Une saison à Hydra
The sea change, 1959
Elisabeth Jane Howard
Quai Voltaire, 2019
Traduit par Cécile Arnaud
Introduction de Sybille Bedford
Oui, Jane Elisabeth Howard est l'auteur de la saga des Cazalet, et cette saison à Hydra me donnerait plutôt envie d'aller voir ça de plus près. En attendant, ce roman est un tout, et permet d'apprécier le talent de l'auteur.
Emmanuel Joyce est un auteur dramatique suffisamment connu pour avoir son avis sur l'adaptation de ses pièces. Marié depuis une vingtaine d'années à Lilian, il a le chic pour être attiré par les jeunes comédiennes ou secrétaires qui défilent. Lilian, minée par différents drames et une santé fragile, mène une vie futile et égocentrique. Avec Jimmy, jeune homme assistant d'Emmanuel et homme à tout faire, ils voyagent d'un endroit à l'autre, souvent à l'hôtel, à Londres et New York pour la première moitié du roman.
Emmanuel n'étant pas satisfait d'une comédienne, il faut en trouver une, la recherche à New York est vaine, et l'idée arrive de prendre Alberta, jeune fille engagée comme secrétaire, simple, sans fards, lumineuse, mais ne connaissant rien au théâtre bien sûr. Le groupe se déplace donc à Hydra, sublime île grecque magnifiée par Elisabeth Jane Howard, où Emmanuel doit tenter d'écrire sa nouvelle pièce et Alberta s'entraîner.
L'on passe d'un personnage à l'autre, Alberta son journal et ses lettres, Lilian, Jimmy, leurs pensées aussi, et Emmanuel vu par l'auteur, avec des recoupements possibles. Fort jolie construction de la narration, où s'insèrent des informations sur le passé des personnages. Et puis ces paragraphes de descriptions de personnages même secondaires et d'une île enchantée... Tout cela m'a énormément plu. Après, j'avoue que j'ai parfois eu du mal à ressentir une chaude empathie pour les personnages principaux ( après tout ce n'est pas toujours un critère de qualité), en dépit d'enfances malheureuses, deuils et autres. Mais c'est tellement bien raconté! Et puis, à Lilian déclarant "Je trouve qu'il devrait y avoir au moins un chat dans toutes les maisons.", j'ai tendance à beaucoup pardonner. Car il y a un chaton (oups), un gamin, des personnages secondaires bien croqués et attachants.
Quelques passages, mais j'aurais pu en citer plein!
"Le lendemain matin, fit remarquer Lilian alors qu'ils marchaient vers le port, ressemblait exactement à un Dufy. Il y avait une forte brise, la mer était d'un bleu pétrole et agitée d'un clapotis régulier, et les caïques colorés - roses, verts ou violets- cabriolaient sur leur ancre. De nombreux petits nuages blancs traversaient le ciel à vive allure, les auvents de toile des magasins et des cafés battaient avec un enthousiasme arythmique, et la dizaine de chats du port se comportaient tous comme des gangsters ou des agents secrets de théâtre. Seuls les ânes et les mules se tenaient tête basse, l'air calmes et désabusés, comme si, dit encore Lilian, ils tentaient de retenir leur souffle pour faire passer une crise de hoquet."
" Elle entra, vêtue comme l'étaient les femmes actives d'il y a vingt ans : le tailleur bleu marine classique, censé être indémodable mais qui pourtant vieillissait aussi sûrement qu'un visage, un chemisier blanc à col lavallière, des boucles d’oreille en perles, aussi éloignées de leur fonction que des fruits en conserve. Des cheveux disciplinés avec la même gaieté sévère qu'un jardin municipal, et un visage dont toute l'énergie avait jusqu'ici servi à résister à l'inattendu."
"J'ai fini Middlemarch. Maintenant je m'attaque à Villette : c'est agréable d'avoir avec moi des livres de chez nous, et je me souviendrai toujours de les avoir lus ici."
Commentaires
Je te souhaite une belle journée !
G Eliot? Un anniversaire? Ma foi, j'ai l'intention de lire le livre de M Ozouf sur elle, dont j'ai lu quasiment tous les romans disponibles.
Pour le livre, pas de souci, c'est en fonction des choix qui s'offrent.
Tu n'as pas vu les chats dans les citations? Pfff!
Oui, belle année à toi aussi!
Une saga pas encore toute traduite, on a le temps.