Si loin de vous



Si loin de vous
Nina Revoyr

Phébus, 2009

Illustration de couverture : Anna May Wong et Sessue Hayakawa















Ce livre ayant séjourné près de deux mois dans ma PAL, j'arrive bien tard pour en parler... L'histoire est désormais connue :

Quatrième de couverture :
" 1964 : Au crépuscule de sa vie, Jun Nakayama, qui fut au début du 20ème siècle une star du muet, est tiré de sa retraite par un jeune scénariste. Premier acteur japonais à se produire à Hollywood, il connut l'excitation des débuts du 7ème art, les fêtes fastueuses sur Sunset Boulevard, la passion de quelques comédiennes et l'hystérie des fans... avant d'être confronté à la montée du racisme et à la fin des films muets. Est-ce pour ces deux raisons que sa carrière fulgurante s'arrêta brutalement en 1922?
Le scénariste aimerait faire tourner Jun de nouveau, mais celui-ci se montre très réticent, redoutant que son retour à la lumière ne remue la boue du passé. Car le nom de Jun est associé au meurtre jamais élucidé d'un grand réalisateur, qui avait choqué l'opinion dans les années 20. L'heure semble venue pour Jun d'affronter les fantômes d'hier..."

Jun est le narrateur, entrelaçant le récit de sa vie actuelle en 1964 et de sa carrière au début du siècle dernier, ses souvenirs revenant petit à petit à sa mémoire. On saisit vite qu'il ne dit que ce qu'il a choisi de dire mais pas ce qu'il a - consciemment ou inconsciemment- décidé de taire. Il donne parfois l'impression d'être toujours coincé, sur la réserve, et cette raideur se retrouve (volontairement) dans le style. Nina Revoyr a ainsi bien mis en valeur la personnalité de Jun et toute cette politesse japonaise de l'époque, ces excuses, ces inclinaisons, qui n'empêchent d'ailleurs pas les tensions de percer.
Ce style peut déconcerter mais je pense qu'il correspond bien à la personnalité du narrateur.

Ce Jun qui peut sembler assez imbu de lui-même est finalement poussé à faire une sorte de bilan nostalgique:
"J'ai l'impression d'avoir toujours été planté là, avec le bonheur à portée de main, brûlant de m'en emparer, mais m'en retenant toujours." Oui, beaucoup d'occasions manquées, mais la fin montrera un Jun apaisé et, disons le, heureux.

Le roman présente un merveilleux moment où Jun se lâche un peu, quand il visite avec Hanako sa collègue (et plus s'il avait voulu, hein?) l'extraordinaire Oasis des Livres si bien nommé. Un des plus beaux passages du livre, qui en comporte un certain nombre (l'épilogue, la réaction de Jun quand il assiste à la représentation théâtrale, ...).

La petite intrigue policière qui baigne dans les non dits de Jun est subtilement annoncée au tiers du roman et peut relancer l'intérêt du livre d'après certains avis.

On ne peut passer sous silence le racisme anti -japonais, Jun y fait souvent allusion, tout en niant l'importance du phénomène dans sa vie, mais là encore nous savons qu'il ne dit pas encore tout. Saviez vous que les enfants d'origine japonaise ne fréquentaient pas les mêmes école? Qu'il a existé une "Anti-Jap Exclusion League? Quant à l'interrogatoire de Jun par les policiers, c'est franchement choquant!

Sans oublier l'évocation fort intéressante des débuts du cinéma, où tout était à découvrir. Un monde passionnant.
"Le muet était bien plus qu'un simple prélude au parlant. Il était également une forme à part entière. Nos films compensaient le manque de son par d'autres qualités : la photographie, la mise en scène, le montage, les éclairages, les histoires et, enfin, l'interprétation. Les meilleurs muets étaient des oeuvres subtiles et magnifiques, fraîches et parfois exaltantes. Ces films possédaient une pureté qu'il est impossible de retrouver en ces temps tapageurs, dominés par les effets spéciaux et la parole. Nous qui les créions savions que, comme dans la vie, la partie vraiment essentielle des récits ne pouvait jamais se réduire seulement à des mots. Nous comprenions que les images animées agissaient tels des catalyseurs de rêves et qu'elles étaient plus éloquentes encore lorsqu'elles n'étaient pas paralysées par des voix."

Et là j'ai très envie de revoir des films muets...

Un grand merci à Suzanne de Chez les Filles et aux éditions Phébus !!!
Les avis de Clarabel - Leiloona - Papillon - Lael - Cathulu, Sylire, Armande, Amanda, DorianeCatherine, Stephie, Thaïs, Nanne et BOB pour plus d'exhaustivité.

La visite de Jun chez Nora m'a irrésistiblement fait penser à Boulevard du Crépuscule

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Cachou Il y a 4 ans
Forcément, ce livre ne peut que m'intéresser (mais à la bibli ou en poche)! Mais un petit truc m'a bloquée dans le résumé: pourquoi parle-t-on de la fin du cinéma muet comme d'une éventuelle raison pour laquelle il n'a plus travaillé à partir de 1922 alors que le cinéma parlant est apparu en 1927 (ça m'intrigue...)?
saxaoul Il y a 4 ans
C'est un vrai régal ce roman ! Je suis complètement inculte en matière de cinéma muet et ça m'a donné envie d'en savoir un peu plus !
Mango Il y a 4 ans
Il me semble que tout le monde l'a déjà lu sauf moi! Il va falloir que je m'y mette aussi, d'autant plus que ce sera l'occasion de mieux connaître enfin le milieu du cinéma muet!
esmeraldae Il y a 4 ans
je ne suis pas arrivée à rentrer dedans malgré de la persévérance!
Restling Il y a 4 ans
Les films muets sont très en vogue en ce moment, il me semble avoir vu un autre billet sur un livre qui en traitait aussi.
Le thème me fait penser à Le livre des Illusions de Auster que j'avais bien aimé.
Marie Il y a 4 ans
J'aime bien l'époque des balbutiements du cinéma...Un bon point pour ce livre ! ;-)
Karine :) Il y a 4 ans
Avec un tel sujet, difficile de résister... cette époque d'Hollywood m'a toujours intéressée!
sylire Il y a 4 ans
Plus le temps passe et plus je me dis que c'est un très bon roman. Il me restera bien en mémoire !
A_girl_from_earth Il y a 4 ans
Ouf, non, jamais trop tard pour parler des livres - celui-là m'est passé complètement sous le nez, même au niveau des billets (mais je crois qu'il y a 2 mois je n'étais pas encore sur Google Reader...).
Mmmh pas sûr que ça me parle comme ça bien que ça ait l'air intéressant. Dans le doute...:)
Géraldine Il y a 4 ans
Mouais... pas vraiment tentée. je passe.
keisha Il y a 4 ans


@ Géraldine
OK, surtout que tu as repris le travail!!!



Thaïs Il y a 4 ans
heu question aux cinéphiles : trouve-t-on du cinéma muet en DVD facielment ?
keisha Il y a 4 ans


@ Thaïs
Rien qu'avec Chaplin et Keaton, il y a de quoi faire...(je suis allée vérifier sur un site de vente en ligne)



Leiloona Il y a 4 ans
Je suis d'accord avec toi : le style du narrateur mime bien l'attitude du personnage principal !
Et tout comme toi, cela m'a donné envie de revoir des films muets car du coup ce livre et un autre lu peu de temps après m'ont fait voir le cinéma muet différemment.
keisha Il y a 4 ans


@ Leiloona
Oui, le cinéma muet n'est pas du sous-cinéma. De même que le noir et blanc, quelle splendeur parfois!
L'autre se passe en Inde, je crois?



Armande Il y a 4 ans
C'est un livre qui peut rebuter par son style au début de la lecture mais persévérer permet de découvrir de bien jolies pages. J'ai adoré comme toi "l'oasis de livres".
keisha Il y a 4 ans


@ Armande
Il faut un peu de pages, et après on se sent bien dans le livre...



praline Il y a 4 ans
Après cette lecture, j'ai eu la même envie, voir des muets !
keisha Il y a 4 ans


@ praline
Ce qui prouve que ce roman a rendu justice à cette période et l'a bien fait revivre.

Commentaires