Article 353 du code pénal
Tanguy Viel
Editions de minuit, 2017
" En tout cas, c'est comme ça qu'aujourd'hui je me représente la dernière décennie quand j'en amène toutes les lignes ici même devant vous, et ça fait comme un cerf-volant dont j'actionnerais les commandes depuis une plage, comme si soudain j'avais une vue claire et comme surnaturelle du temps qui passe, mais c'est toujours facile, j'ai dit, avec le recul, de tisser les choses en destin, et alors border les années avec je ne sais quels piquets ou poteaux d'angle et même une couleur qui en dessinerait la teinte définitive. Seulement quand on était dedans, dans chaque année ouverte sur quelle bouteille de champagne, il n'y a jamais eu de carte IGN qu'on nous aurait distribuée le jour de l'an pour nous conduire dans les temps futurs. Jamais rien d'autre que les lignes un peu floues qu'on essaie chacun de dessiner pour suivre la pente des saisons, mais c'est tout. Et que tout le problème c'est qu'il faut encore prendre les virages soi-même. Encore que me concernant, je n'ai pas eu l'impression de prendre beaucoup de virages.C'est l'avantage de la bêtise : on reste au carrefour et on attend de se faire renverser par une voiture."
J'ignore comment fonctionnent les rouages de la justice, toujours est-il que peu après son arrestation Martial Kermeur se retrouve dans le bureau d'un juge à raconter les années précédant un meurtre qu'il ne nie absolument pas. Un juge patient et pas très occupé, alors? Mais j'ai vérifié -pour le billet- cet article existe et je déconseille d'en prendre connaissance avant lecture du roman, ce serait dommage.
Mais tant mieux pour le lecteur, qui loin de compatir à la mort d'un affairiste véreux, s'attache à Kermeur, à Le Goff, à Erwan le fils de Kermeur, trahis, trompés, par ce beau parleur de Lazenec. Nous sommes en Bretagne, près de Brest, l'auteur originaire de là-bas s'en amuse au début ("je peux considérer qu'en matière de brume, on n'a pas grand chose à envier à l'Angleterre" "voyez, il y avait du soleil -il y a du soleil ici quelquefois"), avant d'opter pour le récit d'une tragédie poignante. On sait que ça va mal se passer, que ça va mal se terminer, on se demande pourquoi, comment, et Kermeur répond à nos objections muettes, l'enchaînement est terrible, le souffle coupé, on souffre, on est impuissant.
"Ce genre de type, c'est comme la pluie, y a rien d'autre à faire qu'attendre que ça cesse."
Parfait pour lire sous la contrainte (je rappelle qu'il s'agit de suivre une contrainte pas méchante, changeant régulièrement, et efficace pour attaquer la PAL).
Tanguy Viel
Editions de minuit, 2017
" En tout cas, c'est comme ça qu'aujourd'hui je me représente la dernière décennie quand j'en amène toutes les lignes ici même devant vous, et ça fait comme un cerf-volant dont j'actionnerais les commandes depuis une plage, comme si soudain j'avais une vue claire et comme surnaturelle du temps qui passe, mais c'est toujours facile, j'ai dit, avec le recul, de tisser les choses en destin, et alors border les années avec je ne sais quels piquets ou poteaux d'angle et même une couleur qui en dessinerait la teinte définitive. Seulement quand on était dedans, dans chaque année ouverte sur quelle bouteille de champagne, il n'y a jamais eu de carte IGN qu'on nous aurait distribuée le jour de l'an pour nous conduire dans les temps futurs. Jamais rien d'autre que les lignes un peu floues qu'on essaie chacun de dessiner pour suivre la pente des saisons, mais c'est tout. Et que tout le problème c'est qu'il faut encore prendre les virages soi-même. Encore que me concernant, je n'ai pas eu l'impression de prendre beaucoup de virages.C'est l'avantage de la bêtise : on reste au carrefour et on attend de se faire renverser par une voiture."
J'ignore comment fonctionnent les rouages de la justice, toujours est-il que peu après son arrestation Martial Kermeur se retrouve dans le bureau d'un juge à raconter les années précédant un meurtre qu'il ne nie absolument pas. Un juge patient et pas très occupé, alors? Mais j'ai vérifié -pour le billet- cet article existe et je déconseille d'en prendre connaissance avant lecture du roman, ce serait dommage.
Mais tant mieux pour le lecteur, qui loin de compatir à la mort d'un affairiste véreux, s'attache à Kermeur, à Le Goff, à Erwan le fils de Kermeur, trahis, trompés, par ce beau parleur de Lazenec. Nous sommes en Bretagne, près de Brest, l'auteur originaire de là-bas s'en amuse au début ("je peux considérer qu'en matière de brume, on n'a pas grand chose à envier à l'Angleterre" "voyez, il y avait du soleil -il y a du soleil ici quelquefois"), avant d'opter pour le récit d'une tragédie poignante. On sait que ça va mal se passer, que ça va mal se terminer, on se demande pourquoi, comment, et Kermeur répond à nos objections muettes, l'enchaînement est terrible, le souffle coupé, on souffre, on est impuissant.
"Ce genre de type, c'est comme la pluie, y a rien d'autre à faire qu'attendre que ça cesse."
Parfait pour lire sous la contrainte (je rappelle qu'il s'agit de suivre une contrainte pas méchante, changeant régulièrement, et efficace pour attaquer la PAL).
Commentaires
Merci pour cette nouvelle participation à mon challenge et bonne semaine.
(et j'aime bien les Editions de Minuit, quoique, certains auteurs me tombent des mains)
Hum, l'histoire est plus subtile que cela, d'ailleurs Lazezc ne se méfiait pas de Kermeur. La justice ne doit pas être oubliée, d'accord, même pour les pires individus (voir les procès des ex nazis), il aurait pu y avoir une plainte contre Lazenec avant d'ailleurs, mais je risque de spoiler, là.
Scrute ton agenda!
Ce ne sera peut-être pas la dernière participation!
Bon ça ne m'attire pas trop, de toute façon.
Et bonne lecture.
Je vais voir ton avis.