Effacement
Percival Everett
Traduction de Anne-laure Tissut
Actes Sud, 2004
Theolonious Ellison est un romancier américain et universitaire reconnu par ses pairs, même si son dernier roman peine à trouver un éditeur. Issu d'une famille aisée, il est noir, "nul au basket", "ne sait pas danser" et d'après un critique, son dernier roman, " finement travaillé, présente des personnages très élaborés, une langue riche et un jeu subtil sur l'intrigue, mais on a peine à comprendre ce que cette réécriture des Perses d'Eschylle a à voir avec l'expérience afro-américaine." Comme il le dit, "la race est un sujet auquel je ne pense presque jamais."
En librairie ses romans ne sont classés ni en littérature, ni en fiction contemporaine, mais "au rayon études afro-américaines, où ses Perses n'ont d'ostensiblement afro-américain que sa photo en quatrième de couverture." D'où, zéro ventes, forcément.
Justement ladite librairie propose le best seller "Not'vie à nous au ghetto" de Juanita Mae Jenkins. Ecoeuré par cette prose, il décide d'écrire sous un pseudonyme un roman du ghetto correspondant à ce qu'on attend d'un auteur noir, car il a bien besoin d'argent pour vivre (il a démissionné de son poste pour s'occuper de sa mère frôlant l'Alzheimer; sa soeur médecin vient d'être assasinée; son frère vient d'effectuer son coming out et ça se passe mal. Donc tout retombe sur lui).
Voici donc Putain! de Stagg R.Leigh, une parodie délirante, l'histoire de Van Go Jenkins, dix neuf ans, quatre gamins de quatre mères différentes.
"La mère d'Aspireene s'est maquée avec un Black, Chien Enragé, qu'on l'appelle, alors pas besoin d'aller flairer son pieu. Pas envie de me faire plomber le cul par un dur. Ça risque pas. Tynelona, sa mère est naze, elle s'est dégoté un calibre 9, j'me pointe, elle me dégomme, pasque j'lui ai pas filé de thune, trois mois, ça fait, qu'elle m'en demande. Ma plus grande, Dexatrina, sa mère elle m'aime toujours. J'pourrais aller tirer mon coup, mais pour m'casser après, autant essayer d'changer du lait en Coca. J' décide d'aller voir Rexall, mon fils. L'est trizaumic, mais ça va. L'a pas besoin d'tête dans c'putain d'monde" Etc pendant 80 pages.
Patatras! Gros succès, le roman va paraître, il est sélectionnné pour un prix (dont Ellison est juré!). Ellison qui se débat dans sa vie personnelle et ses problèmes.
"Le terrifiant dans l'histoire est qu'en niant ou refusant toute complicité dans la marginalisation des auteurs "noirs" je me retrouvai au plus loin de l'autre côté d'une ligne n'ayant d'existence qu'au mieux imaginaire. Pour moi, écrire ne relevait ni du témoignage ni du geste de protestation sociale (même si, d'une certaine manière, écrire en relève toujours) et je 'étais pas non plus porté par une prétendue tradition orale. Je n'avais jamais eu l'intention de libérer qui que ce fut, ni de produire la peinture authentique dernier cri de la vie de mon peuple, n'ayant jamais eu de peuple dont j'eusse eu une idée assez précise pour le peindre. Si j'avais écrit juste après la reconstruction, peut-être aurais-je eu pour propos d'élever la condition de mes semblables soumis à l'oppression. Mais l'ironie était superbe. J'étais victime de racisme pour n'avoir pas reconnu de différence raciale ni accepté que mon art fut défini comme un exercice autobiographique émanant d'un représentant d'une race. Je devais donc d'échapper à l'oppression économique à un livre du même acabit que ceux que je jugeais racistes. J'allais devoir porter le masque de la personne que l'on m'imaginait être."
Merci à Ys (lire son billet) d'avoir mis en lumière ce roman absolument passionnant dont on ressort en se posant des questions sur ce qu'est la littérature afro-américaine -faut-il ces classements, d'ailleurs? Ajoutons une jolie peinture satirique des milieux littéraires, une belle palette d'écriture, de l'érudition (j'avoue ne pas avoir vraiment suivi les quelques pages de conférence, au début...). Sans oublier l'histoire d'un homme devant affronter de difficiles responsabilités, comme tout un chacun, quelle que soit sa couleur. Fort souvent franchement jubilatoire!
Percival Everett
Traduction de Anne-laure Tissut
Actes Sud, 2004
Theolonious Ellison est un romancier américain et universitaire reconnu par ses pairs, même si son dernier roman peine à trouver un éditeur. Issu d'une famille aisée, il est noir, "nul au basket", "ne sait pas danser" et d'après un critique, son dernier roman, " finement travaillé, présente des personnages très élaborés, une langue riche et un jeu subtil sur l'intrigue, mais on a peine à comprendre ce que cette réécriture des Perses d'Eschylle a à voir avec l'expérience afro-américaine." Comme il le dit, "la race est un sujet auquel je ne pense presque jamais."
En librairie ses romans ne sont classés ni en littérature, ni en fiction contemporaine, mais "au rayon études afro-américaines, où ses Perses n'ont d'ostensiblement afro-américain que sa photo en quatrième de couverture." D'où, zéro ventes, forcément.
Justement ladite librairie propose le best seller "Not'vie à nous au ghetto" de Juanita Mae Jenkins. Ecoeuré par cette prose, il décide d'écrire sous un pseudonyme un roman du ghetto correspondant à ce qu'on attend d'un auteur noir, car il a bien besoin d'argent pour vivre (il a démissionné de son poste pour s'occuper de sa mère frôlant l'Alzheimer; sa soeur médecin vient d'être assasinée; son frère vient d'effectuer son coming out et ça se passe mal. Donc tout retombe sur lui).
Voici donc Putain! de Stagg R.Leigh, une parodie délirante, l'histoire de Van Go Jenkins, dix neuf ans, quatre gamins de quatre mères différentes.
"La mère d'Aspireene s'est maquée avec un Black, Chien Enragé, qu'on l'appelle, alors pas besoin d'aller flairer son pieu. Pas envie de me faire plomber le cul par un dur. Ça risque pas. Tynelona, sa mère est naze, elle s'est dégoté un calibre 9, j'me pointe, elle me dégomme, pasque j'lui ai pas filé de thune, trois mois, ça fait, qu'elle m'en demande. Ma plus grande, Dexatrina, sa mère elle m'aime toujours. J'pourrais aller tirer mon coup, mais pour m'casser après, autant essayer d'changer du lait en Coca. J' décide d'aller voir Rexall, mon fils. L'est trizaumic, mais ça va. L'a pas besoin d'tête dans c'putain d'monde" Etc pendant 80 pages.
Patatras! Gros succès, le roman va paraître, il est sélectionnné pour un prix (dont Ellison est juré!). Ellison qui se débat dans sa vie personnelle et ses problèmes.
"Le terrifiant dans l'histoire est qu'en niant ou refusant toute complicité dans la marginalisation des auteurs "noirs" je me retrouvai au plus loin de l'autre côté d'une ligne n'ayant d'existence qu'au mieux imaginaire. Pour moi, écrire ne relevait ni du témoignage ni du geste de protestation sociale (même si, d'une certaine manière, écrire en relève toujours) et je 'étais pas non plus porté par une prétendue tradition orale. Je n'avais jamais eu l'intention de libérer qui que ce fut, ni de produire la peinture authentique dernier cri de la vie de mon peuple, n'ayant jamais eu de peuple dont j'eusse eu une idée assez précise pour le peindre. Si j'avais écrit juste après la reconstruction, peut-être aurais-je eu pour propos d'élever la condition de mes semblables soumis à l'oppression. Mais l'ironie était superbe. J'étais victime de racisme pour n'avoir pas reconnu de différence raciale ni accepté que mon art fut défini comme un exercice autobiographique émanant d'un représentant d'une race. Je devais donc d'échapper à l'oppression économique à un livre du même acabit que ceux que je jugeais racistes. J'allais devoir porter le masque de la personne que l'on m'imaginait être."
Merci à Ys (lire son billet) d'avoir mis en lumière ce roman absolument passionnant dont on ressort en se posant des questions sur ce qu'est la littérature afro-américaine -faut-il ces classements, d'ailleurs? Ajoutons une jolie peinture satirique des milieux littéraires, une belle palette d'écriture, de l'érudition (j'avoue ne pas avoir vraiment suivi les quelques pages de conférence, au début...). Sans oublier l'histoire d'un homme devant affronter de difficiles responsabilités, comme tout un chacun, quelle que soit sa couleur. Fort souvent franchement jubilatoire!
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Anne
Il y a 2 ans
clara
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Il y a 2 ans
In Cold Blog
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Mango
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