Roman fleuve

Roman fleuve
Antoine Piazza
la brune au rouergue, 2013


Edit de 7h 30, après le commentaire d'Aifelle : je transforme un peu mon billet (si c'est pas de la mise en abyme, ça)

Un projet fou de la part de l'auteur?
 Oui, j'ai relu ce roman (mon ancien billet ici  Roman fleuve , Rouergue, 1999) mais ce n'est plus le même roman. L'auteur ne présente plus la même oeuvre : je ne suis pas allée jusqu'à relire les deux livres, mais j'ai comparé avec la version 1999, Piazza a repris des passages, bousculé d'autres, éliminé des paragraphes, enlevé ou ajouté des péripéties, ajouté un personnage... et changé la fin! Moi qui me plaignais de la fin brutale, on m'a écoutée.
Bien évidemment j'ai aussi un peu repris mon ancien billet.
Un avis toujours valable?
Voilà ce que j'écrivais :
Etrange premier roman pour un auteur qui s'intéressera ensuite à un instituteur en montagne (Les ronces) et à un groupe d'expatriés au cœur du Niger (la route de Tassiga). L'écriture, ce qui frappe d'abord : fluide, d'un classicisme réconfortant, au service d'une histoire bien curieuse. 
  
En France, en ce début du 21ème siècle, le Président a décidé de prendre de la distance face à l'Europe et le pays se replie sur lui même. Pour échapper aux ennemis extérieurs qui refusent cette quasi -autarcie, décision a été prise de fuir le combat en faisant entrer le pays dans le monde de la fiction. A cet effet, a été dressée l'édition complète de la production littéraire ... 
  
Viennet, jeune homme érudit quelque peu électron libre, est chargé d'une mission importante, à savoir négocier le retour des cendres d'un personnage de Balzac (oui, oui). Accompagné de Klincksieck, spécialiste de la lettre K pour la rédaction d'une encyclopédie, il atterrit finalement au bord d'un fleuve, dans une  colonie, sorte de camp où des gardiens veillent sur de pauvres hères ayant perdu leur identité après un passage-test raté dans le monde de la fiction. Viennet  sera chargé, grâce à ses connaissances littéraires, de retrouver leur identité afin qu'ils soient délivrés et puissent passer complètement dans le monde de la fiction. Gervaise Coupeau, le Chevalier des Grieux, Valère de l'Avare, des dizaines seront "révélés". Pour découvrir de quel coin de quel roman est issue la dernière femme, Viennet devra laisser ses préventions et cela donnera un passage absolument magnifique... baigné par la lumière de l'oeuvre originelle, évidemment! 
  
Antoine Piazza excelle à brosser des ambiances d'enfermement lourdes, oppressantes, cette colonie n'est qu'une prison sordide, Klincksieck et sa lettre K (sans doute pas un hasard, le choix de cette lettre?) évolue bizarrement. Une première expérience de passage dans ce monde de la fiction a déjà eu lieu, semble-t-il (mais, dommage, on n'en sait pas plus) ,  car l'idée est sortie des décennies  auparavant du cerveau d'un écrivain. Je pourrais parler de la Délégation aux sous sols effrayants installée dans un gigantesque aquarium à l'envers, de la fuite de Viennet dans des contrées désertes de toute vie. Et de l'impression d'humidité et de froid qui imprègne ce roman...
Un roman foisonnant qui se dévore.
J'en profite pour ajouter un passage de la version 2.0

" Aucune des quatre nations alliées qui occupaient l'Allemagne à la fin de la guerre n'avait intérêt à révéler que le chancelier du IIIè Reich, son épouse d'un jour et une quinzaine de ses plus fidèles serviteurs avaient échappé à la justice et que tous se promenaient désormais dans une forêt de Thuringe déguisés en hallebardiers ou en lutins."

En annexe (Document 6), Piazza va jusqu'à écrire une critique de son premier roman: "Si le roman ne tient pas toutes ses promesses, si l'ensemble souffre de quelques longueurs et répétitions, il n'en demeure pas moins que l'intrigue est savamment menée et que le lecteur éprouve une certaine jubilation à suivre le héros dans des aventures que ponctuent..."

Jubilation, voilà le mot pour qualifier mes impressions à la lecture de cette histoire hallucinée. 

la cause littéraire en parle mieux

Commentaires

  1. La dernière partie de ton billet me trouble, je suis peut-être mal réveillée. Elle est de toi ou tu as recopié un entretien quelque part ? Il y a deux versions de cette histoire ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bon, je n'ai pas été claire, je devrais peut être reprendre ce billet. En fait j'ai lu ce roman il y a quelques années, fait un billet, mais depuis l'auteur a repris son livre, et j'ai lu la nouvelle version, et présenté maintenant un billet qui reprend en partie mon billet rectifié. Euh, c'est clair? ^_^
      Retiens juste que j'aime tellement ce roman que j'ai été prête à le relire!

      Supprimer
    2. C'est ce que j'avais cru comprendre sans en être totalement sûre. Mais j'ai saisi le message final ;-)

      Supprimer
  2. Tu aimes bien les éditions du Rouergue ? J'ai l'impression (fausse peut-être) que tu lis pas mal d'ouvrages de chez eux. Maison d'édition que j'aime beaucoup, on y trouve Fabienne Juhel ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Actuellement ma bibli présente une dizaine de romans parus chez le Rouergue, pour que les lecteurs choisissent un préféré, dont on recevra l'auteur. Voilà l'idée. Fabienne Juhel est dans le lot. Pour l'instant j'ai lu trois sur dix, de la sélection. Mais à deux exemplaires chaque roman, parfois ça ne tourne pas vite entre les lecteurs, surtout qu'on ne peut en emprunter qu'un à la fois.
      J'aime aussi beaucoup cette maison d'édition.

      Supprimer
  3. D'accord, d'accord, comment veux-tu résister à un tel sujet servi par un tel billet... bon bon je me mets en quête :-)

    RépondreSupprimer
  4. Je me souvenais l'avoir noté à sa sortie, il semblerait que j'ai bien fait d'attendre si la deuxième version est meilleure !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'avais adoré la première version, j'ai dévoré la seconde (je suis donc mal placée pour juger). Mais cette aventure de reprendre son propre bouquin des années après est intéressante!

      Supprimer
  5. Je ne sais pas comment tu fais pour trouver des romans aussi originaux ! Ca m'a l'air bien étrange, mais c'est une sorte d'éloge de la littérature ???

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Exactement, éloge de la littérature, je pense qu'il vaut mieux connaître ses bases en classiques. Mais tout le monde a entendu parler de Molière ou Proust, espérons le.
      Ce roman figure à la bibli, tout simplement, et j'aime beaucoup cet auteur, dont je lis systématiquement les livres.

      Supprimer
  6. Nan je ne ferais pas de commentaire !
    Viva Piazza, Viva el Rouergue !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Viva El Merydien, qui a promis de lire ce titre (un jour). ^_^

      Supprimer
  7. C'est super tentant ! Et quelle idée marrante de reprendre son roman des années plus tard... très intrigant !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois avoir compris qu'il voulait le reprendre un petit peu, et que le roman lui-même a imposé une refonte plus sérieuse (les auteurs doivent savoir que leur oeuvre peut se révéler autoritaire, non?)

      Supprimer
  8. Original ça, de la part de l'auteur ! Je trouve ça assez intrigant pour que ça me tente, tiens ! Mais je me sens obligée de lire les 2 versions du coup. Oh my, ça sera pas pour 2014 ça encore....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Lis la version que tu veux, je ne te demande pas de lire les deux! ^_^ Je l'ai mis en catégorie barré, je dis ça je dis rien...

      Supprimer
  9. Étonnant ce livre réécrit. On retrouve l'idée de texte dynamique, qui n'est jamais figé, sujet à de multiples révisons au cours du temps. Et des lecteurs, pourquoi pas, pourquoi ceux-ci avec leurs réactions, leurs vœux ne pourraient-ils influer directement sur le destin d'un récit ? Une écriture mouvante à cent, mille mains...
    Le nouveau roman de l'ère numérique ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Étonnant en effet, car la première mouture de 1999 était très bien (bon, j'avais trouvé la fin un peu faible). Il semble que l'auteur ait voulu un peu reprendre le tout, mais que le livre a pris le dessus (!) et a imposé moult changements... Drôle d'aventure.

      Supprimer
  10. L'auteur t'a écouté ? Trop la classe !

    RépondreSupprimer
  11. Je ne suis pas sûre d'avoir tout saisi mais je suis par contre drôlement intriguée !!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Essaie de dénicher une des moutures, de toute façon c'est très bon.

      Supprimer
  12. Et pourquoi donc faire une deuxième version ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il semble que la première version, parue en 1999, ne le satisfaisait pas totalement?
      Détails de l'aventure ici
      http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/03/28/replonger-dans-roman-fleuve_3149232_3260.html

      Supprimer
  13. Ce serait amusant que d'autres auteurs use de ce "concept" !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Dans ce cas précis, le roman de 1999 était fort bon, à mon avis, mais l'auteur fait ce qu'il veut.
      Ceci étant, si ça arrivait trop souvent, on s'y perdrait. ^_^ Mais des romans ratés pourraient en bénéficier, non? (non, pas de noms)

      Supprimer
  14. Un démarche très intrigante!

    RépondreSupprimer
  15. C'est assez amusant d'avoir un roman remanié ! Je n'ai lu ni la 1ère ni la seconde version, mais le principe m'amuse beaucoup !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Essaie de trouver la dernière version, ce sera plus facile!

      Supprimer
  16. si c'est jubilatoire, je prends :-D

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Les commentaires sont modérés, histoire de vous éviter des cases à cocher pour prouver que vous n'êtes pas un robot.