Pays de neige
Yasunari Kawabata (prix Nobel 1968)
Albin Michel, 1969 (textes originaux parus de 1935 à 1948)
En dépit d'une préface décourageante parlant d'écriture poétique et de difficulté de traduire et de transmettre (oh que oui!), je me suis lancée dans ce Pays de neige... Fort heureusement l'écriture de Kawabata - même si l'on doit hélas passer à côté de sa beauté complète - est d'une splendeur et d'une pureté telles que l'inévitable traduction la laisse transparaître.
L'histoire:
Shimamura est un oisif fortuné qui se rend à diverses reprises dans une station thermale de montagne. Il y fait connaissance de Komako, une jeune geisha, et est fasciné par la mystérieuse Yôko et sa voix mélodieuse. Pour un lecteur occidental ou un japonais avide de connaître un Japon d'autrefois, ce roman, au travers de la relation entre Shimamura et Komako, évoque finement la vie et les occupations d'une geisha, ainsi que la vie rude d'une station de montagne isolée par la neige.
Il peut s'écouler des mois avant que Shimamura- qui par ailleurs a une femme à la ville- ne séjourne une nouvelle fois au village, et les sentiments de Komako transparaissent, mais tout n'est pas dit. A la fin du roman il reste beaucoup de questions en suspens, surtout en ce qui concerne Yôko et Komako.
Mes impressions :
J'ai surtout considéré cette lecture comme une découverte d'un grand auteur japonais, mais je ne sais pas si j'ai réussi à pénétrer dans son monde. Demeurent cependant de magnifiques passages et des descriptions de montagnes et de forêts enneigées absolument superbes.Très très subtil, trop peut-être. Un grand auteur, c'est sûr, mais que la barrière de la langue et de la culture m'empêche d'apprécier à fond.
Le blog ex-libris présente un excellent billet sur Le dénouement du pays de neige (dont la fin déconcertante et magnifique reste ouverte!)
"Il [Shimamura] fit un pas pour se reprendre, et, à l'instant qu'il se penchait en arrière, la Voie lactée, dans une sorte de rugissement formidable, se coula en lui."
Des avis de lecteurs dans Voix au chapitre( où je découvre que je ne suis pas seule à me poser des questions...)
J'ai même découvert un site où la traduction est mise en cause.
Deux passages que j'ai particulièrement aimés:
En train, à la tombée de la nuit, Shimamura observe le visage d'une femme (Yôko) qui se reflète dans la vitre.
Sur le fond, très loin, défilait le paysage du soir qui servait, en quelque sort, de tain mouvant à ce miroir; les figures humaines qu'il réfléchissait, plus claires, s'y découpaient un peu comme les images en surimpression dans un film. Il n'y avait aucun lien, bien sûr, entre les images mouvantes de l'arrière-plan et celles, plus nettes , des deux personnages; et pourtant tout se maintenait en une unité fantastique, tant l'immatérielle transparence des figures semblait correspondre et se confondre au flou ténébreux du paysage qu'enveloppait la nuit, pour composer un seul et même univers, une sorte de monde surnaturel et symbolique qui n'était plus d'ici. Un monde d'une beauté ineffable et dont Shimamura se sentait pénétré jusqu'au coeur, bouleversé même, quand d'aventure quelque lumière là-bas, au loin dans la montagne, scintillait tout à coup au beau milieu du visage de la jeune femme, atteignant à un comble inexprimable de cette inexprimable beauté.
Dans le ciel nocturne, au-dessus des montagnes, le crépuscule avait laissé quelques touches de pourpre attardée et l'on pouvait encore distinguer, très loin, sur l'horizon, la découpure des pics isolés. Mais ici, plus près, c'était le défilé constant du même paysage campagnard, complètement éteint maintenant et privé de toute couleur. Rien pour y retenir l'oeil. Il défilait comme un flot de monotonie,d'autant plus neutre et d'autant plus estompé, d'autant plus vaguement émouvant qu'il courait pour ainsi dire sous les traits de la jeune femme, derrière ce beau visage émouvant qui semblait le rejeter tout autour dans la même grisaille. L'image même de ce visage, il est vrai, semblait si peu matérielle qu'elle devait être transparente elle aussi. Cherchant à savoir si elle l'était vraiment, Shimamura crut un mouvement voir le paysage au travers, mais les images passaient si vite qu'il lui fut impossible de contrôler cette impression.
L'éclairage dans le wagon, manquait d'intensité, et ce que voyait en reflet Shimamura était loin d'avoir le relief et la netteté d'une image dans un vrai miroir . Aussi en vint-il facilement à oublier qu'il contemplait une image reflétée dans une glace, pris peu à peu par le sentiment que ce visage féminin, il le voyait dehors, flottant et comme porté sur le torrent ininterrompu du paysage monstrueux et enténébré.
Ce fut alors qu'une lumière lointaine vint resplendir au milieu du visage. Dans le jeu des reflets, au fond du miroir, l'image ne s'imposait pas avec une consistance suffisante pour éclipser l'éclat de la lumière, mais elle n'était pas non plus incertaine au point de disparaître sous elle. Et Shumamura suivit la lumière qui cheminait lentement sur le visage, sans le troubler. Un froid scintillement perdu dans la distance. Et lorsque son éclat menu vint s'allumer dans la pupille même de la jeune femme, lorsque se superposèrent et se confondirent l'éclat du regard et celui de la lumière piquée dans le lointain, ce fut comme un miracle de beauté s'épanouissant dans l'étrange, avec cet oeil illuminé qui paraissait voguer sur l'océan du noir et les vagues rapides des montagnes."
La Voie Lactée
Yasunari Kawabata (prix Nobel 1968)
Albin Michel, 1969 (textes originaux parus de 1935 à 1948)
En dépit d'une préface décourageante parlant d'écriture poétique et de difficulté de traduire et de transmettre (oh que oui!), je me suis lancée dans ce Pays de neige... Fort heureusement l'écriture de Kawabata - même si l'on doit hélas passer à côté de sa beauté complète - est d'une splendeur et d'une pureté telles que l'inévitable traduction la laisse transparaître.
L'histoire:
Shimamura est un oisif fortuné qui se rend à diverses reprises dans une station thermale de montagne. Il y fait connaissance de Komako, une jeune geisha, et est fasciné par la mystérieuse Yôko et sa voix mélodieuse. Pour un lecteur occidental ou un japonais avide de connaître un Japon d'autrefois, ce roman, au travers de la relation entre Shimamura et Komako, évoque finement la vie et les occupations d'une geisha, ainsi que la vie rude d'une station de montagne isolée par la neige.
Il peut s'écouler des mois avant que Shimamura- qui par ailleurs a une femme à la ville- ne séjourne une nouvelle fois au village, et les sentiments de Komako transparaissent, mais tout n'est pas dit. A la fin du roman il reste beaucoup de questions en suspens, surtout en ce qui concerne Yôko et Komako.
Mes impressions :
J'ai surtout considéré cette lecture comme une découverte d'un grand auteur japonais, mais je ne sais pas si j'ai réussi à pénétrer dans son monde. Demeurent cependant de magnifiques passages et des descriptions de montagnes et de forêts enneigées absolument superbes.Très très subtil, trop peut-être. Un grand auteur, c'est sûr, mais que la barrière de la langue et de la culture m'empêche d'apprécier à fond.
Le blog ex-libris présente un excellent billet sur Le dénouement du pays de neige (dont la fin déconcertante et magnifique reste ouverte!)
"Il [Shimamura] fit un pas pour se reprendre, et, à l'instant qu'il se penchait en arrière, la Voie lactée, dans une sorte de rugissement formidable, se coula en lui."
Des avis de lecteurs dans Voix au chapitre( où je découvre que je ne suis pas seule à me poser des questions...)
J'ai même découvert un site où la traduction est mise en cause.
Deux passages que j'ai particulièrement aimés:
En train, à la tombée de la nuit, Shimamura observe le visage d'une femme (Yôko) qui se reflète dans la vitre.
Sur le fond, très loin, défilait le paysage du soir qui servait, en quelque sort, de tain mouvant à ce miroir; les figures humaines qu'il réfléchissait, plus claires, s'y découpaient un peu comme les images en surimpression dans un film. Il n'y avait aucun lien, bien sûr, entre les images mouvantes de l'arrière-plan et celles, plus nettes , des deux personnages; et pourtant tout se maintenait en une unité fantastique, tant l'immatérielle transparence des figures semblait correspondre et se confondre au flou ténébreux du paysage qu'enveloppait la nuit, pour composer un seul et même univers, une sorte de monde surnaturel et symbolique qui n'était plus d'ici. Un monde d'une beauté ineffable et dont Shimamura se sentait pénétré jusqu'au coeur, bouleversé même, quand d'aventure quelque lumière là-bas, au loin dans la montagne, scintillait tout à coup au beau milieu du visage de la jeune femme, atteignant à un comble inexprimable de cette inexprimable beauté.
Dans le ciel nocturne, au-dessus des montagnes, le crépuscule avait laissé quelques touches de pourpre attardée et l'on pouvait encore distinguer, très loin, sur l'horizon, la découpure des pics isolés. Mais ici, plus près, c'était le défilé constant du même paysage campagnard, complètement éteint maintenant et privé de toute couleur. Rien pour y retenir l'oeil. Il défilait comme un flot de monotonie,d'autant plus neutre et d'autant plus estompé, d'autant plus vaguement émouvant qu'il courait pour ainsi dire sous les traits de la jeune femme, derrière ce beau visage émouvant qui semblait le rejeter tout autour dans la même grisaille. L'image même de ce visage, il est vrai, semblait si peu matérielle qu'elle devait être transparente elle aussi. Cherchant à savoir si elle l'était vraiment, Shimamura crut un mouvement voir le paysage au travers, mais les images passaient si vite qu'il lui fut impossible de contrôler cette impression.
L'éclairage dans le wagon, manquait d'intensité, et ce que voyait en reflet Shimamura était loin d'avoir le relief et la netteté d'une image dans un vrai miroir . Aussi en vint-il facilement à oublier qu'il contemplait une image reflétée dans une glace, pris peu à peu par le sentiment que ce visage féminin, il le voyait dehors, flottant et comme porté sur le torrent ininterrompu du paysage monstrueux et enténébré.
Ce fut alors qu'une lumière lointaine vint resplendir au milieu du visage. Dans le jeu des reflets, au fond du miroir, l'image ne s'imposait pas avec une consistance suffisante pour éclipser l'éclat de la lumière, mais elle n'était pas non plus incertaine au point de disparaître sous elle. Et Shumamura suivit la lumière qui cheminait lentement sur le visage, sans le troubler. Un froid scintillement perdu dans la distance. Et lorsque son éclat menu vint s'allumer dans la pupille même de la jeune femme, lorsque se superposèrent et se confondirent l'éclat du regard et celui de la lumière piquée dans le lointain, ce fut comme un miracle de beauté s'épanouissant dans l'étrange, avec cet oeil illuminé qui paraissait voguer sur l'océan du noir et les vagues rapides des montagnes."
La Voie Lactée
« Oh ! la Voie lactée… elle est splendide » s’exclama Komako, courant toujours devant lui, les yeux levés vers le ciel.
La
Voie lactée… En la regardant lui aussi, Shimamura eu l’impression d’y
nager, tant sa phosphorescence lui parut
proche, comme si elle l’eût aspiré jusque-là. Le poète Bashô en
voyage, était-ce sous l’impression de cette immensité resplendissante,
éblouissante, qu’il l’avait décrite comme une arche de paix
sur la mer déchaînée ? Car c’était juste au-dessus de lui qu’elle
inclinait sa voûte, enserrant la terre nocturne de son étreinte pure,
indéchiffrable, sans émoi. Image pure et proche d’une
volupté terrible, sous laquelle Shimamura, un bref instant, se
représenta sa propre silhouette découpée en une ombre aussi multiple
qu’il y avait d’étoiles, aussi innombrablement multipliées
qu’il y avait là-haut de particules d’argent dans la lumière
laiteuse et jusque dans le reflet miroitant des nuages, dont chaque
gouttelette infime et rayonnante de lumière se confondait avec son
infinité, tant le ciel était clair, d’une limpidité et d’une
transparence inimaginables. Cette écharpe sans fin, ce voile infiniment
subtil, subtilement tissé dans l’infini, Shimamura ne pouvait
en détacher son regard. »
Voili voilou, c'était ma participation au blogoclub, et j'en ai profité pour penser au
challenge Japon.
Mais en fouinant pour savoir quel prix Nobel je pouvais lire, j'ai découvert évidemment plein d'auteurs tentants,
leur tour viendra! Et dommage que Dickens n'ait pas eu le Nobel, tiens!
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Titine
Il y a 3 ans
A_girl_from_earth
Il y a 3 ans
Gwenaelle
Il y a 3 ans
Hélène
Il y a 3 ans
Christelle
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La plume et la page
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Océane
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Catheau
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Aifelle
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Maeve
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Alex-Mot-à-Mots
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Brize
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Brize
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Brize
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Manu
Il y a 3 ans
choco
Il y a 3 ans
Choco
Il y a 3 ans
Choco
Il y a 3 ans
Jackie Brown
Il y a 2 ans
Jackie Brown
Il y a 2 ans
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