Indian Roads
Un voyage dans l'Amérique indienne
Rez Life (titre original)
David Treuer
Albin Michel, Terres d'Amérique, 2014
Traduit par Danièle Laruelle
David Treuer est l'auteur de Little et Comme un frère (entre autres); son père, juif autrichien, a émigré aux Etats-Unis en 1938, et sa mère est une amérindienne Ojibwé. Il a grandi dans la réserve indienne de Leech Lake, au nord du Minnesota. Rez Life parle bien sûr ... des réserves indiennes. L'auteur connaît le sujet de l'intérieur mais a aussi compulsé pas mal de documents, discuté avec des témoins. Partant fréquemment de sa propre vie familiale ou amicale il aborde des sujets plus généraux, ce qui donne une lecture plus aisée car j'avoue m'être parfois perdue dans tous les sigles. Il met à bas nombres d'idées fausses ou préconçues sur les indiens et les réserves.
Par exemple les traités entre européens et indiens, qui justement étaient des traités -à respecter.
Au cours du 19ème siècle, "les tribus indiennes renonçaient à certaines de leurs terres et se réservaient les autres pour leur propre usage. Ces portions restantes furent appelées 'réserves'. En ojibwé, cela se dit 'ishkonigan', qui signifie 'les restes'. En plus de ces terres réservées sur lesquelles les Indiens étaient censés pouvoir vivre à leur guise sans être inquiétés, les accords comprenaient diverses clauses leur accordant des droits particuliers ou 'droits garantis par traité'. Ces droits - de chasse, de pêche, de cueillette, d'exploitation forestière - étaient nombreux."
Les problèmes accablant les réserves - "criminalité, gangs, chômage, suicide et faible taux de réussite scolaire"- ne sont pas écartés mais évoqués sans misérabilisme; parfois des solutions fonctionnent.
Et les casinos, qui ont vraiment changé la donne dans la seconde partie du 20ème siècle?
"Pourquoi les Indiens ont-ils le droit d'avoir des casinos et pas nous? Cette question revient souvent, et il est facile d'y répondre : c'est à cause des Cherokees, et à cause d'un mobile-home à Squaw Lake dans les Minnesota." Les détails forment une bonne partie d'un chapitre, je ne détaille donc pas.
David Treuer est indien et fier de l'être. Son plaidoyer pour la culture -et la langue- est à prendre en considération. Je recommande ce livre à ceux qui veulent en savoir plus sur les réserves indiennes (histoire, vie actuelle, futur).
Pour le plaisir, un bon passage de l'introduction, au sujet des Ojibwés versus autres indiens.
"Nous étions des teigneux, des 'preneurs de noms' ayant vaincu les Iroquois, les Sauks et Fox et les célèbres Sioux, et pourtant, nous ne sommes pas très connus pour cela. D'ailleurs, les Sioux, qui sont sans doute les guerriers indiens les plus réputés, occupaient autrefois le territoire où nous vivons, dans les forêts du nord du Minnesota, du Wisconsin et du nord-ouest de l'Ontario. Mais nous les avons chassés vers les plaines où ils ont prospéré en chassant le bison. Peut-être que le problème est là. Les Sioux chassent le bison à cheval et nous, les Ojibwés, posons des collets pour piéger les lapins, chaussés de raquettes. Les Sioux ont monopolisé le marché du cool version indienne. C'est également vrai pour les noms." ( une des exemples donnés, Crazy Horse -cheval fou- face à Mouse Dung - crottes d'orignal)
En un sens, c'est peut-être une bénédiction. Nous avons globalement évité que des tiers écrivent sur nous; (...) Nous avons aussi évité d'être envahis par ceux qui rêvent d'être indiens et les 'fanas de la culture' parce que, en fin de compte, personne ne souhaite être un Indien sans chevaux, qui vit dans des marais, piège des castors et n'a pas développé de saisissants motifs géométriques en perles ou des coiffes de guerre du plus bel effet."
Les avis de Hélène,
Un voyage dans l'Amérique indienne
Rez Life (titre original)
David Treuer
Albin Michel, Terres d'Amérique, 2014
Traduit par Danièle Laruelle
David Treuer est l'auteur de Little et Comme un frère (entre autres); son père, juif autrichien, a émigré aux Etats-Unis en 1938, et sa mère est une amérindienne Ojibwé. Il a grandi dans la réserve indienne de Leech Lake, au nord du Minnesota. Rez Life parle bien sûr ... des réserves indiennes. L'auteur connaît le sujet de l'intérieur mais a aussi compulsé pas mal de documents, discuté avec des témoins. Partant fréquemment de sa propre vie familiale ou amicale il aborde des sujets plus généraux, ce qui donne une lecture plus aisée car j'avoue m'être parfois perdue dans tous les sigles. Il met à bas nombres d'idées fausses ou préconçues sur les indiens et les réserves.
Par exemple les traités entre européens et indiens, qui justement étaient des traités -à respecter.
Au cours du 19ème siècle, "les tribus indiennes renonçaient à certaines de leurs terres et se réservaient les autres pour leur propre usage. Ces portions restantes furent appelées 'réserves'. En ojibwé, cela se dit 'ishkonigan', qui signifie 'les restes'. En plus de ces terres réservées sur lesquelles les Indiens étaient censés pouvoir vivre à leur guise sans être inquiétés, les accords comprenaient diverses clauses leur accordant des droits particuliers ou 'droits garantis par traité'. Ces droits - de chasse, de pêche, de cueillette, d'exploitation forestière - étaient nombreux."
Les problèmes accablant les réserves - "criminalité, gangs, chômage, suicide et faible taux de réussite scolaire"- ne sont pas écartés mais évoqués sans misérabilisme; parfois des solutions fonctionnent.
Et les casinos, qui ont vraiment changé la donne dans la seconde partie du 20ème siècle?
"Pourquoi les Indiens ont-ils le droit d'avoir des casinos et pas nous? Cette question revient souvent, et il est facile d'y répondre : c'est à cause des Cherokees, et à cause d'un mobile-home à Squaw Lake dans les Minnesota." Les détails forment une bonne partie d'un chapitre, je ne détaille donc pas.
David Treuer est indien et fier de l'être. Son plaidoyer pour la culture -et la langue- est à prendre en considération. Je recommande ce livre à ceux qui veulent en savoir plus sur les réserves indiennes (histoire, vie actuelle, futur).
Pour le plaisir, un bon passage de l'introduction, au sujet des Ojibwés versus autres indiens.
"Nous étions des teigneux, des 'preneurs de noms' ayant vaincu les Iroquois, les Sauks et Fox et les célèbres Sioux, et pourtant, nous ne sommes pas très connus pour cela. D'ailleurs, les Sioux, qui sont sans doute les guerriers indiens les plus réputés, occupaient autrefois le territoire où nous vivons, dans les forêts du nord du Minnesota, du Wisconsin et du nord-ouest de l'Ontario. Mais nous les avons chassés vers les plaines où ils ont prospéré en chassant le bison. Peut-être que le problème est là. Les Sioux chassent le bison à cheval et nous, les Ojibwés, posons des collets pour piéger les lapins, chaussés de raquettes. Les Sioux ont monopolisé le marché du cool version indienne. C'est également vrai pour les noms." ( une des exemples donnés, Crazy Horse -cheval fou- face à Mouse Dung - crottes d'orignal)
En un sens, c'est peut-être une bénédiction. Nous avons globalement évité que des tiers écrivent sur nous; (...) Nous avons aussi évité d'être envahis par ceux qui rêvent d'être indiens et les 'fanas de la culture' parce que, en fin de compte, personne ne souhaite être un Indien sans chevaux, qui vit dans des marais, piège des castors et n'a pas développé de saisissants motifs géométriques en perles ou des coiffes de guerre du plus bel effet."
Les avis de Hélène,
Je me demande si je n'ai pas rencontré l'auteur au festival America. J'ai noté un autre de ses livres. ce n'est pas trop aride comme lecture ?
RépondreSupprimerJ'ai vérifié, Treuer y était en 2008. Je dirais que c'est parfois un poil technique, mais bien documenté, et il y a toujours les passages présentant des personnages ou des anecdotes (pas inventées). Tu pourrais commencer par Little, un roman où la vie dans les réserves est bien montrée aussi.
SupprimerRepéré aux Assises Internationales du Roman l'année dernière, où il était venu parler de... non fiction ! Je garde en tête de lire ce livre ou un de ses romans.
RépondreSupprimerN'oublie pas; si le sujet t'intéresse, tu auras plein d'informations.
SupprimerUn livre très fort sur le sujet !
RépondreSupprimerJe l'avais demandé, en vain, finalement ma bibli l'a eu! Je sais que toi aussi aimes ce sujet.
Supprimerje l'ai trouvé certes intéressant mais aussi franchement un peu ennuyeux et je préfère quand l'auteur passe par le roman pour défendre ses causes comme son superbe Little que j'ai relu récemment
RépondreSupprimerExact, Little, je le recommande. Comme je disais dans le billet, j'ai un peu décroché quand les sigles s'accumulaient. Mais au moins on en apprend plein!
Supprimercitation très intéressante et qui ne manque pas d'un certain humour!
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé aussi cette auto dérision pleine de fierté quand même...
Supprimerj'aime bien le sujet , mais je ne vais pas me lancer tout de suite dans un livre un peu aride sur le sujet. Je note le,roman. Little.
RépondreSupprimerA choisir, Little est plus aisé comme lecture.
SupprimerJ'ai noté ce livre dans ma Wishlist et je compte bien le lire - car j'ai eu la chance de vivre dans le Montana et d'avoir des amis qui vivaient dans des réserves. J'échange beaucoup avec l'un d'eux. Ravie que tu aies aimé - le genre peut dérouter mais c'est aussi nécessaire pour nous éloigner de ce fameux mythe (plus risqué sous la forme romanesque). J'adore le nom Mouse Dung ! Merci pour le fou rire.
RépondreSupprimerPS : mes amis par contre n'aiment pas du tout le terme "Sioux" une insulte selon eux, ce sont des Lakota, des Blackfeet, des Kiowas...
Treuer parle surtout des réserves du Minnesota (puisqu'il y vit) mais ses informations débordent ce cadre, bien sûr. Cela ne m'étonne pas que le terme Sioux ne plaise pas, s'il est mal employé ou inexact. A force de lire sur le sujet, je finis par connaître plein de noms!
SupprimerJ'espère que tu pourras le lire sans trop attendre, tu verras, cela a l'air complet et mets à bas certaines idées fausses.
Oui, les noms fort parlants... Remarque, je suppose qu'en France aussi les noms de famille (ou les surnoms) ont une origine en fonction de la région, d'une caractéristique physique, etc...
Oui j'ai hâte de me le procurer (je crois que Sioux était un terme utilisé par leurs ennemis) donc mes amis du Montana ne l'emploient pas.
SupprimerPour les noms, oh oui Legros, Lepetit, Boulanger, Leroux .... mais je préfère les noms indiens ;-)
Souvent on ne connaît que les noms donnés par leurs ennemis ou les Européens, et pas comme ils s'appellent eux mêmes. Valable pour d'autres populations, en Sibérie, dans le grand nord, etc.
SupprimerTiens, je suis tombée ce matin sur un article, les noms Amérindiens et Facebook (tu sais sans doute que Facebook fait le ménage dans les pseudos)
http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/03/03/pour-facebook-les-noms-des-amerindiens-ne-respectent-pas-ses-regles_4586748_4408996.html
C'est un sujet qui me passionne alors forcément, je note !
RépondreSupprimerLes indiens fascinent toujours!
SupprimerBon, je crois que je commencerais par "Little" avec cet auteur
RépondreSupprimerSans doute plus facile, en effet (existe en poche je crois). Indian roads, c'est pour connaître plus à fond.
SupprimerVoilà qui m'intéresse ! Merci pour la découverte.
RépondreSupprimerSelle ton cheval et arrive!
Supprimersi c'est trop technique ce n'est pas pour moi, je connais mal la région, je préférerais des romans pour commencer.
RépondreSupprimerLittle paraît parfait! Il faut quand même connaître un peu le principe des réserves, mais j'ai un bon souvenir du roman.
SupprimerJe monte sur mon cheval et je file loin loin loin ^^
RépondreSupprimerTayaaaaaa! Quoique maintenant cela se passe plutôt en 4x4 ou pick up...
SupprimerVoilà un sujet qui te passionne ! il faut dire que l'on a tendance à regrouper les indiens sous une même appellation alors que les tribus en font une diversité incroyable...
RépondreSupprimerTrès très différents, dans leurs coutumes, habitat, etc... , et pas forcément copains dans le passé.
SupprimerCa c'est un titre qui ne peut que m'intéresser ! Merci pour cette chronique originale.
RépondreSupprimerUn sujet sur lequel je reviens de temps en temps...
SupprimerCe livre me titille surtout que l'auteur est un Ojibwé, tribu amérindienne méconnue au même titre que celle des Malécites dont je suis descendante. Merci pour la suggestion
RépondreSupprimerOn connaît de mieux en mieux les Ojibwés, de nom en tout cas, grâce aux auteurs comme Treuer ou Erdrich (tiens, les pères sont tous les deux d'origine germanique!)
SupprimerLes Malécites? Je viens juste de sauter sur wikipedia, car je ne connaissais même pas ce nom!
Je viens de lire deux bouquins se passant en Mongolie et Sibérie, et là aussi les populations ont des origines variées, et souvent plusieurs noms.
Sujet très intéressant, mon bouclier vacille !
RépondreSupprimerFouine à la bibli, il devrait y être.
SupprimerJ'ai croisé les Ojibwés dans un polar chez Louise Penny. Cela m'a donné envie d'en savoir plus.
RépondreSupprimerAh il y en a aussi au Canada alors? C'est vrai que le Minnesota est frontalier.
SupprimerSuper billet ! Il est sur ma wish-list aussi celui-là, je l'achèterai les yeux fermés :-)) J'ai bien aimé la dernière citation, humour typiquement Indien...
RépondreSupprimerJ'aime aussi ce genre d'humour qui en apprend beaucoup... ^_^ Parfois un peu technique, mais je ne pense pas que ça te fasse reculer (il était aussi sur ma LAL depuis des mois...)
SupprimerPour rebondir, étant aussi grosse fan des indiens, je connais les Ojibwé et je les découvre en littérature - j'ai vu récemment un documentaire sur la disparition de jeunes femmes indiennes au Canada qui était vraiment inquiétant.
RépondreSupprimerJ'ai une carte achetée aux US dans une réserve avec toutes les tribus - elles sont nombreuses ! Un de mes amis est Païute (Californie du Nord) et j'ai beaucoup appris grâce à lui car je connaissais plus les "Indiens des Plaines" ;-)
Regarde ma réponse précédente sur les noms Amérindiens et Facebook.
SupprimerTu as de la chance d'en connaître! Exact, moi la première imaginais les Indiens comme dans les westerns, genre Sitting Bull, nomades avec les tepees, etc, mais en fait certains étaient sédentaires, cultivateurs, ou pêcheurs, selon les régions.
Je l'ai ajouté à ma wish list, pour le jour où ma pal aura un peu (pas trop, sinon je ne le lirai jamais!) baissé. C'est tout à faire le genre de livres qui m'intéresse!
RépondreSupprimerLa fameuse PAL... la fameuse LAL... Il faut saisir l'occasion, en effet!
SupprimerUn sujet qui me touche, donc un livre qui ne peut être qu'intéressant !
RépondreSupprimerFort intéressant, parfois technique, mais il y a des histoires vraies à l'intérieur, quand même.
SupprimerEn réponse au mot de Alex Mot-à-Mots d'où ta surprise d'y lire qu'il y avait des Ojibwés au Canada bien si, tu le désires, va lire ici:
RépondreSupprimerhttp://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/ojibwa/
Merci d'avoir pris la peine d'aller fouiner sur internet au sujet des Malécites.
C'est tout un monde, bien évidemment que les frontières dessinées par les Européens n'ont rien à voir avec les zones où vivaient/vivent les Amérindiens de diverses origines. Comme en Afrique où par exemple on trouve des populations de même langue dans plusieurs pays, parfois un anglophone et l'autre francophone.
SupprimerMerci de tes précisions!
Ah super le sujet me passionne ! J'achète ! (oui je suis très enthousiaste ce matin.)
RépondreSupprimerVérifie quand même s'il n'est pas dans une bibliothèque proche?^_^
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