14 juillet
Eric Vuillard
Actes sud, 2016
En refermant ce livre, je ne peux que faiblement réaliser le travail de recherche qu'a certainement réalisé l'auteur (et j'aurais bien aimé savoir à la fin dans quelles archives il a risqué ses poumons et ses yeux). Le 14 juillet, prise de la Bastille, tout ça, on croît connaître, et on connaît un peu , rassurez-vous. Juste assez pour suivre l'auteur sans efforts, pas assez pour ne pas être ébloui par la masse d'informations nouvelles (à moins d'être un spécialiste ou un fan de l'époque). C'est le 14 juillet au plus près, pressé par la foule des émeutiers. Une foule qui ne reste pas 100% anonyme, Eric Vuillard égrenant leurs noms et professions, si connues. Une plongée dans le petit peuple, celui qui a faim, a du mal à joindre les deux bouts, loin des fêtes et gaspillages d'une minorité. "Beaucoup de parisiens ont à peine de quoi acheter du pain. Un journalier gagne dix sous par jour, un pain de quatre livres en vaut quinze. Mais le pays, lui, n'est pas pauvre. Il s'est même enrichi. Le profit colonial, industriel, minier, a permis à toute une bourgeoisie de prospérer. Et puis les riches paient peu d'impôts; l'Etat est presque ruiné, mais les rentiers ne sont pas à plaindre. Ce sont les salariés qui triment pour rien, les artisans, les petits commerçants, les manœuvres. Enfin il y a les chômeurs, tout un peuple inutile, affamé. C'est que, par un traité de commerce, la France est ouverte aux marchandises anglaises, et les riches clients s'adressent à présent à des fournisseurs étrangers qui vendent à meilleur prix. Des ateliers ferment, on réduit les effectifs."
Heu ah oui, on est en 1789, je dois me frotter les yeux.
Donc nos gens du peuple sont là, Legrand, concierge, Legros, capitaine, Legriou, monteur en pendule, Lesselin, manouvrier, Masson, cloutier, Mercier, teinturier, Minier, tailleur, Saunier, ouvrier en soie, je donne juste une tranche, tous pour la plupart jeunes, très jeunes.Des métiers disparus, souvent.
Sous la plume d'Eric Vuillard, l'Histoire est drue, vivante, échevelée parfois. Je n'en dirai pas plus, jetez-vous sur ce court (200 pages) récit absolument éblouissant.
"Mais il n'y a pas que Louis et Aubin à jouer les équilibristes, il y a huit ou dix autres hussards sur ce toit. Il faut être attentif à ces vagues présences, contours, profils, à ces locutions dont tout récit se sert pour mener son lecteur. Gardons-les encore contre nous un instant, ces huit à dix autres, par la grâce d'un prénom personnel, comme de tout petits camarades, puisqu'eux aussi ils courent sur le toit, ils font peut-être les marioles, ils dansent sur l'horizon. Tournay est dans la cour, et là, ils disparaissent, on les abandonne définitivement, on ne les reverra plus jamais. Ce sont les petits bonhommes de Brueghel, ces patineurs que l'on voit de loin depuis l'enfance, ombres familières aperçues au fond d'un tableau, sur la glace.Ils nous font pourtant un curieux effet de miroir depuis leur brime. On se sent plus proches d'eux que de ceux qui campent au premier plan. Ce sont leurs silhouettes que l'on scrute, que nos yeux supposent, que le brouillard mouille.Et si nous rêvons, il n'y a plus qu'eux."
En parlent Delphine, Sandrine, clara (juste aujourd'hui, je le découvre!)
Eric Vuillard
Actes sud, 2016
En refermant ce livre, je ne peux que faiblement réaliser le travail de recherche qu'a certainement réalisé l'auteur (et j'aurais bien aimé savoir à la fin dans quelles archives il a risqué ses poumons et ses yeux). Le 14 juillet, prise de la Bastille, tout ça, on croît connaître, et on connaît un peu , rassurez-vous. Juste assez pour suivre l'auteur sans efforts, pas assez pour ne pas être ébloui par la masse d'informations nouvelles (à moins d'être un spécialiste ou un fan de l'époque). C'est le 14 juillet au plus près, pressé par la foule des émeutiers. Une foule qui ne reste pas 100% anonyme, Eric Vuillard égrenant leurs noms et professions, si connues. Une plongée dans le petit peuple, celui qui a faim, a du mal à joindre les deux bouts, loin des fêtes et gaspillages d'une minorité. "Beaucoup de parisiens ont à peine de quoi acheter du pain. Un journalier gagne dix sous par jour, un pain de quatre livres en vaut quinze. Mais le pays, lui, n'est pas pauvre. Il s'est même enrichi. Le profit colonial, industriel, minier, a permis à toute une bourgeoisie de prospérer. Et puis les riches paient peu d'impôts; l'Etat est presque ruiné, mais les rentiers ne sont pas à plaindre. Ce sont les salariés qui triment pour rien, les artisans, les petits commerçants, les manœuvres. Enfin il y a les chômeurs, tout un peuple inutile, affamé. C'est que, par un traité de commerce, la France est ouverte aux marchandises anglaises, et les riches clients s'adressent à présent à des fournisseurs étrangers qui vendent à meilleur prix. Des ateliers ferment, on réduit les effectifs."
Heu ah oui, on est en 1789, je dois me frotter les yeux.
Donc nos gens du peuple sont là, Legrand, concierge, Legros, capitaine, Legriou, monteur en pendule, Lesselin, manouvrier, Masson, cloutier, Mercier, teinturier, Minier, tailleur, Saunier, ouvrier en soie, je donne juste une tranche, tous pour la plupart jeunes, très jeunes.Des métiers disparus, souvent.
Sous la plume d'Eric Vuillard, l'Histoire est drue, vivante, échevelée parfois. Je n'en dirai pas plus, jetez-vous sur ce court (200 pages) récit absolument éblouissant.
"Mais il n'y a pas que Louis et Aubin à jouer les équilibristes, il y a huit ou dix autres hussards sur ce toit. Il faut être attentif à ces vagues présences, contours, profils, à ces locutions dont tout récit se sert pour mener son lecteur. Gardons-les encore contre nous un instant, ces huit à dix autres, par la grâce d'un prénom personnel, comme de tout petits camarades, puisqu'eux aussi ils courent sur le toit, ils font peut-être les marioles, ils dansent sur l'horizon. Tournay est dans la cour, et là, ils disparaissent, on les abandonne définitivement, on ne les reverra plus jamais. Ce sont les petits bonhommes de Brueghel, ces patineurs que l'on voit de loin depuis l'enfance, ombres familières aperçues au fond d'un tableau, sur la glace.Ils nous font pourtant un curieux effet de miroir depuis leur brime. On se sent plus proches d'eux que de ceux qui campent au premier plan. Ce sont leurs silhouettes que l'on scrute, que nos yeux supposent, que le brouillard mouille.Et si nous rêvons, il n'y a plus qu'eux."
En parlent Delphine, Sandrine, clara (juste aujourd'hui, je le découvre!)
On dirait qu'il a bu un verre avec eux, c'est impressionnant. J'ai hâte de le rencontrer, et compte sur moi pour le questionner sur ses sources et l'état de ses poumons :-)
RépondreSupprimerImpressionnant! On est complètement immergé dans la foule.
SupprimerOui, mets le à la question . ^_^
D'ici là j'espère le rencontrer à Chambord.
Oui, comme tu dis, on se frotte les yeux, tant cela nous semble à certains moments nous parler de ce que nous connaissons aujourd'hui...
RépondreSupprimerOn se croirait vraiment de notre temps, parfois...
SupprimerNous sommes complètement d'accord ( et sans s'être consultées)!
RépondreSupprimerGénial, non? J'espère qu'on va plus parler de ce bouquin, non mais.
Supprimerje l'espère aussi !
SupprimerD'ailleurs l'auteur vient dans le 41, à Blois et Chambord, avec châteaux royaux !
SupprimerJusqu'à présent la couverture m'a rebutée, mais ton billet (et celui de Clara que j'ai lu aussi) pourrait me faire changer d'avis.
RépondreSupprimerLa couverture est un détail de La liberté guidant le peuple, de Delacroix. Pas la révolution de 1798, finalement.
Supprimerles arrivées par vague hier c'était Monet aujourd'hui la Bastille :-)
RépondreSupprimerje vois que tous les lecteurs sont unanimes, il m'attend patiemment sur une étagère je vais lui ajouter le livre sur Monet et toc
Sans se concerter! Ce sont les arrivages à la médiathèque, je suis ravie!
SupprimerBonne lecture alors.
Je l'ai acheté cette semaine, après la publication du billet d'Ys ... je survole donc ton billet et celui de Clara. Des deux, je n'en retiens que l'enthousiasme ... Lecture prévue ce week-end dès que j'ai fini mes devoirs !
RépondreSupprimerBonne élève, c'est bien. Plonge toi alors dans l'Histoire. Oui, on est toutes enthousiastes, alors que nos goûts divergent parfois.
SupprimerOui, oui, il est prévu que je le lise !
RépondreSupprimerJ'espère bien que ce roman aura du succès.
SupprimerIl m'est passé sous le nez l'autre jour à la bibliothèque, mais je m'obstinerai ! Je veux le lire !
RépondreSupprimerArgh, je connais ça! Mais il suffit d'attendre, si déjà il est à la bibli, c'est bon.
SupprimerAu début, je croyais être à l'abri mais ohlala, ton billet m'a bien donné envie là ! J'aime bien les événements de l'Histoire abordés sous un angle moins commun et dont le récit est instructif. Bon sinon le contexte social, pauvres/riches, exploités/exploiteurs, ceux qui en profitent et les autres, ahlala, mais rien n'a changé !
RépondreSupprimerJ'ajouterai : on est toutes d'accord, nous les blogueuses lectrices! Et puis, 200 pages, pas bien grandes en plus...
SupprimerJe pense qu'il pourrait me plaire. Je vais de ce pas lire le billet de Clara.
RépondreSupprimerOn ne s'attarde pas sur les mêmes détails, c'est bien, mais on est enthousiastes!
SupprimerEt encore un, oui, que j'ai vu et que j'ai laissé passer .. et il était bien!
RépondreSupprimerMais il n'est pas perdu!
SupprimerTu m'as convaincue !
RépondreSupprimerJ'avoue qu'on est plusieurs à aimer et à le dire!
SupprimerÉblouissant ? Bon, je crois que je vais finir par craquer un jour...!
RépondreSupprimerLe 14 juillet comme cela, cela change tout! (enfin, presque)
SupprimerJe n'étais pas tentée au départ, mais quand je vois vos billets ... on peut recommencer le 14 Juillet aujourd'hui, non ?
RépondreSupprimerHum, place de la Bastille?
SupprimerNe rate pas ce roman, il sera dans ta bibli, non?
Pas convaincue non plus mais si, avec Clara, vous vous y mettez toutes les 2... allez : vous m'avez tentée finalement !
RépondreSupprimerAu départ, je craignais un peu, mais non, on est emballé!
SupprimerIl faudrait déjà que je lise d'autres Eric Vuillard qui traînent dans ma PAL, dont "Congo" qui raconte l'histoire de ce pays devenu propriété personnelle de Léopold II qui l'a ensuite cédé à l'Etat belge. Ca doit être édifiant aussi... Mais pourquoi je le laisse traîner dans ma PAL comme ça !!
RépondreSupprimerCongo doit être très intéressant , ça me dirait bien aussi, tiens. Mais ce 14 juillet mérite d'être lu hors des frontières!
SupprimerJ'avais envie de découvrir l'auteur mais pas spécialement avec ce livre et là, si vous vous y mettez toutes, il va falloir que je change mon fusil d'épaule ! Ha ça ira ça ira ça ira...d'ici quelques temps ! ^-^ (comme tu dis, en te frottant les yeux, on a l'impression d'y être)...
RépondreSupprimerCe n'est pas son premier roman (le précédent était court aussi alors c'est sans risque de trop traîner dessus).
SupprimerOui, on ne peut s'empêcher de penser à notre époque (sauf que la Bastille n'existe plus, juste une place)
toi aussi tu t'y mets! Bon, ok, ok ...
RépondreSupprimerCela mérite d'y consacrer ton attention!
SupprimerUne période que j'aime beaucoup, je ne peux que noter !
RépondreSupprimerAlors c'est pile poil pour toi, on croit connaître et pourtant... Là tu seras au milieu de la foule!
SupprimerJ'aime beaucoup les romans qui sont construits sur une base historique. Celui-ci me tente beaucoup !
RépondreSupprimerA la limite c'est un document (ou des documents) mis en valeur et rendus vivants (romancés, oui, si on veut, il y a de cela, et c'est virtuose)
SupprimerJe vais peut-être attendre la sortie en poche (j'ai déjà trop de choses qui m'attendent) mais je le lirai, c'est certain.
RépondreSupprimerOh oui il sera en poche, des blogueuses sauront te le rappeler le moment venu.^_^
SupprimerIl est dans la PAL, reste plus qu'à trouver du temps pour lire et pour ecrire.
RépondreSupprimerVoilà, le temps... Je dois dire que j'ai envie de lire Congo, maintenant!
Supprimeril est un peu plus court, c'est du Vuillard donc on ne discute pas, mais tu n'apprendras pas grand chose car tu as lu le Marc Wiltz
SupprimerVuillard fait dans le court (ce n'est pas un reproche, d'ailleurs). De Wiltz je n'ai lu que Le tour du monde en 80 livres (je viens de le feuilleter, ah j'y vois Amkoullel l'enfant peul, que je viens de relire, je dois écrire un billet d'ailleurs), je n'ai pas lu celui sur le Congo.
SupprimerJ'avais noté ce roman, sorti il y a peu, mais déjà très remarqué. On sent une grande qualité d'écriture.
RépondreSupprimerExactement, et une façon exceptionnelle d'aborder l'Histoire.
SupprimerDéjà noté grâce aux blogs , je vais certainement le lire ce que vous en dites est très tentant.
RépondreSupprimerJ'espère que tu le trouveras!
Supprimerj'ai prévu de le lire !
RépondreSupprimerOn parle pas mal de ce livre pour un prix, et j'espère!
SupprimerQuel beau billet. Je note avec intérêt.
RépondreSupprimerTu peux! J'ai entendu l'auteur hier et c'était passionnant!
SupprimerJe viens d'audiolire ce roman, vivement apprécié pour cette version inédite qu'il propose de la prise de la bastille... Celle du peuple.
RépondreSupprimerTu vois, c'est bien. Les audiolivres permettent de remettre en avant de bons textes.
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