Daniel Deronda
George Eliot
Penguin Classics, 2003
Publié en 1876
Faites moi confiance, ne lisez pas ce billet et procurez-vous tout de suite (oui, tout de suite) ce magnifique roman, qui existe en français et en poche (elle est pas belle la vie?).
Quoi? Encore là? Bon, attention, billet un peu long, à la mesure de mon enthousiasme. Je vais essayer d'éviter les spoilers qui peuvent gâcher votre future lecture. Mais c'est teeeellement mieux de tout découvrir et de se laisser emporter par l'histoire sans en rien savoir...
"Was she beautiful or not beautiful?
She who raised these questions in Daniel Deronda's mind was occupied in gambling."
Introduction magistrale : Gwendolen est assise à une table de jeu quand Daniel Deronda la voit pour la première fois, dans une petite ville de cure où se presse la bonne société européenne. Il la regarde, elle en est consciente.
Elle perd, engage un collier chez un prêteur sur gages, mais l'objet lui est renvoyé par "un étranger". Gwendolen reçoit des nouvelles de la ruine de sa famille et repart en Angleterre.
Les deux héros ne se sont jamais adressé la parole.
Page 20, un an auparavant, dans un petit village de la campagne anglaise. Gwendolen est une jeune fille de vingt ans qui n'en fait qu'à sa tête, et ne voit dans le mariage qu'une façon d'être plus libre et de mener sa vie à sa guise. Arrive dans le voisinage Grandcourt, de bonne famille, pourvu d'espérances en fortune et titres, qui fait comprendre à Gwendolen qu'il aimerait en faire son épouse. Celle-ci tergiverse, puis se décide, convaincue par sa famille de ne pas refuser un si bon parti, mais juste avant de pouvoir accepter elle apprend que son admirateur a déjà quatre enfants illégitimes d'une femme qui se sent prioritaire pour le mariage (très gros spoiler)... Gwendolen part donc à ce moment sur le continent.
Grandcourt la suit, la rate de quelques jours mais y retrouve son oncle Hugo Mallinger et Daniel Deronda.
Georges Eliot se concentre alors sur le personnage de Daniel Deronda, élevé en gentleman par Sir Hugo (oui, l'oncle de Grandcourt) , qui soupçonne comme la plupart des gens que Sir Hugo est son père, et aimerait connaître qui est (était?) sa mère.
Si vous êtes toujours là (!) : Daniel Deronda sauve la vie de Mirah, une jeune fille juive à la recherche de sa mère et de son frère, est amené à faire connaissance à Londres des Cohen (qui seraient susceptibles d'être la famille cherchée) et de Mordecaï, dont la vision sioniste est pleine de souffle (le roman se passe en 1865-1866).
Je n'en dis pas plus, l'histoire est sur les rails.
Au travers de dialogues absolument prenants ou de réflexions intimes finement observées, George Eliot dépeint les relations entre les principaux personnages, Grandcourt et Gwendolen, Deronda et Gwendolen (fascinantes et originales), Deronda et Mordecaï , etc... ainsi que leur évolution. Les personnages dits secondaires ne sont pas oubliés.
Ce roman mériterait une longue étude. Vision des femmes et du mariage à cette époque, description d'un mileu de gentlemen aisés mais aussi des juifs en Europe ou en Angleterre (là George Eliot a abordé un thème qui sort des sentiers battus, pas du tout ce qu'on aurait attendu à la lecture de ses autres romans par exemple ou des romans contemporains). D'intéressantes réflexions personnelles émaillent aussi la narration, mais cela reste bref.
Evidemment je me suis posée la question de la comparaison avec Jane Austen ou Dickens. Beaucoup moins d'ironie. mais du souffle tout de même. Le petit Jacob Cohen ne déparerait pas chez Dickens. Et je pense que certain passage n'est pas là par hasard:
"Some readers of this history will doubtless regard it as incredible that people should construct matrimonial prospects on the mere report that a bachelor of good fortune and possibilities was coming within reach" ...(tout le passage serait à citer, mais je ne veux pas abuser car je ne traduis pas.
Vous l'aurez compris, ce roman est foisonnant, un de ces bons gros pavés victoriens aux multiples personnages qui sont liés d'une façon ou d'une autre, qui fait frémir le coeur, laisse haletant, fait rêver, entretient le suspense de façon virtuose, et ne dédaigne pas les fausses pistes...
Et trois challenges d'un coup!
George Eliot
Penguin Classics, 2003
Publié en 1876
Faites moi confiance, ne lisez pas ce billet et procurez-vous tout de suite (oui, tout de suite) ce magnifique roman, qui existe en français et en poche (elle est pas belle la vie?).
Quoi? Encore là? Bon, attention, billet un peu long, à la mesure de mon enthousiasme. Je vais essayer d'éviter les spoilers qui peuvent gâcher votre future lecture. Mais c'est teeeellement mieux de tout découvrir et de se laisser emporter par l'histoire sans en rien savoir...
"Was she beautiful or not beautiful?
She who raised these questions in Daniel Deronda's mind was occupied in gambling."
Introduction magistrale : Gwendolen est assise à une table de jeu quand Daniel Deronda la voit pour la première fois, dans une petite ville de cure où se presse la bonne société européenne. Il la regarde, elle en est consciente.
Elle perd, engage un collier chez un prêteur sur gages, mais l'objet lui est renvoyé par "un étranger". Gwendolen reçoit des nouvelles de la ruine de sa famille et repart en Angleterre.
Les deux héros ne se sont jamais adressé la parole.
Page 20, un an auparavant, dans un petit village de la campagne anglaise. Gwendolen est une jeune fille de vingt ans qui n'en fait qu'à sa tête, et ne voit dans le mariage qu'une façon d'être plus libre et de mener sa vie à sa guise. Arrive dans le voisinage Grandcourt, de bonne famille, pourvu d'espérances en fortune et titres, qui fait comprendre à Gwendolen qu'il aimerait en faire son épouse. Celle-ci tergiverse, puis se décide, convaincue par sa famille de ne pas refuser un si bon parti, mais juste avant de pouvoir accepter elle apprend que son admirateur a déjà quatre enfants illégitimes d'une femme qui se sent prioritaire pour le mariage (très gros spoiler)... Gwendolen part donc à ce moment sur le continent.
Grandcourt la suit, la rate de quelques jours mais y retrouve son oncle Hugo Mallinger et Daniel Deronda.
Georges Eliot se concentre alors sur le personnage de Daniel Deronda, élevé en gentleman par Sir Hugo (oui, l'oncle de Grandcourt) , qui soupçonne comme la plupart des gens que Sir Hugo est son père, et aimerait connaître qui est (était?) sa mère.
Si vous êtes toujours là (!) : Daniel Deronda sauve la vie de Mirah, une jeune fille juive à la recherche de sa mère et de son frère, est amené à faire connaissance à Londres des Cohen (qui seraient susceptibles d'être la famille cherchée) et de Mordecaï, dont la vision sioniste est pleine de souffle (le roman se passe en 1865-1866).
Je n'en dis pas plus, l'histoire est sur les rails.
Au travers de dialogues absolument prenants ou de réflexions intimes finement observées, George Eliot dépeint les relations entre les principaux personnages, Grandcourt et Gwendolen, Deronda et Gwendolen (fascinantes et originales), Deronda et Mordecaï , etc... ainsi que leur évolution. Les personnages dits secondaires ne sont pas oubliés.
Ce roman mériterait une longue étude. Vision des femmes et du mariage à cette époque, description d'un mileu de gentlemen aisés mais aussi des juifs en Europe ou en Angleterre (là George Eliot a abordé un thème qui sort des sentiers battus, pas du tout ce qu'on aurait attendu à la lecture de ses autres romans par exemple ou des romans contemporains). D'intéressantes réflexions personnelles émaillent aussi la narration, mais cela reste bref.
Evidemment je me suis posée la question de la comparaison avec Jane Austen ou Dickens. Beaucoup moins d'ironie. mais du souffle tout de même. Le petit Jacob Cohen ne déparerait pas chez Dickens. Et je pense que certain passage n'est pas là par hasard:
"Some readers of this history will doubtless regard it as incredible that people should construct matrimonial prospects on the mere report that a bachelor of good fortune and possibilities was coming within reach" ...(tout le passage serait à citer, mais je ne veux pas abuser car je ne traduis pas.
Vous l'aurez compris, ce roman est foisonnant, un de ces bons gros pavés victoriens aux multiples personnages qui sont liés d'une façon ou d'une autre, qui fait frémir le coeur, laisse haletant, fait rêver, entretient le suspense de façon virtuose, et ne dédaigne pas les fausses pistes...
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