Les livres de Jakob
Olga Tokarczuk
Editions noir sur blanc, 2018
Traduit (et bravo!) par Maryla Laurent
Des interlignes confortables permettent de venir à bout sans encombre des 1 000 pages écrites en petits caractères, agrémentées de reproductions de cartes, gravures, pages de livres, portraits.
Et c'est parti pour les décennies de la vie de Jakob Frank, personnage ayant existé, mais comme j'en ignorais tout j'ai lu ce gros bouquin comme une épopée, un roman d'aventures incroyable, se déroulant à une époque où l'empire ottoman couvrait une partie du sud est de l'Europe. De la Pologne à la Turquie, on commerce, on parle diverses langues, on est catholique, ruthène (orthodoxe?), musulman ou juif. Dans les villages glacés et brumeux, tels Rohatyn, en 1752, tout en bas de l'échelle se trouvent les paysans (des serfs) et les juifs. Le prêtre Benedykt Chmielowski consacre sa vie à écrire une encyclopédie, cherchant ses sources chez les nobles et chez Elisha Schorr, commerçant/rabbin.
"Comment ça, le premier Messie? Et le second? Il y en a un second? interroge Stanislaw Kossakowski perplexe.
- Certains disent qu'il devrait y avoir trois Messies. Il y en a déjà eu un, c'était Sabbataï Tsevi? Ensuite il y a eu Kohn."
Bref, apparaît ce Jakob Frank, suivi de moult disciples, persécuté y compris par les autres juifs; aidé parfois par Moliwda (noble polonais) et dont les paroles sont pieusement notées par un certain Nahman. Je passe sur la multitude de noms, variant au cours du livre, après le baptême de certains, mais Olga Tokarczuk rappelle brièvement l'essentiel. La vie de Frank aura des bas, y compris la prison, et des hauts.
J'ai aimé me plonger dans cette ambiance fort bien rendue de la vie des gens de toutes classes à cette époque, et apprécié l'écriture de l'auteur et des perles au détour d'un paragraphe.
"Que se passe-t-il si chacun voit différemment? La couleur verte est-elle perçue différemment par tous? Peut-être que 'vert' n'est qu'un nom dont nous couvrons comme d'une peinture de sensations absolument différentes pour pouvoir communiquer, alors qu'en réalité chacun de nous voit autre chose? Existe-t-il un moyen de vérifier cela? Que se passerait-il si nous ouvrions vraiment les yeux? Si nous apercevions par quelque miracle l'aspect véritable de ce qui nous entoure? Que découvririons-nous?"
Et puis il y a Ienta, elle vit, elle voit tout. Son souvenir persista, ce qui sauva la vie de quelques dizaines de personnes en 1942, à Korolowka...
En fait, comme le rappelle Nathalie, le mieux est de se laisser porter par la narration, sans chercher à tout retenir et (parfois) à tout comprendre. Le plaisir n'en sera que préservé.
Les avis de Mark et Marcel,
Lire le monde chez Sandrine
Olga Tokarczuk
Editions noir sur blanc, 2018
Traduit (et bravo!) par Maryla Laurent
Des interlignes confortables permettent de venir à bout sans encombre des 1 000 pages écrites en petits caractères, agrémentées de reproductions de cartes, gravures, pages de livres, portraits.
Et c'est parti pour les décennies de la vie de Jakob Frank, personnage ayant existé, mais comme j'en ignorais tout j'ai lu ce gros bouquin comme une épopée, un roman d'aventures incroyable, se déroulant à une époque où l'empire ottoman couvrait une partie du sud est de l'Europe. De la Pologne à la Turquie, on commerce, on parle diverses langues, on est catholique, ruthène (orthodoxe?), musulman ou juif. Dans les villages glacés et brumeux, tels Rohatyn, en 1752, tout en bas de l'échelle se trouvent les paysans (des serfs) et les juifs. Le prêtre Benedykt Chmielowski consacre sa vie à écrire une encyclopédie, cherchant ses sources chez les nobles et chez Elisha Schorr, commerçant/rabbin.
"Comment ça, le premier Messie? Et le second? Il y en a un second? interroge Stanislaw Kossakowski perplexe.
- Certains disent qu'il devrait y avoir trois Messies. Il y en a déjà eu un, c'était Sabbataï Tsevi? Ensuite il y a eu Kohn."
Bref, apparaît ce Jakob Frank, suivi de moult disciples, persécuté y compris par les autres juifs; aidé parfois par Moliwda (noble polonais) et dont les paroles sont pieusement notées par un certain Nahman. Je passe sur la multitude de noms, variant au cours du livre, après le baptême de certains, mais Olga Tokarczuk rappelle brièvement l'essentiel. La vie de Frank aura des bas, y compris la prison, et des hauts.
J'ai aimé me plonger dans cette ambiance fort bien rendue de la vie des gens de toutes classes à cette époque, et apprécié l'écriture de l'auteur et des perles au détour d'un paragraphe.
"Que se passe-t-il si chacun voit différemment? La couleur verte est-elle perçue différemment par tous? Peut-être que 'vert' n'est qu'un nom dont nous couvrons comme d'une peinture de sensations absolument différentes pour pouvoir communiquer, alors qu'en réalité chacun de nous voit autre chose? Existe-t-il un moyen de vérifier cela? Que se passerait-il si nous ouvrions vraiment les yeux? Si nous apercevions par quelque miracle l'aspect véritable de ce qui nous entoure? Que découvririons-nous?"
Et puis il y a Ienta, elle vit, elle voit tout. Son souvenir persista, ce qui sauva la vie de quelques dizaines de personnes en 1942, à Korolowka...
En fait, comme le rappelle Nathalie, le mieux est de se laisser porter par la narration, sans chercher à tout retenir et (parfois) à tout comprendre. Le plaisir n'en sera que préservé.
Les avis de Mark et Marcel,
Lire le monde chez Sandrine
Commentaires
Bonne fin de semaine.
L'article souligne le prodigieux souffle romanesque qui anime l'épopée du « messie» Jakob Frank et son étrange secte dans l'Europe des Lumières. Je vais (tenter de) faire une photo de ces pages et vous les envoyer.
j'avais tellement aimé son roman précédent tout en ironie et clin d'oeil
N'hésite pas, mais au bon moment.
Ma bibli suit pas mal Le monde des livres et Le matricule des anges pour ses achats.
Bon week end.
Syl.