Voyage avec Charley
John Steinbeck
Phébus, 1995
Couverture : Four lane Road (détail) de Hopper
Edit : L'avis de LN (sans nous concerter...)
1960. Steinbeck est un écrivain reconnu (il recevra le prix Nobel deux ans plus tard) mais peu épargné par les critiques littéraires américains. Sa santé n'est plus ce qu'elle était, et poussé par une amie, il se lance dans un périple à travers les Etats-Unis avec comme compagnon Charley, caniche français et vrai gentleman né à Bercy. ..
En 1937 il avait suivi les migrants pour une série de reportages en Californie, dans une vieille camionnette de boulanger, mais cette fois il part dans un petit camion supportant une petite maisonnette aménagée, qu'il nomme Rossinante.
"Je n'avais pas entendu le langage de l'Amérique, humé l'odeur de son herbe, de ses arbres, de son fumier, vu ses collines et ses cours d'eau, ses couleurs et ses qualités de lumière. Je n'en connaissais les changements que par les livres et les journaux. Plus encore, je n'avais pas "senti" le pays depuis vingt-cinq ans. "
Pourtant il est conscient qu'il ne doit pas s'illusionner. ""La réalité a trop de formes différentes. "De fait, je ne puis vous présenter l'Amérique que vous verrez. Il y a tant à voir, et nos yeux du matin décrivent un monde qui ne sera pas celui que contempleront nos yeux de l'après-midi, cependant qu'il ne fait aucun doute que nos yeux las du soir ne pourront décrire qu'un monde fatigué."
Privilégiant la campagne à la ville dans son itinéraire, se perdant souvent, curieux de tout, le voilà parti pour reprendre contact avec une Amérique en évolution. Amérique des années 60, en pleine guerre froide, où Martin Luther King et son "I have a dream" n'avaient pas encore ébranlé le sud profond et le monde entier. Amérique où les centres villes se dépeuplent et se paupérisent, aux abords envahis par les centres commerciaux, où le gaspillage engendre des monceaux d'ordures, carcasses de voiture et autres... Amérique où grâce aux mobile- homes on peut s'installer pour un temps, puis partir ailleurs à la recherche d'un travail. Amérique qui s'uniformise par le biais de la radio et de la télévision.
De retour à Monterey, il retrouve des amis, mais les quitte rapidement car "on ne peut retourner chez soi car cela n'existe plus."
Un voyage plein de nostalgie bien sûr, raconté avec humour aussi ("sans parler du chien"). Steinbeck cherche à rencontrer les gens, à les faire parler.
Beaucoup de moments forts au cours du voyage, je choisirai son passage à la Nouvelle-Orléans :
"Deux voitures noires chargées de grands gaillards coiffés de chapeaux de feutre s'arrêtèrent devant l'école. La foule parut retenir sa respiration. Quatre policiers fédéraux sortirent de chaque voiture et en retirèrent la plus petite Noire que l'on ait jamais vue.Elle avait une robe amidonnée d'un blanc aveuglant et des chaussures neuves, blanches, si petites qu'elles semblaient rondes. Son visage et ses petites jambes très noires contrastaient avec le blanc.
Les grands policiers la déposèrent sur le trottoir et une clameur sauvage jaillit, d l'autre côté de la barricade."(...) L'étrange procession se mit en marche vers l'école."
(...) Le clou du spectacle était encore à venir. La foule attendait le Bllanc qui osait amener son enfant blanc à l'école."
Ensuite jaillissent insultes, hurlements, obscénités. Nous sommes en 1960. "J'étais secoué de nausées."
Un récit à découvrir, où Steinbeck se découvre mieux, et qu'importe si cette Amérique a déjà un demi-siècle, il est des réflexions qui ne perdent pas de leur justesse.
The problem we all live with, Norman Rockwell, 1964 (illustration pour Look représentant une petite fille noire américaine se rendant à l'école escortée par des agents fédéraux).
John Steinbeck
Phébus, 1995
Couverture : Four lane Road (détail) de Hopper
Edit : L'avis de LN (sans nous concerter...)
1960. Steinbeck est un écrivain reconnu (il recevra le prix Nobel deux ans plus tard) mais peu épargné par les critiques littéraires américains. Sa santé n'est plus ce qu'elle était, et poussé par une amie, il se lance dans un périple à travers les Etats-Unis avec comme compagnon Charley, caniche français et vrai gentleman né à Bercy. ..
En 1937 il avait suivi les migrants pour une série de reportages en Californie, dans une vieille camionnette de boulanger, mais cette fois il part dans un petit camion supportant une petite maisonnette aménagée, qu'il nomme Rossinante.
"Je n'avais pas entendu le langage de l'Amérique, humé l'odeur de son herbe, de ses arbres, de son fumier, vu ses collines et ses cours d'eau, ses couleurs et ses qualités de lumière. Je n'en connaissais les changements que par les livres et les journaux. Plus encore, je n'avais pas "senti" le pays depuis vingt-cinq ans. "
Pourtant il est conscient qu'il ne doit pas s'illusionner. ""La réalité a trop de formes différentes. "De fait, je ne puis vous présenter l'Amérique que vous verrez. Il y a tant à voir, et nos yeux du matin décrivent un monde qui ne sera pas celui que contempleront nos yeux de l'après-midi, cependant qu'il ne fait aucun doute que nos yeux las du soir ne pourront décrire qu'un monde fatigué."
Privilégiant la campagne à la ville dans son itinéraire, se perdant souvent, curieux de tout, le voilà parti pour reprendre contact avec une Amérique en évolution. Amérique des années 60, en pleine guerre froide, où Martin Luther King et son "I have a dream" n'avaient pas encore ébranlé le sud profond et le monde entier. Amérique où les centres villes se dépeuplent et se paupérisent, aux abords envahis par les centres commerciaux, où le gaspillage engendre des monceaux d'ordures, carcasses de voiture et autres... Amérique où grâce aux mobile- homes on peut s'installer pour un temps, puis partir ailleurs à la recherche d'un travail. Amérique qui s'uniformise par le biais de la radio et de la télévision.
De retour à Monterey, il retrouve des amis, mais les quitte rapidement car "on ne peut retourner chez soi car cela n'existe plus."
Un voyage plein de nostalgie bien sûr, raconté avec humour aussi ("sans parler du chien"). Steinbeck cherche à rencontrer les gens, à les faire parler.
Beaucoup de moments forts au cours du voyage, je choisirai son passage à la Nouvelle-Orléans :
"Deux voitures noires chargées de grands gaillards coiffés de chapeaux de feutre s'arrêtèrent devant l'école. La foule parut retenir sa respiration. Quatre policiers fédéraux sortirent de chaque voiture et en retirèrent la plus petite Noire que l'on ait jamais vue.Elle avait une robe amidonnée d'un blanc aveuglant et des chaussures neuves, blanches, si petites qu'elles semblaient rondes. Son visage et ses petites jambes très noires contrastaient avec le blanc.
Les grands policiers la déposèrent sur le trottoir et une clameur sauvage jaillit, d l'autre côté de la barricade."(...) L'étrange procession se mit en marche vers l'école."
(...) Le clou du spectacle était encore à venir. La foule attendait le Bllanc qui osait amener son enfant blanc à l'école."
Ensuite jaillissent insultes, hurlements, obscénités. Nous sommes en 1960. "J'étais secoué de nausées."
Un récit à découvrir, où Steinbeck se découvre mieux, et qu'importe si cette Amérique a déjà un demi-siècle, il est des réflexions qui ne perdent pas de leur justesse.
The problem we all live with, Norman Rockwell, 1964 (illustration pour Look représentant une petite fille noire américaine se rendant à l'école escortée par des agents fédéraux).
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