bien pensées (sur le sacrifice), un peu de biographie de l'auteur, et surtout, permet de réaliser que Moumou est une oeuvre marquante puisqu’elle ne tient pas qu'à son déroulement.

Le gaucher (1881)
ou le Dit du gaucher bigle de Toula et de la puce d'acier
Nikolaï Leskov
Ginkgo, 2019
Traduit par Paul Lequesne
Préface de Michel Parfenov

Début 19ème siècle, le tsar Alexandre se rend en Angleterre, et se révèle admiratif de tout ce qu'il voit, au grand dam du cosaque Platov. Pour finir, on offre au souverain une puce mécanique qui saute. Heureusement à Toula des artisans vont faire mieux, le gaucher bigle ira jusqu'en Angleterre défendre l'honneur de la Russie!
Ce conte (?) se termine par un constat amer.
"Les machines ont nivelé l'inégalité des talents et des dons, et le génie n'aspire plus à lutter contre le zèle et l'application."

Encore une fois c'est vif, enlevé, parfois tragique, plaisant à lire aussi, surtout grâce à la langue de l'auteur, inventive, et, je trouve, bien traduite pour ce que j'en sens.

Coeur de chien
Mikhaïl Boulgakov (1891-1940)
Ginkgo, 2019
Traduction de Alexandre Karkovski (1990)(bravo à lui)

Un auteur connu dont je n'avais rien lu, pour un roman publié officiellement en URSS en 1987. On comprend qu'il ne soit pas sorti avant, car ça charge pas mal. Dans les années 20, donc juste après la révolution, le professeur Préobajensky, dont le cabinet et laboratoire de recherches occupent plusieurs pièces dans un immeuble, au grand dam d'autres locataires d’appartements collectifs, recueille un chien errant, Boule. Lequel, blessé, étique, va vite apprécier le confort bourgeois, mais devenir sans son consentement sujet d'expérience. Le voilà devenu humain, marchant, parlant, mais ayant acquis les défauts d'un homme.

Le début, vu par les yeux du pauvre Boule, est parfaitement hilarant. On se sent vraiment 'chien'. Ensuite, la situation dans l’appartement déborde complètement, ça court, ça discute, ça dégénère. Avec une critique du système politique et social.

"Si vous vous souciez de votre digestion, je n'ai qu'un conseil à vous donner : ne parlez à table ni de bolchevisme ni de médecine. Et surtout, ne lisez pas les journaux soviétiques avant le repas, au grand jamais!
- Hum... C'est-à-dire qu'il n'y en a pas d'autres.
- Précisément, n'en lisez aucun. (...) Les patients qui ne lisaient pas les journaux se portaient comme un charme. Et ceux que j'ai obligé à lire la Pravda, ils me perdaient du poids.(...) Et ce n'est pas tout. Mauvais réflexe rotulien, absence d'appétit, humeur dépressive."

Commentaires

  1. Je ne sais pas pourquoi je reste totalement hermétique à cette littérature mais il n'y a rien à faire je n'accroche pas du tout. J'ai réessayé récemment avec Gogol et ce fut un abandon lamentable.

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    1. Tu sais, j'avoue de gros flops avec Dostoïevski...

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  2. je connais bien le phénomène des brouillons qui s'accumulent mais je suis contente que tu les aies sortis du" purgatoire" car je trouve tous ces titres très attirants.

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    1. Les trois sont bien, et courts (tiens tiens, possibilité de lecture avec tes dames?) et ça me permet de connaitre quelques auteurs russes, sans engloutir de pavés.

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  3. Trois en une seule fois et des bons ! Si tu n'as pas lu "Le maître et la marguerite" de Boulgakov, fais-le, c'est un chef d'oeuvre. Je n'ai pas lu ce Nikol Leskov mais sa "Lady Macbeth de village" est vraiment très bien.
    Tu as des flops avec Dostoievsky ? Tu as lu "Souvenirs de la maison des morts" ?

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    1. Le maître et Marguerite, je connais, mais pas lu. Lady Macbeth du district de M, c'est aussi un opéra, je crois.
      Ah Dosto! J'ai essayé, tu sais, craqué à plus de la moitié de L'idiot, lu Les nuits blanches sans entrain, etc.

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  4. Je n'ai pas lu les auteurs russes depuis longtemps ; je n'ai pas très envie de m'y remettre, je crois que je préfère rester dans le contemporain.

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    1. Certains sont courts, ça permet de les connaître. ^_^

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  5. En plus du célèbre Maître et Marguerite, Boulkagov a laissé pas mal de textes satiriques pas forcément bien accueillis ou publiés dans l'URSS, je me souviens en avoir lus, même si l'humour peut être assez particulier.
    J'ai moi aussi un petit stock de livres Ginkgo à lire... je les ai achetés il y a un moment.

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    1. Coeur de chien est dans la veine satirique (Le gaucher aussi, finalement, et Moumou critique sans trop le claironner). Humour particulier, en effet; parfois un poil à fond.
      Ginkgo propose vraiment des bons textes, et des rééditions de bouquins introuvables. Par exemple Récit d'un voyage à pied à travers la Russie et la Sibérie tartare, un voyageur anglais vers 1820. C'est dans ma bibli, je l'ai lu.

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  6. Certainement de bons textes, j'en suis convaincu... je connais l'écrivain.....

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    1. Des textes courts, ça permet de découvrir plus facilement un auteur.

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  7. J'aime bcp ton expression "sans graisse inutile". je ne sais pas s'il y a un droit d'auteur, mais je pense l'utiliser à l'avenir, moi qui me bat justement contre la graisse inutile de nombreux romans.
    Bon de ces 3 titres, seuls le 1er et le 3ème me tentent. Mais bon, je sors d'un abandon avec Tcheckhov donc pour l'instant, je vais me tenir à distance de la littérature russe !

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    1. Moumou est parfait et devrait déchirer ton petit coeur.
      Tchékhov, juste vu au théâtre, et, heu, faut vraiment que les mises en scène et acteurs soient bons, je m'ennuie un peu.

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  8. Tu lis vraiment de tout ! Bravo !
    Bonne fin de semaine.

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    1. Des envois bien sympathiques, auxquels j'accorde attention.

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  9. Tiens, j'ai aussi lu un classique russe la semaine dernière... Billet bientôt.

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    1. Oui, on y revient, mais point trop n'en faut, en fait, je suis plus en phase avec d'autres coins.

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  10. Je crois avoir lu "Coeur de chien" dans les années 2000, bien avant d'avoir mon blog. Et bien entendu je connais Tourguniev, mais je n'ai jamais rien lu de Leskov, à découvrir donc un jour. La littérature russe, j'y reviens de temps en temps...

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    1. J'avoue ne pas trop connaître, en fait... Coeur de chien ne risque pas de s'oublier!

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  11. Tiens, je devrais peut-être aussi regrouper mes lectures de l'année dernière, j'ai cumulé du retard moi aussi... Sinon le Boulgakov me tente bien, je garde un très bon souvenir du Maître et Marguerite. Il faudrait que je me repenche un peu sur les publications de Ginkgo.

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    1. Regrouper tout en suivant une certaine logique, ça me paraît un bon moyen.
      Ginkgo, j'y reviendrai!

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  12. Tourgueniev je le lis toujours avec plaisir

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  13. Boulgakov a écrit de formidables récits et nouvelles comme celui-ci. J'ai eu la chance de les recevoir en volume de La Pléiade et c'était un régal.

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  14. Par les yeux du chien, biais classique qui fonctionne toujours, c'est hilarant. Et j'aime bien "Boule" pour un chien.

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    1. A partir du moment où Boule est opéré, ce n'est plus lui qui raconte.

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