W ou le souvenir d'enfance
Georges Perec
L'imaginaire Gallimard Denoël, 1975 (?)
"J'écris: j'écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j'ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps; j'écris parce qu'ils ont laissé en moi leur ombre indélébile et que la trace en est l'écriture : leur souvenir en est l'écriture; l'écriture est le souvenir de leur mort et l'affirmation de ma vie."
Souvenirs d'abord, oui, mais flous, parfois recréés, imprécis, revus des années après. Le jeune Georges Perec (pas d'accent, cela vient de Peretz, apprends-je) est né à Paris en 1936 de parents venus de Pologne. Le père sera blessé au début de la guerre et la maman, veuve de guerre, sera plus tard arrêtée, envoyée à Drancy, puis vers l'est, d'où elle ne reviendra pas. Le gamin, lui, sera à l'abri du côté de Villard de Lans, veillé par différentes tantes, réelles ou pas.
Les chapitres de ce texte de souvenirs est alterné avec un autre purement sorti de l'imagination de l'auteur. Un homme ayant dû changer d'identité, et qui se retrouve chargé de partir dans un ilot (lequel?) dans la Terre de Feu. Et puis pouf, on se retrouve avec une autre histoire, "il y aurait là-bas, à l'autre bout du monde, une île. Elle s'appelle W."
Au début la description de l'univers de W, dédié au sport, semble intéressant, et pourquoi pas? Petit à petit les détails de l'organisation de la vie sur cette île prennent des proportions affolantes.
"L’athlète W n'a guère de pouvoirs sur sa vie. (...) Sa vie et sa mort lui semblent inéluctables, inscrites une fois pour toutes dans un destin innommable. Il y a deux mondes, celui des Maîtres et celui des esclaves.(...) Celui qui pénétrera dans la Forteresse n'y trouvera d'abord qu'une succession de pièces vides, longues et grises. Le bruit de ses pas résonnant sous les hautes voutes bétonnées luis fera peur, mais il faudra qu'il poursuive longtemps son chemin avant de découvrir, enfouis dans les profondeurs du sol, les vestiges souterrains d'un monde qu'il croira avoir oublié : des tas de dents d'or, d'alliances, de lunettes, de milliers de vêtements en tas, des fichiers poussiéreux, des stocks de savon de mauvaise qualité..."
(fin de cette partie)
"J'ai oublié les raisons qui, à douze ans, m’ont fait choisir la Terre de Feu pour y installer W: les fascistes de Pinochet se sont chargés de donner à mon fantasme une ultime résonance : plusieurs îlots de la Terre de Feu sont aujourd'hui des camps de déportation."
(fin du livre)
W, son univers concentrationnaire décrit dans les moindres détails. Deux histoires qui se rejoignent. On a froid dans le dos. A lire absolument.
Avis babelio,
Commentaires
Il se crée des souvenirs et n’aura de cesse d’essayer de retrouver des indices sur ses parents .