Les faux-monnayeurs
André Gide
folio, 2014
paru en 1925
Dans la catégorie rentrée littéraire festival America 'je découvre après des générations d'élèves des classiques jamais lus', voici un roman étonnant et pour tout dire épatant. Existent des bouquins sur ce bouquin, et même des vidéos, très bien faits j'en suis sûre, donc je ne vais pas me livrer à une étude exhaustive.
Découvrant que son père n'est pas son père, le jeune Bernard Profitendieu décide de couper tout lien avec sa famille bourgeoise, laissant derrière lui une lettre bien tournée et vengeresse. Il se tourne vers son ami Olivier Molinier pour le dépanner la première nuit. S'ensuivent des chassés croisés de personnages liés aux deux jeunes (ils passent le bac), famille, amis, relations plus ou moins toxiques. S'il n'y avait que l'histoire, ce serait déjà fort bien, car elle offre moult rebondissements, rencontres et incompréhensions par timidité ou faux orgueil. Sous les yeux du lecteur omniscient. "Nous n'aurions à déplorer rien de ce qui arriva par la suite, si seulement la joie qu'Edouard et Olivier eurent à se retrouver eût été plus démonstrative." Ce nous, c'est Gide et son lecteur?
En dépit d'une écriture assez guindée -pensais-je au début- relayée par celle du journal d'Edouard - bien différenciée-, j'ai poursuivi ce qui paraissait un brave roman bien classique du début du 20ème siècle.
J'aurais dû être alertée par l'opinion de Dhurmer "J'ai poussé jusqu'à la page trente sans trouver une seule couleur, un seul mot qui peigne. (...) Moi, quand il n'y a pas de couleurs, c'est bien simple, je ne vois rien." Et Lucien et son projet de raconter l'histoire d'un endroit au fil des heures. Mais voici des conceptions sur l'acte d'écrire?
Jusqu'à l'annonce qu'Edouard projette d'écrire u n roman intitulé Les Faux-monnayeurs, dont il n'a pas écrit une ligne, se contentant de noter sur un carnet notes et réflexions. Mises à disposition du lecteur.
"Dépuiller le roman de tous les éléments qui n'appartiennent pas spécifiquement au roman . De même que la photographie, naguère, débarrassa la peinture du souci de certaines inexactitudes, le photographe nettoiera sans doute demain le roman de ses dialogues rapportés, dont le réaliste souvent se fait gloire. Les événements extérieurs, les accidents, les traumatismes, appartiennent au cinéma; il sied que le roman les lui laisse. Même la description des personnages ne me paraît point appartenir proprement au genre. Oui vraiment, il ne me paraît pas que le roman pur (et en art, comme partout, la pureté seule m'importe) ait à s'en occuper. Non plus que ne fait le drame. Et qu'on ne vienne point dire que le dramaturge ne décrit pas ses personnages parce que le spectateur est appelé à les voir portés tout vivants sur la scène; car combien de fois n'avons-nous pas été gênés au théâtre, par l'acteur, et souffert de ce qu'il ressemblât si mal à celui que, sans lui, nous nous représentions si bien. - Le romancier, d’ordinaire, ne fait point suffisamment crédit à l'imagination du lecteur."
Expliquant à des interlocutrices:
"J'invente un personnage de romancier, que je pose en figure centrale; et le sujet du livre, si vous voulez, c'est précisément la lutte entre ce que lui offre la réalité et ce que; lui, prétend en faire."
Il va même jusqu'à faire lire au jeune Georges un passage le décrivant sous un masque facile à découvrir, histoire d'agir sur les événements réels?
Conclusion provisoire : Voilà, d'un côté j'ai été intéressée par cette mise en abyme, ce roman en train de s'écrire, la littérature façon Edouard versus celle de Passavant. Mais on pourra aussi y trouver une histoire, une "tranche de vie", Edouard dit-il par ailleurs, avec de véritables Faux-monnayeurs tout de même, de la sexualité (y compris homosexualité, mais faut lire entre les lignes)
André Gide
folio, 2014
paru en 1925
Dans la catégorie
Découvrant que son père n'est pas son père, le jeune Bernard Profitendieu décide de couper tout lien avec sa famille bourgeoise, laissant derrière lui une lettre bien tournée et vengeresse. Il se tourne vers son ami Olivier Molinier pour le dépanner la première nuit. S'ensuivent des chassés croisés de personnages liés aux deux jeunes (ils passent le bac), famille, amis, relations plus ou moins toxiques. S'il n'y avait que l'histoire, ce serait déjà fort bien, car elle offre moult rebondissements, rencontres et incompréhensions par timidité ou faux orgueil. Sous les yeux du lecteur omniscient. "Nous n'aurions à déplorer rien de ce qui arriva par la suite, si seulement la joie qu'Edouard et Olivier eurent à se retrouver eût été plus démonstrative." Ce nous, c'est Gide et son lecteur?
En dépit d'une écriture assez guindée -pensais-je au début- relayée par celle du journal d'Edouard - bien différenciée-, j'ai poursuivi ce qui paraissait un brave roman bien classique du début du 20ème siècle.
J'aurais dû être alertée par l'opinion de Dhurmer "J'ai poussé jusqu'à la page trente sans trouver une seule couleur, un seul mot qui peigne. (...) Moi, quand il n'y a pas de couleurs, c'est bien simple, je ne vois rien." Et Lucien et son projet de raconter l'histoire d'un endroit au fil des heures. Mais voici des conceptions sur l'acte d'écrire?
Jusqu'à l'annonce qu'Edouard projette d'écrire u n roman intitulé Les Faux-monnayeurs, dont il n'a pas écrit une ligne, se contentant de noter sur un carnet notes et réflexions. Mises à disposition du lecteur.
"Dépuiller le roman de tous les éléments qui n'appartiennent pas spécifiquement au roman . De même que la photographie, naguère, débarrassa la peinture du souci de certaines inexactitudes, le photographe nettoiera sans doute demain le roman de ses dialogues rapportés, dont le réaliste souvent se fait gloire. Les événements extérieurs, les accidents, les traumatismes, appartiennent au cinéma; il sied que le roman les lui laisse. Même la description des personnages ne me paraît point appartenir proprement au genre. Oui vraiment, il ne me paraît pas que le roman pur (et en art, comme partout, la pureté seule m'importe) ait à s'en occuper. Non plus que ne fait le drame. Et qu'on ne vienne point dire que le dramaturge ne décrit pas ses personnages parce que le spectateur est appelé à les voir portés tout vivants sur la scène; car combien de fois n'avons-nous pas été gênés au théâtre, par l'acteur, et souffert de ce qu'il ressemblât si mal à celui que, sans lui, nous nous représentions si bien. - Le romancier, d’ordinaire, ne fait point suffisamment crédit à l'imagination du lecteur."
Expliquant à des interlocutrices:
"J'invente un personnage de romancier, que je pose en figure centrale; et le sujet du livre, si vous voulez, c'est précisément la lutte entre ce que lui offre la réalité et ce que; lui, prétend en faire."
Il va même jusqu'à faire lire au jeune Georges un passage le décrivant sous un masque facile à découvrir, histoire d'agir sur les événements réels?
Conclusion provisoire : Voilà, d'un côté j'ai été intéressée par cette mise en abyme, ce roman en train de s'écrire, la littérature façon Edouard versus celle de Passavant. Mais on pourra aussi y trouver une histoire, une "tranche de vie", Edouard dit-il par ailleurs, avec de véritables Faux-monnayeurs tout de même, de la sexualité (y compris homosexualité, mais faut lire entre les lignes)
Commentaires
Merci.
Bonne journée.
Je ne suis pas tenté de le lire, pour le moment en tous cas, malgré la construction complexe qui vaut le détour de la réflexion littéraire : à savoir l'échec de la prétention à décrire le monde réel.
Bonne fin de semaine.
Même sa conception du roman me fatigue. A la fac, il était nécessaire de connaître les théories de Gide, précurseur du Nouveau roman, mais je ne suis toujours pas persuadée que le nouveau roman est une réussite.
Bon week end.
Bref, je veux bien ton avis, ça se lit quand même aisément!