L'autofictif en vie sous les décombres

(merci à la F d'accepter de prêter une image,
contrairement à l'autre, A)
L'autofictif en vie sous les décombres
Journal 2012-2013
Eric Chevillard
L'arbre vengeur, 2014


Quand je me suis régalée de  L'auteur et moi  et  L'autofictif croque un piment (et j'ai aussi dû en lire un de la série, sans billet), j'ignorais tout de l'auteur, en particulier qu'il écrivait dans Le monde des livres. Le savoir maintenant m'a permis de comprendre certains textes...

Le principe, écrire tous les jours sur une année, un court texte en trois parties indépendantes, souvent mais pas toujours. L'on pourrait établir une sorte de classement des idées et thèmes, les quelques passages reproduits ci-dessous peuvent en donner une faible idée, mais fantaisie et un certain second degré sont omniprésents et difficiles à réaliser hors lecture.

Interviennent Agathe et Suzie, les deux fillettes, liées d'une jolie complicité avec un papa un brin plaisantin.
Agathe (avec un grand rire, comme je lui montre une image du globe terrestre dans le cosmos, parmi les étoiles) - Sauf que normalement, la Terre, elle est pas dans le ciel!

Agathe (tandis que j'écoute bob Dylan) -Il n'arrive pas à chanter en français?

Agathe  -Bon, papa, maintenant t'arrêtes de me parler parce que je voudrais bouder tranquille!

L'autodérision n'est jamais bien loin.
Tu as peu de lecteurs, réjouis-toi, ils sont moins nombreux encore à ne pas aimer tes livres.

Il partage ses préférences (Jourde, Michon), ses détestations. D'ailleurs je me demande bien pourquoi Pierre Bergé persifle dans son dos, mais comme il dit 'moi, quand je me fais tailler un costard, attention, c'est du Yves Saint-Laurent'

La lecture
"Comme nous en relirons fort peu, chaque livre que nous refermons est une époque de notre vie qui s'achève, si courte fût-elle, que nous laissons derrière nous et que nous ne visiterons plus que par le souvenir - un monde encore duquel nous sommes pour toujours bannis bientôt nous n'en comprendrons plus la langue -, auquel ne nous rattache plus que le regret et la nostalgie. Les épisodes de notre existence ne sont jamais si nettement tranchés, leur fin n'est jamais si abrupte; chaque volume lu contient comme une urne funéraire les heures qui ne reviendront plus. Le grand lecteur ne cesse de dire adieu à la vie."

"Le lecteur reste attaché à l'oeuvre de Proust comme le narrateur lui-même à son passé. Il se la remémore à la faveur de sensations, de circonstances fortuites. Ainsi s'affirme la postérité d'une oeuvre selon son principe même. Peut-être existe-t-elle encore plus conformément à sa loi dans ce second temps. Le livre qui se déplie dans notre mémoire inclura désormais aussi le souvenir de notre lecture et de celui que nous étions alors, dedans et au-dehors."

"Il n'est malheureusement plus possible de savoir ce que lisent les gens munis de liseuses numériques dans les espaces publics, me fait remarquer un ami. En effet, et j'ajoute que là encore uen fenêtre se ferme et que le volet nosu claque au nez. Car une couverture entraperçue renvoyait quelquefosi le passant à son expérience du livre -surgissement soudain d’une réminiscence proustienne - émouvant partage à contretemps et lui offrait accessoirement un bon prétexte pour aborder la fille : étreitnes et embrassements s'ensuivainet. Puis la joyeuse marmaille, les grandes tablées.. Le lecteur qui tient sa tablette devant lui a désormais un dos derrière, un dos devant."

"Conditionnement des esprits. On achète le roman à succès du moment sans se soucier de ce qu'il est. Ce réflexe grégaire désormais bien connu se trouve remarquablement illustré par cette requête d'une cliente à un de mes amis libraires:
- Je voudrais...j'ai oublié le titre...vous savez...le livre qu'il faut que je lise?"

Le téléphone "Il passe ses journées pendu au téléphone, où trouverait-il le temps d'appeler sa mère? Sincèrement?"

Et encore, non classé
C'est un roman plein de rebondissements, certes, mais qui rebondit sur place comme la balle du tennisman dont on se demande s'il va un jour se décider à servir.

N'est-il pas un peu abusif de considérer qu'en retournant une chaise sur une autre, on a rangé les deux?

Quand l'imbécile montre l'étoile, le sage lui apprend qu’elle est morte depuis longtemps. Quel ennuyeux bonhomme décidément!

Voler une vieille dame n'est pas aussi simple qu'on le croit; encore faut-il pouvoir l'arracher à son sac.

Et voir comment 'monsieur Chevilarde' se débarrasse des opératrices de télémarketing...

L'arbre vengeur est l'éditeur du mois chez Tête de lecture (il existe un blog fait exprès!)

L'autofictif se poursuit aussi ici

Commentaires

  1. L'Arbre vengeur va faire un tabac, je le sens !

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    1. A partir du moment où Chevillard s'y trouve, forcément (trop facile!^_^)

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  2. J'ai repéré ces chroniques grâce à l'idée de Sandrine de faire lire cet éditeur... ça me rappelle le journal de Jules Renard... première tentation de l'année !

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    1. Oups, j'ai le Journal de Jules Renard sur mes étagères, mais... ^_^

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  3. J'ai découvert grâce à "un mois un éditeur", avec "l'autofictif croque un piment", et j'adore !!! Billet à venir...

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    1. Oh j'espère que tu continueras avec cet auteur (mais tranquillement)

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  4. Je ne connais pour l'instant que son blog, que j'adore mais j'ai noté de le lire en version bouquin (il me semble qu'il en sort un cette année, mais je ne sais plus si c'est un "autofictif")

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    1. A voir le blog, oui, encore un autofictif... Je crois que ses chroniques disparaissent au fur et à mesure des parutions (ce qui paraît normal!). L'avantage du livre (si on ne le lit pas d'un seul coup avec risque de lassitude) c'est de suivre plus longuement un même fil directeur (s'il existe)

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  5. Je ne connaissais pas, mais cela me semble intéressant… Pas sûr de le lire malgré tout. Très belle année à toi et aux tiens.

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    1. Existe dans les biblis en général. A lire tranquillement, pour ses réflexions, son humour décalé, et parfois du sérieux et de l'émotion.

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  6. je commence l'année avec une allergie pour ce type de texte et d'auteur
    je me flagelle croyez le bien mais ......

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    1. Oh j'accepte que ça ne plaise pas, puisque je ne peux tout citer, et que parfois ça fait moins mouche.

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  7. Chevillard peut-être parfois agaçant avec un côté poseur de morale littéraire un poil intello, mais moi, il me fait rire ! Ce qui fait que je savoure tes extraits, sans forcement avoir envie de craquer pour le livre, c'est une plume qui se consomme avec modération, je pense, à petite dose.

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    1. A petites doses, oui; il en existe encore à la bibli, ça fera l'affaire, plus tard.

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  8. J'ai déjà lu cet auteur que j'avais trouvé brillant sans son écriture humoristique... Il faudra que j'essaie ses romans...

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    1. Je n'ai lu qu'un de ses romans, avec du chou fleur!

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  9. Je sais que c'est un auteur que tu aimes. Je ne l'ai pas encore lu, j'essaierai un jour.

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    1. Va y tout doucement, la bête doit être apprivoisée. Décalé, je préviens!

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  10. J'aime bien les citations sur la lecture :) (surtout la première en fait)

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    1. Chacun trouve de quoi savourer, c'est sûr. Il n'est pas que dans l'ironie, cet auteur, il sait parler aussi de sujets sérieux comme la lecture! ^_^

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  11. Aaah Chevillard a longtemps été un de mes auteurs chouchou, j'adore particulièrement ses romans totalement déjantés/barrés/foufous. Enfin, ça fait longtemps que je ne l'ai pas lu mais il reste un de mes auteurs "sous le coude".:-) Par contre, ses récits autofictifs ne m'ont jamais trop tentée. Je préfère quand même les romans à l'autofiction d'une manière générale.

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    1. Je n'ai lu qu'un de ses romans (celui avec du chou fleur) et peut-être y reviendrai-je...

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  12. Pas lu et je te souhaite une superbe année 2017 et je t'embrasse, très chère matheuse.

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    1. Matheuse par intermittences, mais matheuse toujours (j'ai lu récemment une histoire des maths!)
      Belle année à toi!

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  13. C'est le moment d'y revenir, Keisha, Chevillard publie ce mois un magnifique roman, "Ronce-Rose", dont la narratrice est une petite fille. Poétique et délicieux. Pour vous faire une idée, vous pouvez en lire des pages sur le site de son éditeur Minuit.
    Ana (libraire à Aix)

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    1. (merci de braver les barrières de blogspot!)
      La nouvelle fait plaisir; ce mois ci L'arbre vengeur était mis en avant, sinon j'aurais pu lire un roman (autre éditeur), mais ce n'est que partie remise. Merci de l'information, j'ai d'ailleurs noté dans ma tête d'autres sorties (dont Tanguy Viel, j'ai eu la primeur de quelques pages en 'lecture')

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  14. Genre de livres à lire par petites doses mais j'ai souri aux extraits !

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  15. Chaque jour un texte ? Quel beau challenge.

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    1. Certains jours sont moins fastes, mais l'ensemble demeure roboratif.

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  16. Ah, Chevillard ! Je lis l'Autofictif chaque jour, et j'achète les recueils petit à petit (mais j'ai bien du retard !)... Et il faut que j'aille acheter, aujourd'hui, son nouveau roman qui vient de sortir ! Je me délecte d'avance...

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  17. C'est souvent excellent les réparties dans les livres de Chevillard, c'est aussi inégal et certaines répliques tombent à l'eau, c'est même parfois agaçant, mais toujours plein de surprises, de bons mots et excellemment écrit

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    1. Tu résumes parfaitement : ça ne fonctionne pas à tous les coups, mais parfois c'est feu d'artifice!

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