Lettres pour le monde sauvage
Récits
Wallace Stegner
Gallmeister, 2015
Traduit par Anatole Pons
Wallace Stegner et Gallmeister réunis : il me le fallait! Sur le site de l'éditeur j'ai pu lire le premier texte, absolument sublime et j'étais cuite.(Lettre, bien trop tard)
Ce petit volume réunit en fait deux lettres (dont une, fictive) et des textes écrits sur quelques dizaines d'années. Lettre, bien trop tard, s'adresse à sa mère, décédée lorsqu'il avait un peu plus de 20 ans, et si vos yeux se mouillent un peu à cette lecture, n'en ayez pas honte. Le roman La montagne en sucre se révèle donc très autobiographique, ce que j'ignorais, et c'est un vrai bonheur de découvrir ici d'autres textes de cette veine, particulièrement la vie à Whitemud (autrement nommée Eastend), Saskatchewan, où Stegner passa sa jeunesse. Une ville de prairie, de Frontière, comptant au départ quelques dizaines d'habitants, et évoluant au fil du temps (les premiers trottoirs de planches, bénis par les femmes, la première école, etc). "A notre arrivée [1914], Whitemud consistait en un amas de cabanes, une alimentation générale, un hôtel à charpente de bois, une pension de famille, et quelques wagons désaffectés recyclés en habitations. Par temps humide, l'unique rue de la ville était sillonnée d'ornières; par temps sec, c'était une rivière de poudre grise, habitée par des chevaux de selle, des attelages somnolant entre les brancards, et des mouches voletant autour des tas de crottin."
Sans oublier la décharge où fouinaient les gamins...Qui lui apprend "combien se perd, combien est laissé de côté, sans nécessité et sans scrupule, durant la création d'un nouveau pays."
"Je puise dans ces souvenirs depuis des années comme s'ils avaient réellement eu lieu, j'ai écrit des nouvelles et des romans à partir d'eux."
Comme Stegner est un de mes auteurs chouchous, je me suis régalée à découvrir ses souvenirs et ses impressions. Mais quelqu'un ayant compté Edward Abbey parmi ses étudiants ne peut-il nous livrer quelques textes un poil plus 'nature writing'? (le titre parle de monde sauvage, non?) Surtout que "Mon enfance dans l'un des derniers espaces de la Frontière m'a inculqué deux choses : la connaissance du monde sauvage et de ses créatures, et, sur le tard, la culpabilité d'avoir participé à leur destruction."
Alors oui, Stegner écrit des textes emplis de l'amour de la nature et de la nécessité de la préserver (Lettre pour le monde sauvage, le dernier texte du recueil, Des bienfaits du monde sauvage (citant Marc Aurèle "Ce qui n'est pas utile à la ruche ne l'est pas à l'abeille.") et aussi L'aridité comme mode de vie, plus technique). Mais il est formidable aussi quand il raconte une randonnée dans un canyon habité par des Indiens presque coupés du monde, et se pose des questions sur le futur de cette population si le tourisme se développe trop. Ou quand tout simplement il évoque une randonnée des décennies auparavant, en 1923, dans un coin de rêve (Au jardin d'Eden) dont il donne l'adresse, puisque "aucun visiteur, quel que soit son pouvoir de nuisance, ne peut atteindre ce qui vit dans ma tête, aussi vif et pur que si je l'avais quitté la semaine dernière."
"Cet endroit a tout - tous les essentiels, tous les à-côtés imaginables. Il a le terrain plat, l'herbe grasse, le bois, l'accès facile à l'eau, qui font le confort d('un campement. Il a l'abri et l'ombre, les vues panoramiques, l'ouverture, la brise légère, qui élèvent le confort au luxe. Il n'y a pas de moustiques en haut de cette falaise; il y a des arbres dont la forme épouse le dos et où l'on peut s'asseoir pour lire; la terre est de ce grain grossier qui ne produit pas de poussière et qui, dans le cas peu probable d'une chute de pluie, ne produirait pas non plus de boue. Chaque arbre offre des branches à la bonne hauteur pour y accrocher des choses; il y a suffisamment de troncs d'arbres abattus pour improviser des tables et des bancs de cuisine. Et l'air, à trois mille mètres, frappe le fond des poumons comme de l'éther."
Les avis de Folfaerie, Leatouchbook,
Merci à Babelio et l'éditeur
Récits
Wallace Stegner
Gallmeister, 2015
Traduit par Anatole Pons
Wallace Stegner et Gallmeister réunis : il me le fallait! Sur le site de l'éditeur j'ai pu lire le premier texte, absolument sublime et j'étais cuite.(Lettre, bien trop tard)
Ce petit volume réunit en fait deux lettres (dont une, fictive) et des textes écrits sur quelques dizaines d'années. Lettre, bien trop tard, s'adresse à sa mère, décédée lorsqu'il avait un peu plus de 20 ans, et si vos yeux se mouillent un peu à cette lecture, n'en ayez pas honte. Le roman La montagne en sucre se révèle donc très autobiographique, ce que j'ignorais, et c'est un vrai bonheur de découvrir ici d'autres textes de cette veine, particulièrement la vie à Whitemud (autrement nommée Eastend), Saskatchewan, où Stegner passa sa jeunesse. Une ville de prairie, de Frontière, comptant au départ quelques dizaines d'habitants, et évoluant au fil du temps (les premiers trottoirs de planches, bénis par les femmes, la première école, etc). "A notre arrivée [1914], Whitemud consistait en un amas de cabanes, une alimentation générale, un hôtel à charpente de bois, une pension de famille, et quelques wagons désaffectés recyclés en habitations. Par temps humide, l'unique rue de la ville était sillonnée d'ornières; par temps sec, c'était une rivière de poudre grise, habitée par des chevaux de selle, des attelages somnolant entre les brancards, et des mouches voletant autour des tas de crottin."
Sans oublier la décharge où fouinaient les gamins...Qui lui apprend "combien se perd, combien est laissé de côté, sans nécessité et sans scrupule, durant la création d'un nouveau pays."
"Je puise dans ces souvenirs depuis des années comme s'ils avaient réellement eu lieu, j'ai écrit des nouvelles et des romans à partir d'eux."
Comme Stegner est un de mes auteurs chouchous, je me suis régalée à découvrir ses souvenirs et ses impressions. Mais quelqu'un ayant compté Edward Abbey parmi ses étudiants ne peut-il nous livrer quelques textes un poil plus 'nature writing'? (le titre parle de monde sauvage, non?) Surtout que "Mon enfance dans l'un des derniers espaces de la Frontière m'a inculqué deux choses : la connaissance du monde sauvage et de ses créatures, et, sur le tard, la culpabilité d'avoir participé à leur destruction."
Alors oui, Stegner écrit des textes emplis de l'amour de la nature et de la nécessité de la préserver (Lettre pour le monde sauvage, le dernier texte du recueil, Des bienfaits du monde sauvage (citant Marc Aurèle "Ce qui n'est pas utile à la ruche ne l'est pas à l'abeille.") et aussi L'aridité comme mode de vie, plus technique). Mais il est formidable aussi quand il raconte une randonnée dans un canyon habité par des Indiens presque coupés du monde, et se pose des questions sur le futur de cette population si le tourisme se développe trop. Ou quand tout simplement il évoque une randonnée des décennies auparavant, en 1923, dans un coin de rêve (Au jardin d'Eden) dont il donne l'adresse, puisque "aucun visiteur, quel que soit son pouvoir de nuisance, ne peut atteindre ce qui vit dans ma tête, aussi vif et pur que si je l'avais quitté la semaine dernière."
"Cet endroit a tout - tous les essentiels, tous les à-côtés imaginables. Il a le terrain plat, l'herbe grasse, le bois, l'accès facile à l'eau, qui font le confort d('un campement. Il a l'abri et l'ombre, les vues panoramiques, l'ouverture, la brise légère, qui élèvent le confort au luxe. Il n'y a pas de moustiques en haut de cette falaise; il y a des arbres dont la forme épouse le dos et où l'on peut s'asseoir pour lire; la terre est de ce grain grossier qui ne produit pas de poussière et qui, dans le cas peu probable d'une chute de pluie, ne produirait pas non plus de boue. Chaque arbre offre des branches à la bonne hauteur pour y accrocher des choses; il y a suffisamment de troncs d'arbres abattus pour improviser des tables et des bancs de cuisine. Et l'air, à trois mille mètres, frappe le fond des poumons comme de l'éther."
Les avis de Folfaerie, Leatouchbook,
Merci à Babelio et l'éditeur
Commentaires
Un western qui décoiffe, chez Gallmeister? Un roman, pas des nouvelles? Si c'est ce que je pense... ouh là!
Sinon, quel enthousiasme (du cou, je renote, mais sérieusement)
Je te souhaite alors bonne lecture estivale! ^_^
Je trouve qu'il y a tant de si beaux livres sur le sujet et comme le monde semble pourtant faire peu pour la planète, sinon en parler mais aucune décision notable ne se prend.
J'ai lu cet hiver, par exemple, les dissensions entre Hulot (son livre autobiographique) et les écolos français pur jus : que le monde est compliqué. Un billet de réflexion sur ces sujets était prévu mais le temps m'a manqué.
J'aime vraiment beaucoup cet auteur, il est faussement simple et pourtant on ne le lâche pas. J'ai aimé découvrir des textes différents de ses romans.
Ah l'écologie... J'ai un a priori contre la chasse, forcément, mais quand je lis des récits sur la vie des pionniers américains, je me demande, comment auraient-ils survécu? Je ne connais pas ces dissensions, en fait (oui, le temps manque ici aussi)
celui là
le road trip des ecrivains americains ( hyper passionnant mais LOUUUUURD !!)
et sous les yourtes de mongolie
Le road trip, oh que je l'ai repéré, il est lourd et cher, mais peut-être que ma bibli se laisserait convaincre de l'acheter?
Les yourtes, oui, très bien, mais ce n'est pas un pavé de 600 pages!
Le pavé de l'été, c'est au moins 600 pages, dura lex sed lex, dans ce cas il vaut mieux dégoter un roman dans sa PAL, il y en a sûrement un (chez moi, si, deux anglais)