L'affaire de l'esclave Furcy
Mohammed Aïssaoui
Gallimard, 2010
Fraîchement lauréat du prix RFO!
Encore une fois, la coupable se nomme clara.Qu'elle soit cependant remerciée...
Jorge Semprun, à propos de la littérature de la déportation, affirmait "Sans la fiction, le souvenir périt."
Même s'il ne s'agit pas ici de fiction, Mohammed Aïssaoui déclare en quatrième de couverture avoir "éprouvé le désir - le désir fort, impérieux- de retrouver et de comprendre Furcy. De l'imaginer aussi."
S'appuyant sur des documents récemment mis à la disposition du public ou des études sur des thèmes plus globaux, il s'est intéressé à cette histoire incroyable : en 1817, à l'ile de la Réunion encore nommée île Bourbon, un esclave d'origine indienne découvre que sa mère décédée était en réalité affranchie depuis des années et que lui, Furcy, devrait l'être aussi. Il se décide à intenter un procès à son maître., et c'est le début de vingt-sept années de lutte, d'espoirs différés, d'audiences et de plaidoiries.
Sachez tout d'abord que, "comme la loi l'exigeait, un esclave ne pouvait attaquer son maître (ou une autre personne) en justice sans passer par ... son maître. C'est le propriétaire qui portait la voix de l'esclave."
Et pourtant Furcy, calme, digne, en dépit de l'emprisonnement puis l'envoi dans l'ile de France toute proche (actuellement ile Maurice), dans le but de calmer l'effervescence née à la Réunion chez les propriétaires craignant une propagation de ces idées de liberté, malgré l'éloignement en France des magistrats qui lui ont accordé un fidèle soutien, tient bon; Mohammed Aïssaoui, avec l'émotion que l'on imagine, a retrouvé des lettres de Furcy. Et moi aussi je me le représente à ses procès, tenant dans la main gauche la Déclaration des droits de l'homme...
L'auteur a opté pour un style d'une grande sobriété; un tel sujet est dur et ne demande pas de l'enrobage. La documentation que l'on sent minutieuse se coule aisément dans le texte.
"Enfin, tout était moins monochrome qu'on veut bien le croire. Bien sûr, il y avait des noirs esclaves. Mais des noirs possédaient des esclaves, et nombre d'entre eux étaient farouchement opposés à toute idée d'abolition. Des noirs chassaient, jusqu'à les tuer, d'autres noirs. Des noirs asservissaient des métis... Et il arrivait souvent que, dès qu'un esclave devenait affranchi, il ambitionnait de posséder des esclaves, lui aussi. Des blancs aidaient des noirs, et vice versa...(...)
Il suffisait d'observer le système économique, et tout s'éclairait. (...) Si l'on regardait de plus près, tout était organisé pour maintenir le système en place: l'homme considéré comme une marchandise; l'interdiction pour les esclaves de posséder et donc de s'enrichir; l'interdiction de s'instruire."
Vous l'aurez compris, la lecture de L'affaire de l'esclave Furcy est absolument indispensable.
"C'est le problème pour tout un pan de l'histoire : les victimes ne laissent pas de traces. Quand je me suis penché sur cette affaire, je m'attendais à trouver des témoignages directs. Il n'y a rien, ou presque rien. Que des silences. Trop de silences. Et des morts anonymes. Une histoire sans archives." On ignore quand et où est mort Furcy...
Tableau de Garreau, 1849. Sarda Garriga, commissaire général de la République, annonce aux esclaves de La Réunion leur libération, le 20 décembre 1848.
(lire aussi l'article entier )
Mohammed Aïssaoui
Gallimard, 2010
Fraîchement lauréat du prix RFO!
Encore une fois, la coupable se nomme clara.Qu'elle soit cependant remerciée...
Jorge Semprun, à propos de la littérature de la déportation, affirmait "Sans la fiction, le souvenir périt."
Même s'il ne s'agit pas ici de fiction, Mohammed Aïssaoui déclare en quatrième de couverture avoir "éprouvé le désir - le désir fort, impérieux- de retrouver et de comprendre Furcy. De l'imaginer aussi."
S'appuyant sur des documents récemment mis à la disposition du public ou des études sur des thèmes plus globaux, il s'est intéressé à cette histoire incroyable : en 1817, à l'ile de la Réunion encore nommée île Bourbon, un esclave d'origine indienne découvre que sa mère décédée était en réalité affranchie depuis des années et que lui, Furcy, devrait l'être aussi. Il se décide à intenter un procès à son maître., et c'est le début de vingt-sept années de lutte, d'espoirs différés, d'audiences et de plaidoiries.
Sachez tout d'abord que, "comme la loi l'exigeait, un esclave ne pouvait attaquer son maître (ou une autre personne) en justice sans passer par ... son maître. C'est le propriétaire qui portait la voix de l'esclave."
Et pourtant Furcy, calme, digne, en dépit de l'emprisonnement puis l'envoi dans l'ile de France toute proche (actuellement ile Maurice), dans le but de calmer l'effervescence née à la Réunion chez les propriétaires craignant une propagation de ces idées de liberté, malgré l'éloignement en France des magistrats qui lui ont accordé un fidèle soutien, tient bon; Mohammed Aïssaoui, avec l'émotion que l'on imagine, a retrouvé des lettres de Furcy. Et moi aussi je me le représente à ses procès, tenant dans la main gauche la Déclaration des droits de l'homme...
L'auteur a opté pour un style d'une grande sobriété; un tel sujet est dur et ne demande pas de l'enrobage. La documentation que l'on sent minutieuse se coule aisément dans le texte.
"Enfin, tout était moins monochrome qu'on veut bien le croire. Bien sûr, il y avait des noirs esclaves. Mais des noirs possédaient des esclaves, et nombre d'entre eux étaient farouchement opposés à toute idée d'abolition. Des noirs chassaient, jusqu'à les tuer, d'autres noirs. Des noirs asservissaient des métis... Et il arrivait souvent que, dès qu'un esclave devenait affranchi, il ambitionnait de posséder des esclaves, lui aussi. Des blancs aidaient des noirs, et vice versa...(...)
Il suffisait d'observer le système économique, et tout s'éclairait. (...) Si l'on regardait de plus près, tout était organisé pour maintenir le système en place: l'homme considéré comme une marchandise; l'interdiction pour les esclaves de posséder et donc de s'enrichir; l'interdiction de s'instruire."
Vous l'aurez compris, la lecture de L'affaire de l'esclave Furcy est absolument indispensable.
"C'est le problème pour tout un pan de l'histoire : les victimes ne laissent pas de traces. Quand je me suis penché sur cette affaire, je m'attendais à trouver des témoignages directs. Il n'y a rien, ou presque rien. Que des silences. Trop de silences. Et des morts anonymes. Une histoire sans archives." On ignore quand et où est mort Furcy...
Tableau de Garreau, 1849. Sarda Garriga, commissaire général de la République, annonce aux esclaves de La Réunion leur libération, le 20 décembre 1848.
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