Des nouvelles de Virginia Woolf autour de Mrs Dalloway

A haunted house
The complete shorter fiction
Virginia Woolf
Vintage classics, 2003
Traduction de Pascale Michon pour Mrs Dalloway et Pierre Nordon pour The new Dress


Mieux valait regarder la réalité en face : ce volume comprenant toutes les nouvelles de Virginia Woolf écrites au cours de sa vie, et en VO en plus, ne sera jamais lu (première tentative, août 2013) si je ne contourne pas finement l'obstacle. Entre 1922 et 1925 elle écrivit plusieurs nouvelles autour de la soirée chez les Dalloway relatée dans le roman Mrs Dalloway.

La préface rappelle que la nouvelle Mrs Dalloway in Bond Street fut écrite au cours de l'été 1922 et à l'automne Virginia Woolf notait dans son journal que la nouvelle s'était ramifiée en un livre. Elle envoya cependant la nouvelle pour une parution en magazine, notant que Mrs Dalloway ne lui semblait pas complète comme elle était.
Débutant par 'Mrs Dalloway said she would buy the gloves herself' - oui, pas les fleurs-, la nouvelle voit Mrs Dalloway dans Londres et une boutique de gants, et se termine par son exclamation ravie 'Miss Anstruther' lorsque le nom lui revient en mémoire.

Toujours d'après la préface, après avoir écrit son roman et pensant à son prochain, Vers le phare, Virginia Woolf se sentit le désir d'écrire des nouvelles autour de la réception donnée chez Mrs Dalloway.

Mabel en est sûre : sa robe neuve, de couleur jaune, est une horreur (The new dress). La soirée est gâchée, elle ne pense qu'à cela, se sentant 'une vieille mouche décrépite, mal fagotée, affreusement minable.' L'image reviendra en fil conducteur de la nouvelle.
"Nous ressemblons tous à des mouches essayant de franchir le rebord de la soucoupe, pensait Mabel, et elle se répétait cette phrase comme si elle se signait et tentait de trouver une formule pour exorciser sa douleur et rendre son angoisse supportable. (...)Et voici qu'elle pouvait voir des mouches franchissant lentement le rebord d'une soucoupe pleine de lait, leurs ailes toutes collées.(...) Elle était une mouche, mais les autres étaient des libellules, des papillons, de beaux insectes, légers, gracieux, dansant et elle était la seule à se hisser hors de la soucoupe."
"Mabel a une robe neuve, dit-il, et la pauvre mouche fut littéralement poussée au milieu de la soucoupe. Mabel était persuadée qu'il voulait qu'elle se noie."
Finalement elle fuit, enveloppée dans son bon vieux manteau chinois...

Rencontre tout en subtilités, à la soirée, entre Stuart Elton et Mrs Sutton (Happiness). Il lui confie être allé à Kew dans l'après-midi, comme s'il jetait bouts de tissu et de biscuits à des loups le poursuivant en forêt. Et Virginia Woolf s'amuse à continuer de paragraphe en paragraphe : 'with this whole pack of famished wolves in pursuit'. Mrs Sutton revient à la charge : 'A kew, seul?' 'Ah, the wolf yapped in his ear'...
Et cette phrase, justifiant qu'on lise VW en VO : 'making dashes and splashes about him like a man dabbing putty here there trying to cement bricks together'

Mrs Vallance se remémore sa famille (Ancestors) tout en parlant avec Jack Renshaw. Terminant les larmes aux yeux.

Mrs Dalloway elle-même présente (Introduction) Lily Everit à un groupe de jeunes invités, dont Bob Brinsley. Lily devient consciente de son état de femme, 'all made her feel that she had come out of her chrysalis and was being proclaimed what in the comfortable darknessof chilhood she had never been - this frail and beautiful creature, before whom men bowed, this limited and circumscribed creature who woud not do what she liked, this butterfly with a thousand facets to its eyes and delicat fine plumage, and difficulties and sadnesses innumerable; a woman.'
Je ne me hasarde pas à traduire, disons que la femme serait une jolie petite chose fragile...
Alors que les hommes. 'high towers, solemn bells, flats built every brick of them by men's toil, churches built by men's toil, parliaments too.', voilà des bâtisseurs d'empire!
Brinsley : 'Je suppose que vous écrivez? Sans doute des poèmes.'
Sa réponse : 'des essais'.

Je passe rapidement Together and apart, pour ne pas trop allonger, citant juste
'their lives, seen by moonlight, as long as an insect's and no more important.'

The man who loved his kind
et A summing up, histoire de prouver la difficulté de traduire
'catching cod, catching cold, influenza, rheumatism and Keats'

Le talent de Virginia Woolf est fort présent dans ses nouvelles, ce peut être un moyen d'aborder l'auteur. Pour parler -maladroitement- de ces nouvelles, j'ai dû relire, et chaque fois je découvrais d'autres facettes. Désolée de n'avoir pas traduit, c'est mission impossible.Désolée de ne pas avoir tout décortiqué. Il me restera plein d'autres nouvelles à savourer...
On ne lit pas ces nouvelles pour leur chute, il n'y en a pas vraiment, mais pour la langue, les images, l'ambiance, la subtilité, l'humour et l'émotion se mêlant... Une vraie plongée dans les pensées et les ressentis, sans appuyer.

Et huit pour le mois anglais


Existe en français
La soirée de Mrs Dalloway
Traduit par Nancy Huston
Les allusifs, 2014

Présentation éditeur
Rassemblées par la critique Stella McNichol en 1973, ces sept nouvelles magnifiquement traduites par Nancy Huston reconstituent un livre imaginé par Virginia Woolf en octobre 1922 et dont elle n’écrira qu’un seul chapitre, ayant servi de matrice au début de Mrs Dalloway. Ouvrant le recueil, « Mrs Dalloway dans Bond Street » nous fait ainsi retrouver avec d’exquises variations le personnage central de Clarissa, électrisée par la vitalité divine de Londres un jour de juin. Rédigées plus tard, les six nouvelles suivantes font entrer en scène d’autres invités de Mrs Dalloway, ignorés du roman… Avec une poésie insolite, orchestrant entre tous ces personnages pris dans la nasse de la mondanité des rencontres subtilement dissonantes, Virginia Woolf traque de sa tentaculaire sensibilité ce qu’elle nomme dans son journal « la conscience de soirée ». Celle d’un avocat cherchant quelqu’un à qui infliger le récit de sa bonne action du jour… D’une jeune fille pressentant soudain son inquiétant destin de femme… D’une invitée pétrifiée par le souvenir de son enfance… De cet homme et de cette femme d’âge mûr surpris par une fugace fusion… De cette mère de famille subissant l’échec cuisant de sa nouvelle robe... Ou de cette rêveuse, dans le jardin arrière de Mrs Dalloway, retournant brusquement au monde ordinaire à cause d’un seau… Virtuose visionnaire de cette série d’instants mondains, où se mêlent en une déchirante alchimie passé et présent, réel et imaginaire, extase de vivre et douleur d’être, culpabilité et arrogance sociale, Woolf épouse les minuscules coups de théâtre de la vie psychique, éclairant la fuyante multiplicité des soi à l’intérieur de soi. Portées par une narration novatrice, feu d’artifice stylistique, ces nouvelles sont une parfaite introduction à la littérature moderniste.

Commentaires

Irrégulière a dit…
ça m'intéresse, j'aime beaucoup Woolf et Mrs Dalloway en particulier !
cathulu a dit…
Adoré, en français ! :)
eimelle a dit…
en VO, je ne suis pas cap, mais en français, je continuerai avec plaisir à découvrir les différents écrits de VW!
keisha a dit…
Quand on aime Woolf, tout est à lire!!! Mrs Dalloway intervient assez peu, sache-le.
keisha a dit…
En VO on ne peut absolument pas laisser son attention s'égarer, c'est dense. Mais pour coller au texte, c'est le meilleur.
keisha a dit…
L'idéal pour moi est de la lire en VO (et ça vaut vraiment la peine) tout en jetant un coup d'oeil sur une traduction pour vérifier quand même...
Lili a dit…
Comme Eimelle, je ne suis pas capable de la lire en VO. Elle est déjà de haut niveau en français :D Quoique, les nouvelles, c'est peut-être le bon format pour tenter !
Mior a dit…
Suis plongée ds Promenade au Phare , sublime ment woolfien
Mior a dit…
Zut ...bref .'.et je trouve ça tellement génial que je me sens toute petite à l'idée de commettre un billet , éventuellement ... Là on est vraiment ds la littérature , la grande , et on redevient un tout petit lecteur ( enfin , moi , elle me fait cet effet là ;-)
Merci pour ton billet , j'ai ai une fois de plus raté le coche ( de la date and hoc)
keisha a dit…
Je me demande si ses essais ne sont pas plus 'faciles' à lire... En tout cas c'est comme cela que j'ai commencé. La VO est venue ensuite...
keisha a dit…
Tu vas me donner envie de le relire, à l'époque je suis sûrement passée à côté!
keisha a dit…
Elle me fait le même effet, et j'ose en parler sur mon blog en partie parce que si tout le monde fait pareil et n'ose pas, on ne fera pas envie à des lectrices potentielles. ^_^
Pour la date, c'était en fait hier, mais bon, on décide comme on veut. Et j'aimerais bien avoir tes impressions, même si c'est en juillet.
claudialucia a dit…
Hélas! Encore faut-il pouvoir suivre en anglais! Je ne doute pas que ce soit le meilleur moyen de lire VW mais sa langue est difficile, son vocabulaire tellement riche et éblouissant! Je suppose qu'il fait bien faire confiance au traducteur surtout quand il s'agit de Nancy Huston.
Unknown a dit…
En lisant l'anglais je reste toujours sidéré par l'aisance avec laquelle cette langue dit les choses en peu de mots....
Electra a dit…
Oh j'adore ! J'ai la chance de pouvoir lire en vo et tu me donnes vraiment envie avec ce recueil ! Je dois rendre un livre à la bibli, je vais en profiter pour regarder (ils ont les classiques en anglais) !
Dominique a dit…
pour moi version française obligatoire, je l'ai lu et beaucoup aimé mais il faut être un peu fan de Mrs Dalloway
j'ai à lire aussi des petites nouvelles : la mort de la phalène mais je n'ai pas encore attaqué
luocine a dit…
une auteure lue trop vite et trop tôt il me reste à y revenir , si... et seulement si .... il n'y avait pas toutes ces horribles tentations sur la blogosphère!
Titine a dit…
Tu m'étonnes Mior, j'ai passé un temps fou sur celui de "Nuit et jour" en le trouvant toujours aussi minable ! En plus, Cléanthe avait écrit un billet génial dessus. En tout cas, il faut que je découvre ces nouvelles.
keisha a dit…
C'est difficile de parler des oeuvres de Virgina Woolf... Mais tant pis, il faut se lancer (c'est comme pour Proust, si on attend d'écrire le truc parfait, on ne le fera jamais)
keisha a dit…
Marguerite Yourcenar l'a aussi traduite.Il faut bien des courageux traducteurs!!! ^_^
keisha a dit…
Exact, et spécialement avec des auteurs ayant cette maîtrise de leur langue!
keisha a dit…
Ma bibli possède aussi un rayon 'anglais', surtout des classiques.
keisha a dit…
Il me reste plein de nouvelles à lire, puisque j'ai le volume complet semble-t-il. Courage à toi!
keisha a dit…
Je m'y suis lancée à une âge assez avancé, et finalement, ce n'est pas mal. Et je n'en ai pas terminé!
Les tentations, oui; à une époque je voulais lire Dickens, tiens oui.
maggie a dit…
Je ne connais pas encore les nouvelles de Woolf, je tenterai. Mais je préfère son style dans ses articles...
Fanja a dit…
Ah ben toi quand tu es conquise, on le sent ! :-D Bon, moi je ne suis pas franchement fan de Woolf (pas trop accroché avec Mrs Dalloway) mais tu donnerais presque envie de relire Woolf pour revoir mon verdict ! :-D
keisha a dit…
J'ai aussi moins d'appréhension pour ses essais.
keisha a dit…
C'est spécial, je sais. Mais toi tu peux lire en VO, donc avoir ça au plus près.
miriam a dit…
Avec la liseuse la VO est un plaisir, et en plus c'est moins cher! je vais télécharger
keisha a dit…
J'ai le projet de lire son oeuvre en VO, c'est déjà bien démarré; mais j'ai du mal à trouver les livres, et c'est écrit petit. Tu as la bonne solution : la liseuse!
yueyin a dit…
Il faudrait que je me décide à lrie Virginai Woolf quand même :-)
keisha a dit…
Hé oui, on repousse, on repousse... ^_^
Jérôme a dit…
Très longtemps que j'ai envie de lire Mrs Dalloway. A vrai c'est le seul titre de Woolf qui me tente réellement.
Maryse a dit…
Lu la traduction de Huston, simplement magnifique. Une grande claque.
Theoma a dit…
Mais nom de bleu ! Je ne savais pas qu'il existait des nouvelles autour de Mrs Dalloway inculte que je suis !
J'ai honte mais... je n'ai pas (encore) lu Mrs Dalloway.
keisha a dit…
C'est bon à savoir, alors. Parfois j'ai besoin de jeter un regard à une traduction. On ne peut que féliciter les courageux traducteurs, dans le cas de Woolf.
keisha a dit…
Je ne veux pas te faire peur, mais il m'a fallu m'y reprendre à deux fois, j'ai tenté en français, j'ai lu des essais avant, puis j'ai attaqué la VO... Une question de moment sans doute.
keisha a dit…
J'ai choisi ce prétexte pour enfin lire quelques nouvelles! Mais il en reste plein. Là au moins cela faisait un thème commun, ça aide.
keisha a dit…
Oh il y a d'autres romans de VW, tu sais, et ses nouvelles, et ses essais. Il y a de quoi faire!
Yv a dit…
J'ai lu une biographie de Virginia Woolf mais pas de livre d'elle...
keisha a dit…
Tu as le temps, il faut choisir le bon moment...
Tania a dit…
Magnifique billet, comme j'aimerais pouvoir lire Virginia Woolf dans sa langue, en avoir une connaissance assez fine pour sentir les nuances, les allusions. Merci pour les citations en VO dont j'ai parfois cherché la correspondance dans la traduction de Josée Kamoun (Seuil) - pas la même musique.
keisha a dit…
Pas la même musique, non, mais j'apprécie lorsque c'est possible d'avoir une traduction en français pas loin de moi pour certains passages. On perd vite le fil, même en français! Mais on est bien récompensé de ses efforts, surtout en VO.
Anonyme a dit…
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