Vers la nuit
Touching the rock, 1990
Un journal de
John Hull
Seuil, Editions du sous-sol, 2017
(Robert Laffont, 1995)
Traduit par Donatella Saulnier et Paule Vincent
John Hull (né en 1935 en Australie et décédé en 2015 à Birmingham, Royaume Uni) était professeur de théologie et chercheur. Vers la nuit, après un bref rappel de ses origines familiales, ses études et ses problèmes précoces de vision, propose un journal tenu entre 1983 et 1986, où il évoque sa cécité, considérée comme effective en 1980, après la naissance d'un de son fils Thomas. C'est absolument passionnant, mon exemplaire est bourré de post it, et je vais tenter de parler le mieux possible de ce livre vraiment riche. A vous de le lire, pour compléter ce que je pourrai en dire.
L'auteur ne classe pas vraiment ses notes, quelques idées générales reviennent, mais le tout est extrêmement vivant, répond à beaucoup de questions que ce posent les 'voyants', et n'omet pas quelques réflexions de bon aloi et attendues d'un professeur d'université, qui a su observer les changements dans sa vie, les réactions, les sensations, et proposer des considérations originales.
J'y vais en vrac, un peu comme le livre:
Quelques rêves sont relatés, oui, l'on continue à rêver en images. Juste la remarque que les visages deviennent moins précis.
Plus généralement Hull parle des visages connus, de leur évolution dans sa mémoire. Mais aussi:
"Pendant mes deux premières années de cécité, les gens pour moi se divisaient en deux groupes: ceux qui avaient un visage et ceux qui n'en avaient pas.C'était un peu comme une visite à la National Gallery. Il y a des rangées de portraits et, soudain, un vide."
"Quand on est aveugle, on se rend compte du nombre de formules faisant référence à la vue dans le langage." "Toute la structure de notre discours quotidien et ordinaire présuppose un univers voyant."
Bien sûr il utilise une canne blanche, mais possède une certaine perception des obstacles. (curieusement je comprends cela, pour lui c'est exacerbé bien sûr, mais quand je me déplace dans ma maison dans l'obscurité totale -oui, je suis bizarre- il m'arrive de m'arrêter juste avant de heurter un objet - et là j'avance les mains pour 'voir')(avec de l'habitude je pose les mains exactement où se situent les meubles).
La pluie lui permet des expériences extraordinaires." La pluie a une façon particulière de faire ressortir les contours; elle jette un voile de couleur sur des choses auparavant invisibles; une pluie régulière substitue à un monde intermittent et donc fragmenté une continuité d'expérience acoustique." La pluie fait ressortir le paysage!
Ouïe et vue
L'organe par lequel on entend (l'oreille) et ceux par lequel on se fait entendre ( le larynx et la bouche) ne sont pas les mêmes Alors que l'organe par lequel on voit et celui par lequel on est vu sont les mêmes. La vue est réciproque, tandis que l'ouïe est séquentielle."
Hull pense que l'auteur du psaume 139 était aveugle. En tout cas, il en fait une étude brillante et fascinante (pages 80 et autour)
Il a constaté que sa perception du temps a changé. "je ne peux pas me presser." "Peut-être toutes les infirmités graves provoquent-elles un rétrécissement de l'espace et un étirement du temps."
Filons, vers "Qu'est-ce qui correspond, sur le plan visuel, à la différence entre le bruit et le silence?" Après réflexions, il conclut qu'il semble que non. Puis, plus loin : "Il est considéré comme impie de regarder Dieu mais il est permis de l'entendre. Le bruit est transcendant."
Le livre cite abondamment des expériences et rencontres avec les autres, particulièrement ses enfants, avec lesquels il peut jouer, les accompagner à l'école, etc. Parfois il lui est plus facile d'être seul pour appréhender un itinéraire.
Il se considère "comme quelqu'un qui voit de tout son corps."
J'espère vous avoir fait toucher/voir/percevoir (!) la richesse de ce livre et je suis sûre qu'à votre tour vous y trouverez des points intéressants.
Un bref avis sur babelio, parfait résumé,
Touching the rock, 1990
Un journal de
John Hull
Seuil, Editions du sous-sol, 2017
(Robert Laffont, 1995)
Traduit par Donatella Saulnier et Paule Vincent
John Hull (né en 1935 en Australie et décédé en 2015 à Birmingham, Royaume Uni) était professeur de théologie et chercheur. Vers la nuit, après un bref rappel de ses origines familiales, ses études et ses problèmes précoces de vision, propose un journal tenu entre 1983 et 1986, où il évoque sa cécité, considérée comme effective en 1980, après la naissance d'un de son fils Thomas. C'est absolument passionnant, mon exemplaire est bourré de post it, et je vais tenter de parler le mieux possible de ce livre vraiment riche. A vous de le lire, pour compléter ce que je pourrai en dire.
L'auteur ne classe pas vraiment ses notes, quelques idées générales reviennent, mais le tout est extrêmement vivant, répond à beaucoup de questions que ce posent les 'voyants', et n'omet pas quelques réflexions de bon aloi et attendues d'un professeur d'université, qui a su observer les changements dans sa vie, les réactions, les sensations, et proposer des considérations originales.
J'y vais en vrac, un peu comme le livre:
Quelques rêves sont relatés, oui, l'on continue à rêver en images. Juste la remarque que les visages deviennent moins précis.
Plus généralement Hull parle des visages connus, de leur évolution dans sa mémoire. Mais aussi:
"Pendant mes deux premières années de cécité, les gens pour moi se divisaient en deux groupes: ceux qui avaient un visage et ceux qui n'en avaient pas.C'était un peu comme une visite à la National Gallery. Il y a des rangées de portraits et, soudain, un vide."
"Quand on est aveugle, on se rend compte du nombre de formules faisant référence à la vue dans le langage." "Toute la structure de notre discours quotidien et ordinaire présuppose un univers voyant."
Bien sûr il utilise une canne blanche, mais possède une certaine perception des obstacles. (curieusement je comprends cela, pour lui c'est exacerbé bien sûr, mais quand je me déplace dans ma maison dans l'obscurité totale -oui, je suis bizarre- il m'arrive de m'arrêter juste avant de heurter un objet - et là j'avance les mains pour 'voir')(avec de l'habitude je pose les mains exactement où se situent les meubles).
La pluie lui permet des expériences extraordinaires." La pluie a une façon particulière de faire ressortir les contours; elle jette un voile de couleur sur des choses auparavant invisibles; une pluie régulière substitue à un monde intermittent et donc fragmenté une continuité d'expérience acoustique." La pluie fait ressortir le paysage!
Ouïe et vue
L'organe par lequel on entend (l'oreille) et ceux par lequel on se fait entendre ( le larynx et la bouche) ne sont pas les mêmes Alors que l'organe par lequel on voit et celui par lequel on est vu sont les mêmes. La vue est réciproque, tandis que l'ouïe est séquentielle."
Hull pense que l'auteur du psaume 139 était aveugle. En tout cas, il en fait une étude brillante et fascinante (pages 80 et autour)
Il a constaté que sa perception du temps a changé. "je ne peux pas me presser." "Peut-être toutes les infirmités graves provoquent-elles un rétrécissement de l'espace et un étirement du temps."
Filons, vers "Qu'est-ce qui correspond, sur le plan visuel, à la différence entre le bruit et le silence?" Après réflexions, il conclut qu'il semble que non. Puis, plus loin : "Il est considéré comme impie de regarder Dieu mais il est permis de l'entendre. Le bruit est transcendant."
Le livre cite abondamment des expériences et rencontres avec les autres, particulièrement ses enfants, avec lesquels il peut jouer, les accompagner à l'école, etc. Parfois il lui est plus facile d'être seul pour appréhender un itinéraire.
Il se considère "comme quelqu'un qui voit de tout son corps."
J'espère vous avoir fait toucher/voir/percevoir (!) la richesse de ce livre et je suis sûre qu'à votre tour vous y trouverez des points intéressants.
Un bref avis sur babelio, parfait résumé,
Commentaires
je pense que je mettrai très vite la main sur ce livre
Pareil, il y a pour mon goût un peu trop de récits de rêves dans le livre, mais il explique en rapport avec sa maladie, donc ça peut passer.
N'hésite donc pas (et si tu veux saute quelques rares passages)
Je ne connais pas du tout, mais c'est souvent le cas chez toi. Tu m'en fais découvrir, des livres !
Je lis pas mal de non romans, en fait. J'ignorais totalement l'existence du livre et de l'auteur avant de voir ce récit à la bibli.
David Lodge dans son roman "La vie en sourdine" nous fait découvrir la surdité par l'intérieur puisqu'il était en train de perdre l'ouïe. C'est un livre qui lui aussi est passionnant.