Des gens comme les autres
Real people, 1969
Alison Lurie
Rivages, 1989
Traduit par Marie-Claude Peugeot
Au début j'ai cru avoir mis la main sur un roman d'Alison Lurie que j'allais aimer moyennement (et en profiter: 1) pour ne pas avoir à écrire de billet; 2 ) ne pas encore casser les pieds des visiteurs avec cette lubie de TOUT lire d'elle).
Mais il a fallu m'avouer, au cours de ma lecture où je notais des passages, qu'Alison Lurie est vraiment trop forte et que son roman est encore une fois drôlement subtil.
Pour changer des précédents romans, la narration est en 'je', et nous partageons les pensées de Janet Belle Smith dans son Journal tenu du 29 juin au 7 juillet. Le lieu : une somptueuse demeure de Nouvelle Angleterre, les riches propriétaires en ont fait une colonie d'artistes, qui trouveront là les conditions idéales pour créer, qu'ils soient peintres, écrivains (poésie, nouvelles, romans...) ou compositeurs. (j'y ai retrouvé le Lonnie Zimmern de comme des enfants, devenu adulte et critique littéraire)
Janet (j'allais écrire cette pauvre Janet) va vivre quelques bouleversements durant son séjour, qui pourtant n'est pas le premier, dans cette oasis où elle espérait venir à bout d’une panne d'écriture. Ce qu’elle vit, ce qu’elle note dans son Journal peuvent lui servir de départs de nouvelles, hélas avortés, elle en devient consciente.
"Clark [son mari] ne m'entretient pas parce que j'écris, mais en dépit de cela. En fait, j'ai une bonne situation de maîtresse de maison logée et nourrie, et de compagne de cadre supérieur. Salaire convenable, conditions de travail agréables, titulaire de mon poste, avantages divers -mais beaucoup d'heures de présence, et au bout de vingt ans, je n'ai droit qu'à deux ou trois semaines de vacances chaque été."
Suite à une remarque, elle s'interroge.
"Gerry m'a dit que j'avais un mécène, comme les écrivains du dix-septième et du dix-huitième siècle. (...) Et mes écrits témoignent de la même dépendance envers eux, exactement. On y trouve le même soin à éviter tout sujet qui risquerait de leur déplaire; la même célébration patente ou subtile de leur mode de vie; le même éloge de leurs vertus et le même aveuglement sur leurs défauts."
Elle a sous les yeux l'exemple de H.H. Waters, talentueuse poétesse reconnue, ayant choisi l'Art face à un potentiel mari qui n'aurait pas accepté qu’elle écrive.
Va-t-elle continuer à s'imposer des limites et une certaine autocensure? Au risque de devenir banale, répétitive et ennuyeuse?
"Il faut que l’écrivain transforme le matériau -mais par addition, pas par soustraction, comme je l'ai fait jusqu'ici.(...) La fiction est du concentré de réalité; c'est pourquoi le goût en est plus fort, comme le bouillon cube ou le concentré de jus d'orange surgelé.
Je sais tout cela; je le sais depuis des années. Et pourtant je me suis mise à ajouter de l'eau, et même, à chaque fois, une eau de plus en plus tiède. De crainte que, non dilué, tout cela se prenne en glace et me brûle, moi et tous ceux de mon entourage."
Real people, 1969
Alison Lurie
Rivages, 1989
Traduit par Marie-Claude Peugeot
Au début j'ai cru avoir mis la main sur un roman d'Alison Lurie que j'allais aimer moyennement (et en profiter: 1) pour ne pas avoir à écrire de billet; 2 ) ne pas encore casser les pieds des visiteurs avec cette lubie de TOUT lire d'elle).
Mais il a fallu m'avouer, au cours de ma lecture où je notais des passages, qu'Alison Lurie est vraiment trop forte et que son roman est encore une fois drôlement subtil.
Pour changer des précédents romans, la narration est en 'je', et nous partageons les pensées de Janet Belle Smith dans son Journal tenu du 29 juin au 7 juillet. Le lieu : une somptueuse demeure de Nouvelle Angleterre, les riches propriétaires en ont fait une colonie d'artistes, qui trouveront là les conditions idéales pour créer, qu'ils soient peintres, écrivains (poésie, nouvelles, romans...) ou compositeurs. (j'y ai retrouvé le Lonnie Zimmern de comme des enfants, devenu adulte et critique littéraire)
Janet (j'allais écrire cette pauvre Janet) va vivre quelques bouleversements durant son séjour, qui pourtant n'est pas le premier, dans cette oasis où elle espérait venir à bout d’une panne d'écriture. Ce qu’elle vit, ce qu’elle note dans son Journal peuvent lui servir de départs de nouvelles, hélas avortés, elle en devient consciente.
"Clark [son mari] ne m'entretient pas parce que j'écris, mais en dépit de cela. En fait, j'ai une bonne situation de maîtresse de maison logée et nourrie, et de compagne de cadre supérieur. Salaire convenable, conditions de travail agréables, titulaire de mon poste, avantages divers -mais beaucoup d'heures de présence, et au bout de vingt ans, je n'ai droit qu'à deux ou trois semaines de vacances chaque été."
Suite à une remarque, elle s'interroge.
"Gerry m'a dit que j'avais un mécène, comme les écrivains du dix-septième et du dix-huitième siècle. (...) Et mes écrits témoignent de la même dépendance envers eux, exactement. On y trouve le même soin à éviter tout sujet qui risquerait de leur déplaire; la même célébration patente ou subtile de leur mode de vie; le même éloge de leurs vertus et le même aveuglement sur leurs défauts."
Elle a sous les yeux l'exemple de H.H. Waters, talentueuse poétesse reconnue, ayant choisi l'Art face à un potentiel mari qui n'aurait pas accepté qu’elle écrive.
Va-t-elle continuer à s'imposer des limites et une certaine autocensure? Au risque de devenir banale, répétitive et ennuyeuse?
"Il faut que l’écrivain transforme le matériau -mais par addition, pas par soustraction, comme je l'ai fait jusqu'ici.(...) La fiction est du concentré de réalité; c'est pourquoi le goût en est plus fort, comme le bouillon cube ou le concentré de jus d'orange surgelé.
Je sais tout cela; je le sais depuis des années. Et pourtant je me suis mise à ajouter de l'eau, et même, à chaque fois, une eau de plus en plus tiède. De crainte que, non dilué, tout cela se prenne en glace et me brûle, moi et tous ceux de mon entourage."
J'ai cité particulièrement les interrogations de Janet, qui pourraient être celles de tout auteur, et méritent l'enthousiasme ressenti à cette lecture, surtout quand on imagine que ce Journal pourrait être le prochain texte de Jane, celui où 'elle balance tout' . Un retournement possible pensé par Alison Lurie?
Qu'on ne s'y méprenne pas; ce roman n'est pas qu'interrogation sur la création! Il est vif et drôle.
"Une femme et cinq enfants à charge.
- Cinq enfants?
- Cinq. Vous connaissez les peintres Pop'Art et leur admiration pour la fabrication en série..."
Je l'ai lu il y a bien longtemps ; il est d'ailleurs toujours dans ma bibliothèque.
RépondreSupprimerHé oui! Garde le, à mon avis il se relirait très bien.
SupprimerJe ne suis pas certaine de l'avoir lu, moi ! Il ne fait pas partie de ceux que j'ai dans mes étagères en tout cas... mais j'aime beaucoup les extraits. J'ai lu ses romans en même temps que ceux de David Lodge, toute une époque !
RépondreSupprimerFigure toi que je suis certaine de l'avoir lue il y a longtemps, mais... jusqu'ici je n'ai pas retrouvé la sensation de l'avoir déjà lue, c'est bizarre... Tu sais, l'impression 'oh j'ai déjà lu ça', hé bien non. Mais tant pis, je découvre (?) et j'en raffole.
SupprimerIl fut un temps où je lisais beaucoup cette auteure, et puis, je suis passée à d'autres découvertes ... Tu me donnes envie d'y revenir avec ce titre ! J'aimais son univers subtile avec des coups de griffe.
RépondreSupprimerC'est normal, une lecture en amène une autre, actuellement je renoue avec Jane smiley, et découvre Angela Huth.
SupprimerJ'adore les blogs où l'on trouve des "lubies" concernant des écrivain(e)s... Ainsi donc, chez toi, il y a Montaigne, Proust, Alison Lurie, what else ? ;-)
RépondreSupprimerJ'aime bien lire ce dont j'ai envie (le privilège de l'âge ^_^). Oui, des chouchous classiques, mais aussi des anglo-saxons, ah Barbara Pym...
SupprimerHaha le début de ton billet m'a bien fait rire ! Bon, on a compris le message, auteur à lire absolument.:-) Même quand on pense que ce sera moyen, on se laisse surprendre.
RépondreSupprimerJ'ai encore lu quatre romans de plus, deux m'attendent, mais bon, je fais durer, quoi. Avec elle je suis sûre que ça va coller.
SupprimerComme Aifelle !
RépondreSupprimerje ne garde pas un souvenir précis mais plutôt une sensation de plaisir de lecture, d'humour, de dérision
Sensation exacte! Je pense l'avoir lue il y a... longtemps, pas trop de souvenirs, donc c'est idéal pour apprécier.
SupprimerComme d'hab, tout pareil que ma camarade Aifelle :-) Bah oui on doit avoir le même âge et avoir lu les mêmes livres à leur sortie ;-)
RépondreSupprimerHum, restons discrets, on va finir par se faire repérer, avec ces lectures datant beaucoup, ces relectures, etc. Mais on assume!
SupprimerJe ne peux que noter le nom de l'écrivain… Merci. (Goran : https://deslivresetdesfilms.com)
RépondreSupprimerSe plonger dans ces 'vieux' romans se révèle une belle surprise.
Supprimerje suis sûre de l'avoir lu et de l'avoir aimé. Oui, nous les avons lus à leur sortie mais c'est bien cette relecture si tu persuades les "jeunettes" de découvrir Alison Lurie.
RépondreSupprimerAlison Lurie demeure parfaitement lisible et bien au-dessus de certains auteurs contemporains, et ce souvent. Une valeur sûre. Je mets le paquet pour les 'jeunettes' comme tu dis. ^_^
Supprimerce titre, je le croise souvent en bouquinerie .. mais j'ai trop de livres chez moi qui m'attendent!
RépondreSupprimerEssaie, essaie, histoire de connaître ; même si je sais bien que des pépites t'attendent chez toi.
SupprimerJe l'ai lu, ton billet rappelle des souvenirs (je crois que j'ai tout lu aussi ^^)
RépondreSupprimerRien ne revient à ma mémoire, ce qui est excellent pour une relecture en fraîcheur!
Supprimeril vafalloir que je e décide à la découvrir!
RépondreSupprimerLà oui quand même! File à la bibli. ^_^
SupprimerOh, que de souvenirs
RépondreSupprimerJe sens qu'on va monter un club. ^_^
SupprimerApparemment,tes visiteurs connaissent l'auteure, et moi...pas du tout comme d'hab. !
RépondreSupprimerBientôt, je n'oserai plus laisser de coms !
Philippe, non, pas toi, ne craque pas, le mois belge arrive, je te promets de bons auteurs connus! ^_^
SupprimerD'accord, d'accord,c'est à découvrir pour ma part, un jour, peut-être... Tes lubies m'amusent !
RépondreSupprimerMes lubies, oui, car tant qu'à faire autant lire ce qui me plait!
SupprimerJ'aime beaucoup la dernière citation. Tu donnes envie de découvrir ce roman.
RépondreSupprimerUn des plus caustiques de l'auteur... Et des questionnements pour les femmes écrivains. Beaucoup aimé!
SupprimerJe ne sais même pas si j'en ai déjà lu d'elle. Je commence par lequel ?
RépondreSupprimerQuestion difficile! Celui-ci, par exemple, qui est court, ou parmi ceux chroniqués
SupprimerDes amis imaginaires Comme des enfants Les amours d'Emily Turner
mais tu risques de tomber en bibli sur son plus connu (car un prix), Liaisons étrangères.
Se trouve plutôt en bibli ou en bouquineries (Emmaüs par exemple)
je fais partie du club "avoir tout lu Alison Lurie" , c'était avant Luocine et je sens que ton billet va me donner envie de m'y remettre. J'ai pouffé à la lecture de ta citation. Merci.
RépondreSupprimerJe suis bien partie pour! Il me reste à lire deux romans (merci Emmaüs) et des nouvelles et un essai (merci la bibli). Mais j'ai déjà Angela Huth en ligne de mire pour la suite...
SupprimerIl me semble l'avoir lu aussi mais il y a un bout de temps ^_^ je n'en ai pas beaucoup de souvenirs par contre. Il faudrait que je le retrouve...
RépondreSupprimerJe la relis, là, ou en tout cas je crois la relire, car les souvenirs ne reviennent pas...
SupprimerDécidément, il faut que je la lise, et apparemment je peux commencer par n'importe lequel de ses romans ??
RépondreSupprimerCela va dépendre de ce que tu trouveras, en bibli mieux vaut. Cela dépend des goûts, moi j'ai bien aimé les amours d'Emily Turner (voir "romans américains Alison Lurie sur mon blog, en haut)
SupprimerJ'aime beaucoup ses livres, mais lus il y a assez longtemps, qu'est ce que j'aimerai pouvoir relire des livres... Mais toujours trop tentée par des découvertes :)
RépondreSupprimerJ'essaie de relire ce que j'ai aimé, tout en découvrant du nouveau. Mais on ne peut tout lire!
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