Les Hauts de Hurle-Vent
Wuthering Heights
Emily Brontë
Le livre de poche, 2009
Traduction de Frédéric Delebecque
Le problème avec les romans célèbres, c'est qu'on a l'impression de déjà connaître l'histoire. Oui, les landes battues par le vent, l'amour romantique entre Heathcliff et Catherine, la vengeance de l'amoureux déçu, voilà ce que j'en connaissais, et sans doute le soupçon d'un côté 'too much' me tenait à l'écart de cette lecture incontournable. Grâce au mois anglais, j'ai enfin lu Wuthering heights (PAL -1). Comme je suppose que la plupart connaissent déjà ce roman ou en ont amplement entendu parler, je ne raconterai pas l'histoire plus avant (on la trouve sans problème sur le net)
Alors?
Première impression : mais c'est passionnant! Cela se lit sans efforts, tout de suite on est plongé dans l'histoire, dans l'ambiance... L'écriture (je me fie à une traduction assez ancienne) est fluide.
Deuxième impression : excellente construction. En 1801 (donc avant l'époque d'Emily Brontë), Mr Lockwood vient de louer une propriété appartenant à Heathcliff, proche de quelques miles de la sienne. Reçu comme un chien lors d'une simple visite là-bas, et impressionné par l'ambiance y régnant, il interroge au retour sa femme de charge, Hélène Dean, en service dans les deux maisons depuis longtemps. Bavarde et observatrice, elle est la narratrice principale du roman (mis à part une lettre d'Isabelle et un compte rendu d'une servante) et jamais l'on ne s'y perd. J'ai scruté les détails, sa présence est avérée clairement, et elle raconte ce qu'elle a vu et entendu, le lecteur ne connaîtra pas autrement les pensées, paroles et actions des personnages. Frustrant mais rigoureux.
Helene est la soeur de lait de Hindley, donc née en 1757, et à quatorze ans elle était semble-t-il déjà au service de la famille Eanshaw. Vu tout ce à quoi elle assiste et le temps passé à raconter l'histoire à Lockwood, on peut se demander quand elle se repose, mais bref.
Troisième impression : fatiguant. Tous ces personnages brutaux, vociférant, disputant, se chamaillant, s'injuriant, voire se battant quasi perpétuellement mettent les nerfs à rude épreuve. Les héros n'écoutent que rarement les conseils prodigués par Helene Dean ou les quelques adultes plus terre à terre, et tombent ainsi dans des situations tragiques, contribuant ainsi volontairement à leur propre malheur. J'ai fini par les regarder s'agiter ainsi sans trop m'y attacher (oui, jetez moi des pierres), et à me désintéresser presque totalement de leur sort. Cruels, fantasques, coléreux, puérils, égocentriques, nerveux, méchants, j'en passe, ils le sont quasiment tous.
Et là je me rends compte que mon billet va tomber dans l'agacement. Ressaisis-toi! Tu as un chef d'oeuvre de la littérature, et après tout des personnages peu sympathiques peuvent donner un roman génial! Mais hélas je ne suis pas sensible aux ambiances de lande désolée, orage, revenants, cimetières hantés et quand Heathcliff va jusqu'à découvrir le visage de sa bien-aimée Catherine au cimetière (des années après l'enterrement), j'ai du mal.
Quatrième impression : celle de huit clos (ah bon, mais les sorties sur la lande où on est trempé, refuse de changer de vêtements et attrape la crève, hein?)(quand Catherine va passer sa convalescence chez les Linton, 'elle et son mari prirent tous deux la fièvre et moururent à peu de jours d'intervalle.')(rapide!)
Donc huis clos en ce sens que tout se déroule dans deux propriétés (et la lande), sans oublier le cimetière. Rien au village, peu de personnages finalement, quasiment tous cousins et se mariant ensemble, donnant les mêmes prénoms (on a deux Catherine) ou alors le nom en prénom (Linton); on comprend qu'existe dans ce volume un fort pratique tableau généalogique.
Cinquième impression : de bonnes idées inattendues
Emily Brontë a choisi de faire mourir l'une de ses héroïnes au milieu du roman (très fort!)(je pense que tout le monde le sait déjà, donc je ne spoile pas, ou, comme disent les québécois, je ne divulgâche pas)(depuis que j'ai appris ce mot chez grominou, je ne m'en lasse pas), laissant la voie libre à une vengeance implacable et une autre histoire en miroir, près de vingt ans après.
La fin du roman voit un changement d'atmosphère, perceptible dans le climat printanier et le jardin fleuri. Enfin un peu d'espoir de vie calme pour les survivants, après la disparition (rapide!) de Heathcliff. Mais la dernière scène nous ramène au cimetière... Heureusement, car on frôlait le trop sucré.
Quand on ne plonge pas à corps perdu dans un roman (mais qu'on ne peut le lâcher, attention!), on est sensible à des détails. L'âge des protagonistes par exemple. Autre époque, soit. Mais se rappeler que Catherine vit moins de vingt ans, donc elle n'avait guère que quinze seize ans au moment de ses amours compliquées avec Heathcliff (qui fuit durant trois ans sans même chercher à éclaircir quoi que ce soit, se fiant à des paroles qui ne lui étaient pas destinées)(et revient sans qu'on sache comment il s'est transformé et a acquis quelque fortune).
Emily Brontë ne le dit pas, mais Catherine est enceinte lors de sa grande scène d'hystérie:
"Elle s'agita tellement que son égarement fébrile devient de la folie et qu'elle se mit à déchirer l'oreiller avec ses dents; puis, se dressant toute brûlante, elle voulut que j'ouvrisse la fenêtre. Nous étions au cœur de l'hiver"
Autres détails:
Page 326, fin chapitre 27, Helene Dean est enfermée à clé, demande en vain à être relâchée, 'je frappai du poing sur le battant, je secouai le loquet avec rage'. Deux trois heures plus tard, on lui apporte à manger 'Ouvrez la porte.- J'obéis vivement.' (alors, enfermée ou pas?)
De nombreux avis, en particulier chez lecture/écriture
Existe en livre audio (sylire)
Et un cinquième pour le mois anglais
Wuthering Heights
Emily Brontë
Le livre de poche, 2009
Traduction de Frédéric Delebecque
Le problème avec les romans célèbres, c'est qu'on a l'impression de déjà connaître l'histoire. Oui, les landes battues par le vent, l'amour romantique entre Heathcliff et Catherine, la vengeance de l'amoureux déçu, voilà ce que j'en connaissais, et sans doute le soupçon d'un côté 'too much' me tenait à l'écart de cette lecture incontournable. Grâce au mois anglais, j'ai enfin lu Wuthering heights (PAL -1). Comme je suppose que la plupart connaissent déjà ce roman ou en ont amplement entendu parler, je ne raconterai pas l'histoire plus avant (on la trouve sans problème sur le net)
Alors?
Première impression : mais c'est passionnant! Cela se lit sans efforts, tout de suite on est plongé dans l'histoire, dans l'ambiance... L'écriture (je me fie à une traduction assez ancienne) est fluide.
Deuxième impression : excellente construction. En 1801 (donc avant l'époque d'Emily Brontë), Mr Lockwood vient de louer une propriété appartenant à Heathcliff, proche de quelques miles de la sienne. Reçu comme un chien lors d'une simple visite là-bas, et impressionné par l'ambiance y régnant, il interroge au retour sa femme de charge, Hélène Dean, en service dans les deux maisons depuis longtemps. Bavarde et observatrice, elle est la narratrice principale du roman (mis à part une lettre d'Isabelle et un compte rendu d'une servante) et jamais l'on ne s'y perd. J'ai scruté les détails, sa présence est avérée clairement, et elle raconte ce qu'elle a vu et entendu, le lecteur ne connaîtra pas autrement les pensées, paroles et actions des personnages. Frustrant mais rigoureux.
Helene est la soeur de lait de Hindley, donc née en 1757, et à quatorze ans elle était semble-t-il déjà au service de la famille Eanshaw. Vu tout ce à quoi elle assiste et le temps passé à raconter l'histoire à Lockwood, on peut se demander quand elle se repose, mais bref.
Troisième impression : fatiguant. Tous ces personnages brutaux, vociférant, disputant, se chamaillant, s'injuriant, voire se battant quasi perpétuellement mettent les nerfs à rude épreuve. Les héros n'écoutent que rarement les conseils prodigués par Helene Dean ou les quelques adultes plus terre à terre, et tombent ainsi dans des situations tragiques, contribuant ainsi volontairement à leur propre malheur. J'ai fini par les regarder s'agiter ainsi sans trop m'y attacher (oui, jetez moi des pierres), et à me désintéresser presque totalement de leur sort. Cruels, fantasques, coléreux, puérils, égocentriques, nerveux, méchants, j'en passe, ils le sont quasiment tous.
Et là je me rends compte que mon billet va tomber dans l'agacement. Ressaisis-toi! Tu as un chef d'oeuvre de la littérature, et après tout des personnages peu sympathiques peuvent donner un roman génial! Mais hélas je ne suis pas sensible aux ambiances de lande désolée, orage, revenants, cimetières hantés et quand Heathcliff va jusqu'à découvrir le visage de sa bien-aimée Catherine au cimetière (des années après l'enterrement), j'ai du mal.
Quatrième impression : celle de huit clos (ah bon, mais les sorties sur la lande où on est trempé, refuse de changer de vêtements et attrape la crève, hein?)(quand Catherine va passer sa convalescence chez les Linton, 'elle et son mari prirent tous deux la fièvre et moururent à peu de jours d'intervalle.')(rapide!)
Donc huis clos en ce sens que tout se déroule dans deux propriétés (et la lande), sans oublier le cimetière. Rien au village, peu de personnages finalement, quasiment tous cousins et se mariant ensemble, donnant les mêmes prénoms (on a deux Catherine) ou alors le nom en prénom (Linton); on comprend qu'existe dans ce volume un fort pratique tableau généalogique.
Cinquième impression : de bonnes idées inattendues
Emily Brontë a choisi de faire mourir l'une de ses héroïnes au milieu du roman (très fort!)(je pense que tout le monde le sait déjà, donc je ne spoile pas, ou, comme disent les québécois, je ne divulgâche pas)(depuis que j'ai appris ce mot chez grominou, je ne m'en lasse pas), laissant la voie libre à une vengeance implacable et une autre histoire en miroir, près de vingt ans après.
La fin du roman voit un changement d'atmosphère, perceptible dans le climat printanier et le jardin fleuri. Enfin un peu d'espoir de vie calme pour les survivants, après la disparition (rapide!) de Heathcliff. Mais la dernière scène nous ramène au cimetière... Heureusement, car on frôlait le trop sucré.
Quand on ne plonge pas à corps perdu dans un roman (mais qu'on ne peut le lâcher, attention!), on est sensible à des détails. L'âge des protagonistes par exemple. Autre époque, soit. Mais se rappeler que Catherine vit moins de vingt ans, donc elle n'avait guère que quinze seize ans au moment de ses amours compliquées avec Heathcliff (qui fuit durant trois ans sans même chercher à éclaircir quoi que ce soit, se fiant à des paroles qui ne lui étaient pas destinées)(et revient sans qu'on sache comment il s'est transformé et a acquis quelque fortune).
Emily Brontë ne le dit pas, mais Catherine est enceinte lors de sa grande scène d'hystérie:
"Elle s'agita tellement que son égarement fébrile devient de la folie et qu'elle se mit à déchirer l'oreiller avec ses dents; puis, se dressant toute brûlante, elle voulut que j'ouvrisse la fenêtre. Nous étions au cœur de l'hiver"
Autres détails:
Page 326, fin chapitre 27, Helene Dean est enfermée à clé, demande en vain à être relâchée, 'je frappai du poing sur le battant, je secouai le loquet avec rage'. Deux trois heures plus tard, on lui apporte à manger 'Ouvrez la porte.- J'obéis vivement.' (alors, enfermée ou pas?)
De nombreux avis, en particulier chez lecture/écriture
Existe en livre audio (sylire)
Et un cinquième pour le mois anglais
Commentaires
Si une autre lecture le justifie, oui, je peux récidiver, je m'amuse beaucoup en fait.
http://www.sylire.com/article-les-hauts-de-hurlevent-emily-bronte-audio-123931797.html
bref un joli joli souvenir, il me reste le vert de la couverture en poche, la lande et le vent !
Sinon, oui oui oui je te rejoins sur le côté épuisant des personnages ! En y repensant, je me suis souvent dit qu'une bonne paire de claques suivie d'une petite discussion aurait été une bonne chose. Mais il n'y aurait plus eu de roman...
C'est un roman que j'ai adoré à l'adolescence et que j'ai fait lire à mes filles qui ont craqué aussi mais aujourd'hui je l'ai en livre audio et l'écoute me pose un peu problème et un peu pour les mêmes raisons que toi
Mais George Sand n'a pas écrit que ces gentilles histoires de terroir, tu sais! Je vux lire sa correspondance, qu'on dit épatante, et figure toi que j'ai excellent souvenir de La comtesse de Rudolstadt, garanti hors Berry.
Bref, il y a quelques classiques comme ça où il ne faut pas rater le coche...
Jasper Fforde? J'ai lu les premiers, mais il y a si longtemps, faut que je relise, tiens.
Tu as vu la version d'Andrea Arnold ? Superbe ! Mais si tu dis que tu n'es pas sensible aux ambiances de lande désolée, tu seras peut-être un poil déçue.
"Divulgâcher" , je retiens !
Pour ma part, j'ai préféré m'étaler sur des impressions. Peut-être l'ai-je abordé en manquant un poil de romantisme? ^_^
Absolument pas romantique, ou alors si les sentiments exacerbés sont du romantisme?
Cela étant dit, ça reste un grand moment de lecture, à découvrir absolument. Et beaucoup plus sombre que les romans des autres sœurs. Chacune a sa plume, même si on retrouve certaines similarités, c'est assez amusant.
Bon, cela dit, je le relirai aujourd'hui, va savoir...
En revanche mon exemplaire de Jane Eyre (en VO) est dans une très jolie collection british!
Hélas, je n'ai pas si Les Hauts à un âge suffisamment tendre! ^_^
Bon vendredi.
Il existe cependant des livres qui plaisent autant à chaque lecture, et sans aller jusqu'à Proust et les gens comme ça, pour moi Le comte de monte Cristo, lu et relu à tout âge, ça fonctionne!
Je me rattrape donc, et vois que tu as des impressions assez mitigées, ce qui me rassure. Il n'y a pas que moi qui les trouve un peu glauques et violents ^^. A très bientôt :)