Kiosque
Jean Rouaud
Grasset, 2019
Un auteur inconnu (jusqu'ici), un éditeur pas souvent choisi, mais quel plaisir qu'après des décennies de vie de lectrice et une décennie de blog j'aie encore des surprises! Et ce coup-ci, une bonne. Encore une fois, on n'est pas dans le roman, mais dans l'évocation vagabonde des années 80 vécues par Jean Rouaud, qui ayant quitté sa région d'origine, s'en fut à Paris, où, à défaut que les éditeurs lui déroulent le tapis rouge (notre homme veut devenir écrivain!) dût bien manger, et après une petite librairie (qui n'existe plus) devant Beaubourg, tint un kiosque (disparu aussi) dans le 19ème arrondissement.
Si le paragraphe précédent ne vous a pas perdu, vous êtes prêt à affronter la prose de Jean Rouaud, meilleure bien sûr dans le vocabulaire, l'ironie et l'intérêt! Des personnages hauts en couleur fréquentent son kiosque, pas forcément pour acheter des journaux d'ailleurs; son collègue patron, P. est une vraie figure. Tout part d'ailleurs d'un article sur lui dans un journal...
Pieds noirs, boat people, juifs survivants de la tempête des années 30-40, yougoslaves avant la guerre, tous sont là : "Ce sont les gens qui parlent le mieux d'eux-mêmes".
"Saint-Eustache et Beaubourg sont construits en miroirs." Le livre fourmille de ces idées auxquelles on n'avait pas pensé. Les grandes discussions autour de la pyramide du Louvre paraissent si loin, aussi.
Et puis vers la fin, s'explique peut-être la genèse de son destin de kiosquier, puis d'écrivain?
Beaucoup aimé, c'est vif, drôle et émouvant.
Un passage parmi de nombreux que j'aurais pu citer
"Nous avions bien remarqué que les journaux de Zagreb et Belgrade n'usaient pas des mêmes caractères, latins pour les uns, cyrilliques pour les autres, mais ils avaient en commun d'avoir un papier de mauvaise qualité, une impression baveuse et des photos d'un pointillisme gris sale sur lequel on avait toujours du mal à distinguer l'activiste pro-serbe se jetant sur l'archiduc à Sarajevo ou n'était-ce pas plutôt un usager tendant son billet au contrôleur avant de monter dans le bus, ce qui nous renforçait dans l'idée convenue de la médiocrité de toute production venant de l'Est, hormis les Choeurs de l'Armée rouge et les nageuses est-allemandes."
Jean Rouaud
Grasset, 2019
Un auteur inconnu (jusqu'ici), un éditeur pas souvent choisi, mais quel plaisir qu'après des décennies de vie de lectrice et une décennie de blog j'aie encore des surprises! Et ce coup-ci, une bonne. Encore une fois, on n'est pas dans le roman, mais dans l'évocation vagabonde des années 80 vécues par Jean Rouaud, qui ayant quitté sa région d'origine, s'en fut à Paris, où, à défaut que les éditeurs lui déroulent le tapis rouge (notre homme veut devenir écrivain!) dût bien manger, et après une petite librairie (qui n'existe plus) devant Beaubourg, tint un kiosque (disparu aussi) dans le 19ème arrondissement.
Si le paragraphe précédent ne vous a pas perdu, vous êtes prêt à affronter la prose de Jean Rouaud, meilleure bien sûr dans le vocabulaire, l'ironie et l'intérêt! Des personnages hauts en couleur fréquentent son kiosque, pas forcément pour acheter des journaux d'ailleurs; son collègue patron, P. est une vraie figure. Tout part d'ailleurs d'un article sur lui dans un journal...
Pieds noirs, boat people, juifs survivants de la tempête des années 30-40, yougoslaves avant la guerre, tous sont là : "Ce sont les gens qui parlent le mieux d'eux-mêmes".
"Saint-Eustache et Beaubourg sont construits en miroirs." Le livre fourmille de ces idées auxquelles on n'avait pas pensé. Les grandes discussions autour de la pyramide du Louvre paraissent si loin, aussi.
Et puis vers la fin, s'explique peut-être la genèse de son destin de kiosquier, puis d'écrivain?
Beaucoup aimé, c'est vif, drôle et émouvant.
Un passage parmi de nombreux que j'aurais pu citer
"Nous avions bien remarqué que les journaux de Zagreb et Belgrade n'usaient pas des mêmes caractères, latins pour les uns, cyrilliques pour les autres, mais ils avaient en commun d'avoir un papier de mauvaise qualité, une impression baveuse et des photos d'un pointillisme gris sale sur lequel on avait toujours du mal à distinguer l'activiste pro-serbe se jetant sur l'archiduc à Sarajevo ou n'était-ce pas plutôt un usager tendant son billet au contrôleur avant de monter dans le bus, ce qui nous renforçait dans l'idée convenue de la médiocrité de toute production venant de l'Est, hormis les Choeurs de l'Armée rouge et les nageuses est-allemandes."
Commentaires
Bonne journée.
Je viens d'en avoir une !
Bonne semaine.
Lis ce kiosque, bien sûr.
Pour la petite histoire, je l'ai trouvé à deux euros dans une brocante de «petits riens». Un peu de peine de voir qu'un tel écrivain soit ainsi bradé. Certains le trouvent ennuyeux.
Dommage que ce livre n'ait pas été gardé, mais il aura trouvé un lecteur attentif et content! ^_^