Proust, roman familialLaure Murat
Robert Laffont, 2023
Fichtre! En fouinant je découvre que j'ai déjà proposé ici quatre (4!) livres de Laure Murat: Relire Flaubert à la Motte-Picquet Ceci n'est pas une ville Une révolution sexuelle?
J'ai raté la rencontre lors des derniers RVH, attirée par le charismatique Massoud (le fils), et après des semaines d'attente, j'ai pu lire (dévorer) son dernier bouquin. Comment résister à Proust? Quoique, se shooter à la Recherche semble bien être le seul point commun entre Laure Murat, professeure d'université aux Etats-Unis, issue du côté de Guermantes, et moi, plutôt côté Françoise.
Des Murat, il en existe beaucoup, mais un seul fut enfant d'aubergiste ET beau-frère de Napoléon, roi de Naples, etc. Voilà pour la branche paternelle, et pour la maternelle, là c'est la grande classe, les Luynes, avec château dans le 37 et des souvenirs d'enfance de Laure Murat.
"Mon destin, on me l'a assez répété, était de me marier et d'avoir des enfants. Je n'ai pas d'enfants, je vis avec une femme." Rupture totale avec sa famille, dont elle dresse un portrait plutôt honnête, on sent la blessure, c'est normal.
Voici le portrait par Boldini de l'arrière grand mère Cécile, qui "la montre comme emportée dans la spirale d'une robe noire brossée à traits vigoureux, la silhouette fine, le visage très dessiné, avec un nez droit, et le regard vague des gens du monde qui ne veulent pas être importunés."(p49)
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https://en.m.wikipedia.org/wiki/File:C%C3%A9cile_Murat_Ney_d%27Elchingen_(1867-1960),_by_Giovanni_Boldini.jpg |
En 1904, Proust commença à fréquenter l'hôtel Murat, mais sans laisser de souvenir grandiose ""Ah oui, répondit-elle évasivement [au père de l'auteure], ce petit journaliste que je mettais en bout de table..."
Proust, nous y voilà. Pas si snob que cela, en tout cas le portrait qu'il trace de ce monde aristocratique n'est pas si bienveillant, en fait, et parfois cruel (voir le passage des souliers rouges)(pour le connaître si ce n'est fait, Laure Murat en parle de façon intéressante).
L'œuvre de Proust et la réalité familiale se rejoignent, se recoupent de façon troublante, même moi je m'y suis un peu perdue! Il n'y a pas que les grandes réceptions dans les salons, mais dans le chapitre Proust au bordel se trouvent des liens intéressants avec le petit personnel de ce grand monde (et pour ceux qui ignorent ces détails sur Proust, tant pis, je spoile)
"J'ai fini, vers l'âge de vingt ans, par lire A la Recherche du temps perdu. Aborder la Recherche, on le sait, provoque chez la plupart des lecteurs et des lectrices, même les plus accompli.es, à quelque âge que ce soit, une série d'émotions spécifiques. On s'y attaque comme à une forteresse, on s'y lance comme dans une expédition, en prévoyant tout un été, voire une année entière pour arriver au bout du voyage.(...) (sept volumes en poche n'ont pourtant jamais tué personne)."
Pour Laure Murat, ça pouvait encore plus se compliquer :
Dans le climat de confusion entre la littérature et la vie où j'avais baigné, je m'étonnais à peine de lire que Robert de Saint-Loup fût l'ami de mon arrière- grand- oncle, le duc d'Uzès, à qui il avait servi de témoin lors d'un duel (A l'ombre des jeunes filles en fleurs), ou que, le prince de Borodino, son supérieur à Doncières, allât dîner chez les Murat (Le Côté de Guermantes), ou encore que Charlus comparât les Guermantes aux Luynes (La Prisonnière).
Même ténues et semées comme en passant, ces références établissant des passerelles entre personnages inventés et individus ayant existé composaient dans mon cerveau malmené une constellation inattendue. Sa structure reposait sur une logique spéculaire, (...): d'un part un effet de réel ans la fiction (que Saint-Loup soit l'ami du 'vrai' duc d'Uzès prouvait son authenticité au-delà de son existence de papier) et, d'autre part, une fonctionnalisation des noms de (ma) famille réels (que le duc d'Uzès soit intégré à une univers fictif lui donnait de facto l'aura d'un personnage de roman.
Mais il y a beaucoup plus troublant. Dans une conversation, la duchesse de Guermantes jette au débotté qu'elle est la propre nièce d'une Mademoiselle d'Uzès. Ce qui ferait d'elle sans aucun doute possible ... ma tante. Ce n'est pas tout."(pages 70 et 71 pour la suite tout aussi vertigineuse)
Pour terminer (!), lancez-vous!
"Savoir comment entrer ans la phrase revient à demander : comment entrer dans l'océan? (...) plutôt que le plongeon autoritaire et catégorique, une progression par paliers, avec des pauses courtes, jusqu'à l'immersion totale. Entrer dans la Recherche ne nécessite pas tant d'efforts ni de grimaces, même si le premier volume n'est pas, à mon avis, forcément le plus invitant. En revanche, cela exige d'insister. (...)
Faut-il commencer par le début? "Oui bien sûr. Sauf que." Une spécialiste a commencé par Un amour de Swann. Une professeure a enseigné en commençant par Le temps retrouvé. "L'essentiel est d'attraper le fil, et de dévider la bobine. Toute la bobine."
Ma 'chance' avec Proust a été de n'avoir aucun a priori, de de pas y accéder au cours d'études de lettres, juste pour la curiosité et le plaisir.
A relire mon billet, je me dis que peut-être le livre de Laure Murat sera plus apprécié si on connaît un peu l'œuvre de Proust. Contrairement à "Clara lit Proust" de Stéphane Carlier.
Donc : lancez-vous dans l'univers proustien, sans complexes.
Avis babelio, bibliosurf, dont Dominique,
Je n'ai pas raté son passage à Trouville et j'y suis allée quasiment exprès pour elle. Rencontre à deux, avec Dominique Barberis, c'était très intéressant. Le livre m'attend dans ma PAL prioritaire.
RépondreSupprimerTu vas te régaler, prends ton temps. Sais-tu qu'elle vient d'obtenir le prix Medicis essai?
SupprimerElle était dans le 28 minutes d'Arte récemment, et j'ai pensé à toi, bien sûr, en voyant le sujet de son roman !
SupprimerJe n'ai toujours pas lu Proust donc je ne suis pas sûre d'apprécier le livre de Laure Murat à sa juste valeur.
SupprimerNB: tu me fais rire avec tes messages "chuchotés" en petite police.
Oui bien sûr et j'étais contente pour elle. Elle était seule quand je lui ai fait dédicacer son livre, je l'ai trouvée d'une simplicité désarmante au regard de ses connaissances. Et je l'écouterais parler pendant des heures.
Supprimer@ Aifelle, fichtre, pourtant c'est une pointure quand même! Veinarde!
Supprimer@kathel Ha bon, ça se sait que je suis fan de Proust? ^_^
Supprimer@jelisjeblogue : il y a plein de passages intéressants, mais quand même quand même connaître un chouïa l'œuvre de Proust c'est un plus.
SupprimerEt ça ne te donne pas envie de te lancer?
NB : je m'amuse aussi.
si, je pense me lancer mais il me faut une période propice comme de longues vacances !
SupprimerOui, ne pas stresser, savoir qu'on prend son temps, on n'a rien à prouver.
SupprimerLe titre avait attiré mon attention évidemment, mais tout ce que j’ai lu sur ce livre dans la presse spécialisée a couper mon enthousiasme initial, je ne « sens » pas ce livre… erreur ?
RépondreSupprimerQuoi dans la presse? Il faut se lancer, ça se lit fort bien, il y a de l'humour aussi.
SupprimerBon, j'avais peut-être aussi un petit questionnement avant, mais c'est mieux que ce que j'espérais...
Il me fait très envie ce livre maintenant que j'ai lu ton billet ! ( et puis j'adore Boldini ^^ ), je note que tu as écris en conclusion Peut être en gras.
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas Boldini, oups!
SupprimerPeut-être, car je ne veux pas trop insister, et je ne veux pas de visiteurs pas contents, je préviens. ^_^ Après, chacun peut se lancer sans risque, il y a matière à s'y plaire, même si on n'est pas familier de l'œuvre de Proust, L Murat redonne des pistes.
Elle fait partie de mes projets...
RépondreSupprimerPas très étonnant... ^_^ Bonne lecture!!!
SupprimerJ'ai presque terminé La Recherche (il me reste le dernier tome). Ce livre m'intéresse beaucoup.
RépondreSupprimerLe temps retrouvé? Oh là la, c'est quasiment le plus beau!!!! Celui que je relirais juste lui.
SupprimerJ'ai envie mais un peu peur d'être perdue !
RépondreSupprimerLaure Murat donne des souvenirs personnels, là tout le monde suit, et puis avec Proust elle donne des balises, pas grave si on flotte, après, si ça donne envie de lire Proust, c'est un plus!
Supprimerun livre qui est dans ma liste d'attente , et ton billet m'incite à ne pas l'oublier
RépondreSupprimerJ'attends les billets!!!
Supprimerje suis enchantée par son prix Médicis il faut bien que de temps à autre les prix aillent vers des livres réussis , merci aussi pour le Goncourt
RépondreSupprimerEnchantée aussi, en fait ce bouquin est réussi, de bonne tenue et abordable. Sans doute ne suis-je pas objective. Je l'aurais lu avant si le bouquin n'avait pas été 'pris en otage'.
SupprimerLe Goncourt là faut de la patience...
Ses ventes vont décoller ... Je note alors que j'étais plus ou moins sceptique jusqu'alors, je l'avais entendue mais sans être emballée pour autant (mais tu as raison : d'abord relire Proust...)
RépondreSupprimerDécoller? Je l'espère, c'est un beau prix. Finalement abordable comme bouquin, après, relire Proust prendrait du temps, ou alors tu démarres les deux!
SupprimerOuh tu as été inspirée par ce livre (ou par Proust^^), on te voit rarement aussi prolixe. Je n'ai lu que Relire de Laure Murat, mais je crois que j'ai un autre de ses livres dans ma PAL (mais où ? Et lequel ?). Bien contente d'avoir lu le tome 1 de la Recherche, au moins je sais de quoi il retourne. Pas encore dans le trip de poursuivre, je ne sais pas si ça viendra un jour. Et dis donc cette arrière grand-mère, elle en jette !
RépondreSupprimerLes deux, mon général!
SupprimerTout comme Jaenada pousse aux parenthèses, Proust pousse à la longueur. ^_^ Tu vois, ce tome 1 fait bien dans ton CV (!) et après tout, lis donc Le temps retrouvé, le plus beau à mon avis de relectrice, pas trop long 'ailleurs, soyons fous, on lance une LC?
(tu sais, on a tous des arrière grand mères, 4 en fait, évidemment peut-être pas aussi classe, mais tant pis)
Ravie que tu aies réussi à l'avoir assez rapidement. Pour le reste j'étais sûre que tu serais très intéressée :-)
RépondreSupprimerEt ravie aussi de ces moments (trop courts) passés ensemble à Blois :-)
Emprunté un mois et demi !!! Je l'ai lu plus vite, heureusement. Ma bibli proche ne l'a pas acheté, pas trop le public (je suis un cas, quoi)
SupprimerJ'espère que ton mari a bien profité (et peut-être gardé envie de revenir?)
Oui nous avons tous les deux adoré le festival et bien prévu de venir tous les ans :-) (en plus d'Etonnants voyageurs bien sûr ;-) )
SupprimerJe ne suis jamais allée à Etonnants voyageurs, un peu plus compliqué que les RVH. Oui, ce RVH c'est tellement copieux! Je me suis aussi bien lâchée au salon du livre. On se reverra, alors?
SupprimerJ'ai une amie qui l'a lu, j'aimerais bien qu'elle me le prête. Je suis curieuse mais pas au point de l'acheter... Toujours fascinant ces gens qui réussissent à regarder leur famille et leur milieu d'un oeil neuf grâce à la littérature !
RépondreSupprimernathalie
Sur ce plan là c'est parfaitement réussi! D'accord, la noblesse (Empire ou autre) ET Proust, c'est du lourd! Un bouquin qui devrait te plaire, tente les remarques auprès ton amie, genre 'tu as aimé? qu'en as-tu pensé? '
Supprimertu donnes bien envie de se lancer en effet!
RépondreSupprimerOh que oui, tu risques fort d'aimer.
SupprimerJe l'ai réservé à ma BM, mais la liste des réservations est interminable avant moi, pffff....
RépondreSupprimerIl se lit vite ... mais ça dépend des gens. Avant moi, une personne, un mois et demi, et depuis... le bouquin n'est pas sorti (j'espère que ça changera!)
SupprimerDonc, patience, ça vaut le coup.
C'est certain que je le lirai, ce livre, même si je n'ai lu que des extraits de Proust (je sais, je sais, c'est une horrible lacune).
RépondreSupprimerPas de souci, tu lis ce que tu veux, Laure Murat aborde le sujet d'une façon intéressante.
SupprimerTitre noté depuis son passage à La Grande Librairie. Les extraits que tu as choisis sont fort centrés sur les liens de parenté avec elle, est-ce ainsi tout du long ?
RépondreSupprimerMmmmh, de mémoire, elle parle longuement de cette histoire de souliers rouges et de la maison de rencontres, mais quand même en lien avec des personnes existantes (ou leur milieu), cependant, oui, c'est son histoire familiale et personnelle quand même. Mais Proust et son œuvre sont vraiment là. Tente toi-même.
SupprimerJe l'ai écouté avec intérêt sur ARTE récemment. J'ai pensé la même chose, que maintenant il fallait que je relise Proust, ma lecture de "A la recherche..." est bien trop lointaine et en plus quand je l'ai lu j'étais jeune (et pas littéraire) mais si je le croise avant je la lirai peut-être en premier, pourquoi pas après tout. Pour l'instant son roman est réservé dans mes deux médiathèques par une liste impressionnante donc j'attendrai...Merci pour ta chronique enthousiaste
RépondreSupprimerTout dépend des lecteurs avant, rapides ou pas.
SupprimerDans mon blog j'ai tout Proust en billets, mais j suis calée depuis, pourtant il faudrait que je termine la relecture en cours. Trop d'envies par ailleurs, quoi.
Lire Proust en 'non littéraire', c'est pas mal aussi, ça affole moins, on se moque de tout comprendre ou saisir, ce n'est plus une lecture obligatoire.
Je te souhaite pleine patience et bonne lecture le moment venu.
Bien sûr, je l'avais remarqué en attendant de me lancer dans La Recherche dont je n'ai toujours lu qu'un livre A l'ombre des jeunes filles en fleurs et de larges s extraits des autres mais cela ne suffit pas je sais ! Ce qui me manque , c'est quelqu'un qui veuille bien m'accompagner : une compagne de lecture en quelque sorte ! Bref ! Une LC de longue haleine !
RépondreSupprimerOh cela existe sûrement avec les blogs. Pour ma part je suis (depuis des années) en relecture, là j'en suis au milieu, en gros. Lance un appel, je vous rejoindrai après.
SupprimerD'un autre côté rien ne t'empêche vraiment de lire le livre de L Murat, tu sais.
" Je relis cette phrase : "Ma 'chance' avec Proust a été de n'avoir aucun a priori, de ne pas y accéder au cours d'études de lettres, juste pour la curiosité et le plaisir.". Pour moi, les cours de lettres, au contraire, m'ont donné envie de découvrir et de lire plus loin encore par curiosité et par plaisir. j'ai remarqué que tu n'étais pas la seule à avoir éprouvé cela. La différence, peut-être entre matheux et littéraires ?
SupprimerPar contre, on n'étudiait pas Proust en classe ! Si j'ai essayé de le lire c'est par moi-même mais je n'avais pas accroché !
Moi aussi j'aime "du côté de Françoise" !
Je mets un lien vers ton billet dans mon blog.
Merci de ton passage.
SupprimerJ'aurais sans doute aimé aussi faire des études de lettres, ça m'aurait permis de ne pas passer à côté de trucs plus subtils, mais tant pis. Parfois ça me manque...
C'est mon frère, scientifique aussi, qui m'a fait tomber dans la marmite, comme quoi...
Comme je n'ai jamais lu Proust, ni pour le plaisir, ni sous la contrainte, je vais passer !
RépondreSupprimerJe l'emmènerais sur une ile déserte! Avec d'autres livres...
SupprimerMais pas de souci, passe! ^_^
Voilà, je l'ai lu, j'ai adoré, et j'étais sûre que tu avais déjà rédigé un billet dessus (en quoi je n'avais pas tort). J'adore : "le côté de Françoise", tu devrais y songer si tu te lançais toi aussi dans la rédaction d'un essai sur Proust ^^
RépondreSupprimerC'est Luocine je suppose? Alias la dame aux 10 coquillages? Ah ça on ne risque pas d'oublier ton enthousiasme!
SupprimerOu alors ce serait ellettres, je viens de découvrir ton billet ce matin!!! ???
j'avais zappé ton billet comme tous les commentaires sur Marcel Proust parce que je voulais me coltiner au texte en premier. Lacune réparée. Je ne connais pas le côté de Françoise, Françoise si!
RépondreSupprimer@ miriam : je voulais dire que mes ancêtres sont plutôt issus du fin fond de la campagne, comme Françoise que j'imagine bien.
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