L'auteur et moi
Eric Chevillard
Les éditions de Minuit, 2012
Le narrateur n'aime pas le gratin de chou-fleur. Il le hait, il l'exècre, et devient méchant (jusqu'au meurtre?) quand on lui en propose. En revanche il adore la truite aux amandes. Quel drame alors quand au lieu de truite on lui sert du chou-fleur -en gratin? Voilà ce que dans un monologue fou il tente d'expliquer à une jeune femme en terrasse d'un café, alors qu'autour d'eux les passants vaquent à leurs occupations.
Dès le début, le lecteur est prévenu que l'auteur veut se démarquer du narrateur et qu'il interviendra! D'où de longs bas de page s'étalant sans ambages sous le texte principal. Et patatras, alors que le lecteur (moi en l'occurrence) commençait un peu à fatiguer du gratin de chou-fleur (sa vie, ses œuvres), arrive carrément un bas de page prenant le pouvoir sur une bonne centaine de pages, ("Pourquoi, en effet, serait-il interdit d'écrire un roman en bas de page?") narrant l'aventure de l'auteur à la poursuite (non échevelée) d'une fourmi, bientôt suivi par une jeune femme, un tamanoir, un enfant, etc...
Puis la fourmi disparaît, laissant le lecteur abasourdi par la fin, et revient le chou-fleur, avec force et rage.
Mon avis
Une expérience de lecture, ça c'est sûr! Qui peut bien sûr paraître totalement artificielle, sans queue ni tête, et laisser sur sa faim côté histoire (quoique, la fourmi, c'est pas mal du tout). Mais quelle maestria! Le délire chou-fleuresque atteint encore des sommets vers la fin, emportant tout sur son passage.
"Les livres de l'auteur (...) suivent un cours digressif et déconcertant. Le lecteur n'en peut sauter un mot sans en perdre le fil mais il ne lui est pas recommandé non plus de s'attarder trop, car alors il s'y emberlificote. (...) Toute lecture bien comprise est d'ailleurs affaire de vitesse.Il s'agit de trouver la bonne. Il en est une adaptée pour chaque écrivain qui sera fatale au lecteur s'il n'en change pas en s'engageant dans le livre d'un autre. Aussi est-il malavisé, selon l'auteur, de prétendre traverser toute la littérature dans une voiturette de golfeur."
Les interventions de l'auteur déconcertent. C'est un jeu? C'est à prendre à quel degré de folie? L'auteur est-il en fait un type imbuvable? Allez savoir... Mais il a une écriture incroyable, c'est évident.
"Or il n'est pire douleur que celle que l'on vous dénie. Elle augmente de ce désaveu. Puis il est encore ceux que réjouissent les conditions de votre malheur, qui y trouvent quant à eux celles de leur bonheur et de leur volupté, tant il est vrai que le ver de terre et le renard ne se font pas la même idée de la poule."
"L'instinct infaillible tout à fait remarquable des bêtes précipite ainsi les escargots par équipes de douze dans les alvéoles de l'assiette conçue pour les recevoir."
Après quelques lectures plus traditionnelles, je reprendrais bien une part degratin de chou-fleur Chevillard, un jour ou l'autre. Vos suggestions?
Un grand merci à christw pour ses conseils. Son avis ici et un passage ici.
D'autres avis chez babelio
Le blog de l'auteur,
Eric Chevillard
Les éditions de Minuit, 2012
Le narrateur n'aime pas le gratin de chou-fleur. Il le hait, il l'exècre, et devient méchant (jusqu'au meurtre?) quand on lui en propose. En revanche il adore la truite aux amandes. Quel drame alors quand au lieu de truite on lui sert du chou-fleur -en gratin? Voilà ce que dans un monologue fou il tente d'expliquer à une jeune femme en terrasse d'un café, alors qu'autour d'eux les passants vaquent à leurs occupations.
Dès le début, le lecteur est prévenu que l'auteur veut se démarquer du narrateur et qu'il interviendra! D'où de longs bas de page s'étalant sans ambages sous le texte principal. Et patatras, alors que le lecteur (moi en l'occurrence) commençait un peu à fatiguer du gratin de chou-fleur (sa vie, ses œuvres), arrive carrément un bas de page prenant le pouvoir sur une bonne centaine de pages, ("Pourquoi, en effet, serait-il interdit d'écrire un roman en bas de page?") narrant l'aventure de l'auteur à la poursuite (non échevelée) d'une fourmi, bientôt suivi par une jeune femme, un tamanoir, un enfant, etc...
Puis la fourmi disparaît, laissant le lecteur abasourdi par la fin, et revient le chou-fleur, avec force et rage.
Mon avis
Une expérience de lecture, ça c'est sûr! Qui peut bien sûr paraître totalement artificielle, sans queue ni tête, et laisser sur sa faim côté histoire (quoique, la fourmi, c'est pas mal du tout). Mais quelle maestria! Le délire chou-fleuresque atteint encore des sommets vers la fin, emportant tout sur son passage.
"Les livres de l'auteur (...) suivent un cours digressif et déconcertant. Le lecteur n'en peut sauter un mot sans en perdre le fil mais il ne lui est pas recommandé non plus de s'attarder trop, car alors il s'y emberlificote. (...) Toute lecture bien comprise est d'ailleurs affaire de vitesse.Il s'agit de trouver la bonne. Il en est une adaptée pour chaque écrivain qui sera fatale au lecteur s'il n'en change pas en s'engageant dans le livre d'un autre. Aussi est-il malavisé, selon l'auteur, de prétendre traverser toute la littérature dans une voiturette de golfeur."
Les interventions de l'auteur déconcertent. C'est un jeu? C'est à prendre à quel degré de folie? L'auteur est-il en fait un type imbuvable? Allez savoir... Mais il a une écriture incroyable, c'est évident.
"Or il n'est pire douleur que celle que l'on vous dénie. Elle augmente de ce désaveu. Puis il est encore ceux que réjouissent les conditions de votre malheur, qui y trouvent quant à eux celles de leur bonheur et de leur volupté, tant il est vrai que le ver de terre et le renard ne se font pas la même idée de la poule."
"L'instinct infaillible tout à fait remarquable des bêtes précipite ainsi les escargots par équipes de douze dans les alvéoles de l'assiette conçue pour les recevoir."
Après quelques lectures plus traditionnelles, je reprendrais bien une part de
Un grand merci à christw pour ses conseils. Son avis ici et un passage ici.
D'autres avis chez babelio
Le blog de l'auteur,
Commentaires
Quand même, tente l'expérience!
C'était déjà mauve ici ou c'est ma super condition physique du moment qui me fait halluciner (l'abus d'antalgiques peut avoir des effets seconds...).
Je vais souvent sur le blog de l'auteur, c'est aussi une expérience de lecture décoiffante ... Et souvent très drôle (bon, un humour un peu déjanté, il faut en convenir !) De Chévillard, j'avais adoré "Les absences du capitaine Cook", une lecture qui date, cependant. Dans mon souvenir, l'histoire est plus traditionnelle qu'ici, mais de là à la résumer ... Une écriture en tout cas "incroyable".
Non, j'ai changé la couleur, qui était verte, mais rien ne dit que ça va durer, le printemps approche...
L'auteur et moi, expérience de lecture que je ne regrette absolument pas.
Merci de m'avoir aidée à sauter le pas!
J'aime bien Chevillard, je lis ses récits et aphorismes en ligne.
Je sens que je vais m'y mettre, à son blog...
Plume enlevée, ça oui!
Pour les amateurs, on peut écouter ici des lectures de ses textes au théâtre du Rond-Point : http://www.ventscontraires.net/podcast.cfm/10316_portrait_crache_du_romancier_en_administrateur_des_affaires_courantes_d
Aurélien
Merci!
un je Dé-TES-Te le choux fleur
en plus ça sent mauvais
et deux tous ces commentaires me ravissent
allez je le mets en numéro un de ma liste
Luocine
C'est barré de la casquette non...? Ça pourrait me plaire cela dit !
Barré de la casquette, c'est tout à fait ça (mais hyper contrôlé!) et j'adore l'expression.