La Grande Arche
Laurence Cossé
Gallimard, 2016
Les critiques du Masque et la plume pour une fois tous d'accord, le salon de Limoges où l'auteur était présente, et hop, voici la Grande Arche chez moi, enfin, le livre.
Mais quelle épopée! (désolée pour ceux qui utilisent le même mot, je n'en vois guère d'autre). A l'époque existaient en architecture les concours ouverts, anonymes et auxquels chacun pouvait se présenter. Mitterrand était président, voulant imposer sa marque sur Paris. Pour ce type de grands travaux, l'argent était là. Qui remporta le prix? Un assez obscur architecte danois, Johan Otto von Spreckelsen, n'ayant à son actif que sa maison et quatre églises (au Danemark). Mais son quasi cube emporta l'adhésion.
De 1983 à l'inauguration en grande pompe en 1989, de l'eau va couler sous les ponts de la Seine, la France connaîtra une cohabitation (donc le président perdra un peu la main sur l'Arche) et une réélection dudit président (donc il reprendra la main). Mauvais pour un projet aussi immense, ça. Et ensuite depuis le début l'extérieur de l'Arche épate et fait la quasi unanimité, mais, que mettre à l'intérieur? Bien flou, bien changeant. Forcément le budget est dépassé, ça tiraille, des appétits se font jour.
Là-dedans Spreckelsen, le danois arrivant littéralement en sabots à l'Elysée (paraît-il), découvre un pays fort éloigné du sien. Quelque part nous sommes bien des latins, pour lui. Son bébé subit des évolutions, il le vit mal. Finalement il ne verra jamais la Grande Arche terminée.
Pour raconter une telle histoire et passionner le lecteur, il fallait du talent, et Laurence Cossé l'a. Elle intervient parfois (je) surtout quand elle tente de rencontrer la veuve de Spreckelsen (un drôle de personnage, là aussi). Elle intervient par son ironie souvent gentille (ah le Danemark) et parfois plus engagée (le tripatouillages politico affairistes). L'émotion peut poindre, l'admiration aussi pour un tel projet!
N'hésitez pas à vous lancer dans cette lecture, c'est absolument prenant, il n'y a pas besoin de s'y connaître en architecture ou en histoire récente, et ce n'est pas Delphine qui dira le contraire.
Quelques passages donnant une idée des jolis bols d'air parmi le sérieux du sujet:
"La route du chou passe dans la région. C'est autre chose que les banales routes du vin. Il y a même à l'automne un Kohltag, une fête du chou, avec élections de reines du chou. Qu'on arrête de dire que les allemands ne sont pas des marrants."
"Et le ministre [Affaires étrangères, Danemark]? Il est en tongs aussi? - Le ministre peut être en baskets."
"Il a bien fallu mettre dans le coup la maréchaussée. Ces gens-là sont des tatillons, il faut en passer par leurs conditions. Avoir recours à des montgolfières pour hisser la plaque géante? Non? Ce serait beau, pourtant, vous ne trouvez pas? Et deux hélicoptères? Non plus?"
Un extrait du film Homage du Humanity de Dan Tschernia (Spreckelsen y est filmé)
Laurence Cossé
Gallimard, 2016
Les critiques du Masque et la plume pour une fois tous d'accord, le salon de Limoges où l'auteur était présente, et hop, voici la Grande Arche chez moi, enfin, le livre.
Mais quelle épopée! (désolée pour ceux qui utilisent le même mot, je n'en vois guère d'autre). A l'époque existaient en architecture les concours ouverts, anonymes et auxquels chacun pouvait se présenter. Mitterrand était président, voulant imposer sa marque sur Paris. Pour ce type de grands travaux, l'argent était là. Qui remporta le prix? Un assez obscur architecte danois, Johan Otto von Spreckelsen, n'ayant à son actif que sa maison et quatre églises (au Danemark). Mais son quasi cube emporta l'adhésion.
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église de Vangede (wikipedia) |
De 1983 à l'inauguration en grande pompe en 1989, de l'eau va couler sous les ponts de la Seine, la France connaîtra une cohabitation (donc le président perdra un peu la main sur l'Arche) et une réélection dudit président (donc il reprendra la main). Mauvais pour un projet aussi immense, ça. Et ensuite depuis le début l'extérieur de l'Arche épate et fait la quasi unanimité, mais, que mettre à l'intérieur? Bien flou, bien changeant. Forcément le budget est dépassé, ça tiraille, des appétits se font jour.
Là-dedans Spreckelsen, le danois arrivant littéralement en sabots à l'Elysée (paraît-il), découvre un pays fort éloigné du sien. Quelque part nous sommes bien des latins, pour lui. Son bébé subit des évolutions, il le vit mal. Finalement il ne verra jamais la Grande Arche terminée.
Pour raconter une telle histoire et passionner le lecteur, il fallait du talent, et Laurence Cossé l'a. Elle intervient parfois (je) surtout quand elle tente de rencontrer la veuve de Spreckelsen (un drôle de personnage, là aussi). Elle intervient par son ironie souvent gentille (ah le Danemark) et parfois plus engagée (le tripatouillages politico affairistes). L'émotion peut poindre, l'admiration aussi pour un tel projet!
N'hésitez pas à vous lancer dans cette lecture, c'est absolument prenant, il n'y a pas besoin de s'y connaître en architecture ou en histoire récente, et ce n'est pas Delphine qui dira le contraire.
Quelques passages donnant une idée des jolis bols d'air parmi le sérieux du sujet:
"La route du chou passe dans la région. C'est autre chose que les banales routes du vin. Il y a même à l'automne un Kohltag, une fête du chou, avec élections de reines du chou. Qu'on arrête de dire que les allemands ne sont pas des marrants."
"Et le ministre [Affaires étrangères, Danemark]? Il est en tongs aussi? - Le ministre peut être en baskets."
"Il a bien fallu mettre dans le coup la maréchaussée. Ces gens-là sont des tatillons, il faut en passer par leurs conditions. Avoir recours à des montgolfières pour hisser la plaque géante? Non? Ce serait beau, pourtant, vous ne trouvez pas? Et deux hélicoptères? Non plus?"
Un extrait du film Homage du Humanity de Dan Tschernia (Spreckelsen y est filmé)
Commentaires
De marbre (oui, la blague)(mais justement il y a à en dire, sur ce marbre!). Je te conseille chaudement cette lecture.
Mais je te le recommande, allez, faut le faire connaître!
Donc pour moi c'est tout bénéfice, ce roman.
Bon weekend !
Tu vois, j'étais ravie de ma lecture, en plus je ne connaissais pas grand chose sur le sujet. Un vrai régal de lecture!
Figure toi que depuis j'en ai parlé à deux connaissances, dont une personne qui lit très très peu (mais du bon) et est mordue d'architecture (mais vraiment vraiment mordue). Hé bien elle a englouti ce livre et en parle avec enthousiasme depuis...
Allez, je veux ton billet!!!