Ma mission, tout au long de ce billet, sera de ne pas répondre à cette question. Même si je suis sûre que la quasi totalité des lecteurs connait déjà la réponse. Mais il faut penser à ceux qui n'ont pas encore découvert l'un des meilleurs romans d'Agatha Christie. D'autre part je doute que l'ayant lu on ait oublié qui est coupable!
Tout d'abord, une relecture du roman, et en VO, histoire de tonifier les petites cellules grises.
The Murder of Roger Ackroyd
Agatha Christie
Paru en 1926
Harper et Collins, 1993
(pas envie de prendre photo de mon exemplaire)
Dès la première ligne, l'on apprend que Mrs Ferrars est morte -un jeudi- et un lecteur même inattentif devine que Roger Ackroyd va aussi disparaître à un moment donné. Quel rapport entre ces deux personnages, riches et importants dans le petit village de King's Abbot? Et les morts sont-elles liées?
Heureusement dans le village habitent Caroline et tout un réseau de dames secondées par des domestiques, friandes de nouvelles, et qui en remontreraient aux services secrets quant à leur flair. Mais surtout vient d'arriver dans la maison voisine de celle de Caroline un étranger qui se révélera n'être autre que Hercule Poirot, fraîchement retraité, et regrettant fort le départ du capitaine Hastings pour l'Amérique du sud.
Cependant le docteur Sheppard, frère de Caroline, reprendra le rôle de narrateur des enquêtes d'Hercule Poirot.
Sans doute l'un des plus célèbres romans de l'auteur, et à juste titre! Je l'avais déjà lu deux fois au moins. Comme l'écrit Pierre Bayard (voir ci-dessous, p 55), "contrairement à l'image traditionnelle du roman policier, qui a la réputation d'être écrit en vue d'une lecture unique, Le meurtre de Roger Ackroyd est un livre au moins double, explicitement composé en vue de sa relecture." Je confirme le plaisir particulier pris par le lecteur à découvrir les sous-entendus et ellipses. Poirot, parfois horripilant, ne l'est pas trop, il ne donne pas le contenu de ses pensées, mais ne cache pas ses trouvailles.
L'écriture en VO est plutôt de bonne tenue, et, cerise sur le gâteau, pleine d'humour.
" I can't help feeling a little hurt, she murmured, producing a handkerchief of the kind obviously not meant to be cried into."
" It is a pity that a doctor is precluded by his profession from being able sometimes to say what he really thinks."
Les passages avec Caroline sont eux aussi fort amusants, selon Pierre Bayard elle pourrait avoir donné à Agatha Christie l'idée de Miss Marple.
Et ensuite, place à Pierre Bayard.
Qui a tué Roger Ackroyd?
Pierre Bayard
Les éditions de Minuit, 1998
Avertissement : l'essai de Pierre Bayard raconte intégralement le roman policier, et donne la solution de l'énigme proposée par Agatha Christie, ainsi que celles de nombreux autres de ses romans. Il sera dommage qu'un lecteur novice s'y fourvoie.
Mais pour tout lecteur vorace d'Agatha Christie, pas de problème, bien au contraire, il ne risque qu'une envie dévorante de relire quelques titres...
En effet Pierre Bayard ne se propose pas seulement d'écrire "un roman policier sur un roman policier", proposant à son lecteur une autre solution, après avoir dévoilé les invraisemblances chez Agatha Christie. Comme il se doit, ce nouveau nom ne sera révélé qu'après déduction à la Poirot, à la toute fin du livre. Il se propose aussi d'écrire sur le 'délire d'interprétation' puisque considérant comme 'délirante' la solution d'Hercule Poirot. Là ça s'est compliqué, et dans la troisième partie, consacrée au délire, j'ai un peu levé le pied, perdue entre réalité et falsifié et dois-je le dire un peu de psychanalyse; je retiens cependant que 'les trois oeuvres littéraires les plus marquantes de la théorie psychanalytique -Oedipe-roi, Hamlet et La lettre volée- soient toutes trois des œuvres policières."
Déguisement, détournement, puis exhibition sont les moyens utilisés dans ce genre de policier pour détourner le lecteur de la solution. Je ne peux trop en dire car les exemples reviennent à spoiler. Mais Bayard est redoutable et conduit à remettre en question les solutions d'autres romans policiers et même à s'interroger sur des faits littéraires non éclaircis (que devient Madame de Merteuil? qui est vraiment le colonel Chabert? qui a déclenché la catastrophe de Germinal?)
Tout d'abord, une relecture du roman, et en VO, histoire de tonifier les petites cellules grises.
The Murder of Roger Ackroyd
Agatha Christie
Paru en 1926
Harper et Collins, 1993
(pas envie de prendre photo de mon exemplaire)
Dès la première ligne, l'on apprend que Mrs Ferrars est morte -un jeudi- et un lecteur même inattentif devine que Roger Ackroyd va aussi disparaître à un moment donné. Quel rapport entre ces deux personnages, riches et importants dans le petit village de King's Abbot? Et les morts sont-elles liées?
Heureusement dans le village habitent Caroline et tout un réseau de dames secondées par des domestiques, friandes de nouvelles, et qui en remontreraient aux services secrets quant à leur flair. Mais surtout vient d'arriver dans la maison voisine de celle de Caroline un étranger qui se révélera n'être autre que Hercule Poirot, fraîchement retraité, et regrettant fort le départ du capitaine Hastings pour l'Amérique du sud.
Cependant le docteur Sheppard, frère de Caroline, reprendra le rôle de narrateur des enquêtes d'Hercule Poirot.
Sans doute l'un des plus célèbres romans de l'auteur, et à juste titre! Je l'avais déjà lu deux fois au moins. Comme l'écrit Pierre Bayard (voir ci-dessous, p 55), "contrairement à l'image traditionnelle du roman policier, qui a la réputation d'être écrit en vue d'une lecture unique, Le meurtre de Roger Ackroyd est un livre au moins double, explicitement composé en vue de sa relecture." Je confirme le plaisir particulier pris par le lecteur à découvrir les sous-entendus et ellipses. Poirot, parfois horripilant, ne l'est pas trop, il ne donne pas le contenu de ses pensées, mais ne cache pas ses trouvailles.
L'écriture en VO est plutôt de bonne tenue, et, cerise sur le gâteau, pleine d'humour.
" I can't help feeling a little hurt, she murmured, producing a handkerchief of the kind obviously not meant to be cried into."
" It is a pity that a doctor is precluded by his profession from being able sometimes to say what he really thinks."
Les passages avec Caroline sont eux aussi fort amusants, selon Pierre Bayard elle pourrait avoir donné à Agatha Christie l'idée de Miss Marple.
Et ensuite, place à Pierre Bayard.
Qui a tué Roger Ackroyd?
Pierre Bayard
Les éditions de Minuit, 1998
Avertissement : l'essai de Pierre Bayard raconte intégralement le roman policier, et donne la solution de l'énigme proposée par Agatha Christie, ainsi que celles de nombreux autres de ses romans. Il sera dommage qu'un lecteur novice s'y fourvoie.
Mais pour tout lecteur vorace d'Agatha Christie, pas de problème, bien au contraire, il ne risque qu'une envie dévorante de relire quelques titres...
En effet Pierre Bayard ne se propose pas seulement d'écrire "un roman policier sur un roman policier", proposant à son lecteur une autre solution, après avoir dévoilé les invraisemblances chez Agatha Christie. Comme il se doit, ce nouveau nom ne sera révélé qu'après déduction à la Poirot, à la toute fin du livre. Il se propose aussi d'écrire sur le 'délire d'interprétation' puisque considérant comme 'délirante' la solution d'Hercule Poirot. Là ça s'est compliqué, et dans la troisième partie, consacrée au délire, j'ai un peu levé le pied, perdue entre réalité et falsifié et dois-je le dire un peu de psychanalyse; je retiens cependant que 'les trois oeuvres littéraires les plus marquantes de la théorie psychanalytique -Oedipe-roi, Hamlet et La lettre volée- soient toutes trois des œuvres policières."
Déguisement, détournement, puis exhibition sont les moyens utilisés dans ce genre de policier pour détourner le lecteur de la solution. Je ne peux trop en dire car les exemples reviennent à spoiler. Mais Bayard est redoutable et conduit à remettre en question les solutions d'autres romans policiers et même à s'interroger sur des faits littéraires non éclaircis (que devient Madame de Merteuil? qui est vraiment le colonel Chabert? qui a déclenché la catastrophe de Germinal?)
Commentaires
Mais le second est bien tentant, je suis passée à côté en 98.
C'est l'aspect psychanalytique, cher à Bayard, qui m'avait refroidi a posteriori et, du coup, je ne l'ai toujours pas lu.
Tes citations prouvent qu'Agatha écrivait un très bon anglais, raffiné, agréable, et qu'elle ne manquait pas d'humour.
Exact, elle écrit bien, élégamment. Ce roman là est bourré d'humour en plus!
J'ai vu en replay une émission sur la reine du crime. Sacrée femme ! Une exploratrice avec une vie digne d'un roman.
Bises
Oui, son autobiographie est fort intéressante à lire!
Bisous
Bonne soirée.
Le Bayard a l'air sympa, mais il spoile d'autres romans de Christie ou seulement RA ?
Oui, Pierre Bayard en dit beaucoup sur d'autres romans d'AC!