La modification
Michel Butor
Minuit, 2008
(L'exemplaire de la bibli a lui aussi voyagé, et domine les voies de la gare de N.)
Lire La modification peu après Paris-Briançon (que j'ai dévoré) ce n'est peut-être pas équitable pour Philippe Besson, là on ne boxe pas trop dans la même catégorie. Peu importe, après quelques tours de roue dans un compartiment et l'interrogation devant tous ces détails futiles ou inutiles, j'ai adhéré et terminé peu après, franchement admirative!
Comme d'habitude, j'ai gardé ma casquette de lectrice basique, garantie sans études de lettres, et puisqu'à la fin, grâce à 'Le réalisme mythologique' écrit par Michel Leiris (qui décortique et révèle l'histoire, donc passionnant mais à lire après) j'ai réalisé que j'avais compris 90% du roman, ça va. wikipedia est aussi fort bien, mais raconte tout.
L'histoire? Un parisien quarantenaire, marié, père de quatre enfants, directeur de la succursale française d'une firme italienne de machines à écrire, se rend à Rome par le train de nuit. Comme souvent, puisque cela rentre dans ses attributions. Sauf que là il voyage en troisième classe ( le l3 juin 1956 la SNCF mettra fin à cette catégorie) au lieu de la plus confortable première classe. A cela une raison : il paie son billet, voyage à l'insu de son employeur, et ne se rend à Rome que pour annoncer à Cécile, sa maîtresse franco italienne depuis un bout de temps, que leur vie va changer.
Sa vie familiale est pleine de lassitude et d'habitudes, sa femme est bien sûr au courant de ce voyage là, et se doute que Cécile, qu'elle a déjà rencontrée, est la maîtresse de son mari.
Voilà donc notre héros dans le compartiment! "Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant." Hé oui, la narration est en "vous", le lecteur s'identifie sans doute, de nos jours cela paraît sans doute moins original. Michel Leiris : "il suffit de quelques brefs coups d'oeil jetés sur les lignes imprimées tandis que vous maniez le coupe papier pour que vous vous sentiez en présence d'une invitation, sinon d'une sommation." Tiens oui, j'aurais pu écrire mon billet avec ce "vous", mais peu importe, cette idée de coupe papier me réjouit. Ainsi que tous ces détails années 50, les photos de paysages dans le compartiment, le contrôleur cognant à la vitre avec son poinçon, etc.
Description des compagnons de voyage, que Léon (oui, il s'appelle Léon) finira par nommer à sa guise, dont il imaginera la vie, compagnons changeant au cours du voyage, les italiens présents de plus en plus. Description des paysages, souvenirs, pensées.
Récit du voyage au présent.
Mais va s'intercaler un récit au futur où il imagine ce qui va se passer.
Et puis, tant qu'à faire, un récit au passé, puisque ce n'est pas le premier sur cette ligne. Oh que non, le lecteur découvre les différentes strates du voyage Paris-Rome (et retour). Et même plusieurs voyages dans le passé...
Comment ça, on va s'y perdre? Mais non, l'auteur a bien mis en place des détails qui indiquent dans quel voyage on est. Très très fort.
Petit à petit on apprend comment Léon et Cécile se sont rencontrés, leur vie à Rome quand Léon s'y trouve. Rome, on le sent, est un vrai personnage du livre, la Rome de l'antiquité, la Rome de la Renaissance. Rome va jouer un rôle dans l'histoire et son évolution (je ne spoile pas).
Car il y a une histoire, subtilement racontée par bribes, un dévoilement vers la fin, et une 'pirouette' qui permet de considérer le roman autrement. Pfou!
A lire, donc, et à relire sûrement (car je pense avoir passé certains détails, par exemple cette histoire de grand Veneur, j'ai compris mais pas fait attention à son démarrage dans le roman - hé oui, les détails comptent!).
Avis babelio, critiques libres,
Commentaires
Bonne année à toi!
Bravo pour ce travail scolaire, j'espère que le professeur a apprécié favorablement.
Un roman à relire, et aussi je relirais bien L'emploi du temps...
Oui, La modification est un roman impressionnant, mais lu à mon âge, et volontairement, je suis ravie et y prends ce que je veux. ^_^
Bonne année aussi.
Un classique abordable, finalement. Ne pas avoir été obligée de lire et étudier trop de classiques m'a donné un manque de moyens, forcément, mais de la décontraction face à eux. ^_^
Tu me connais, donc Butor pour moi c'est bien adulte, et ça passe. J'avais aimé l'emploi du temps d'ailleurs. Le genre de livres à relire, je comprends.
Il faudrait que je me renseigne sur tous ces classiques que j'ai ratés, et qui finalement passent très bien longtemps après. ^_^
Tente le coup, c'est à connaître.
En tout cas, c'est fort d'intéresser jusqu'au bout et même de proposer un petit suspense, avec cette histoire racontée ainsi.
tes dernières lectures devraient être sponsorisées par la SNCF ;-)
Bisous et bonne et heureuse année 2023 remplie de belles et agréables lectures et d'échanges !
Santé
(moi aussi j'oublies les fins et parfois même beaucoup plus!!)
Chic, oublier le contenu d'un livre, c'est humain.
Moi j'ai du mal avec les personnages franchement plus âgés couchant avec des jeunettes (vraiment jeunettes), c'est rédhibitoire.
L'oulipo sans doute pas, je les aime bien, mais pas si le 'procédé' est trop visible.
Il ne m'arrive jamais rien en train de nuit - sauf d'arriver à destination. Devrais-je me plaindre? Ou alors c'est que je n'ai pas assez d'imagination!
Dans la modification, le narrateur est dans ses pensées, il y a peu d'échanges avec les autres, ce qui correspond tout de même à la réalité, les conversations ayant plutôt lieu entre voyageurs se connaissant.
En train de nuit, j'essaie de dormir, en train de jour j'espère aussi arriver à l'heure, mais avec la SNCF ce n'est pas toujours le cas (sache qu'ils se doivent de dépanner le voyageur en rade avec hôtel ou taxi - c'est du vécu!)
Lance-toi dans cette modification!