Petits bonheurs de l'édition
Journal de stage
Bruno Migdal
Editions de la différence, 2011
Particulièrement depuis que je tiens ce blog et que je reçois quelques livres (pas tant que cela, d'ailleurs, moi aussi je trie pas mal) d'adresses parisiennes, je rêve de découvrir l'envers du décor des maisons d'éditions. J'imagine de belles salles aux parquets luisants baignés de soleil, aux murs couverts de livres, les manuscrits s'entassant sur les bureaux et envahissant même le sol. Les cris de joie des lecteurs maison à découvrir une oeuvre superbe... N'étant pas naïve à ce point quand même, la découverte du petit opus de Bruno Migdal ne m'a pas trop traumatisée.
Bruno Migdal "travaille dans un établissement scientifique en région parisienne" et a décroché à la fois un congé du-dit établissement et un stage de trois mois (non rémunéré) chez un éditeur, rue des Saints Pères. Ne vérifiez pas, c'est Grasset.
Portant sur cette petite fourmilière un regard amusé, bienveillant et décontracté, il croque le portrait des habitués de la maison, éditeurs et auteurs, que l'on reconnaîtra aisément, réduits à des initiales (de ma petite province non germanopratine, je les ai reconnus, c'est dire!), dévoile quelques habitudes, raconte son quotidien de lecteur et rédacteur de fiches, sans grand pouvoir décisionnaire. Les manuscrits sont souvent médiocres, un auteur anonyme sans espoir d'être édité fait une apparition pathétique, un manuscrit sortant du lot est cependant refusé.
C'est court, agréable à lire, amusant et instructif. Coïncidence, j'ai lu en gros au même moment La liseuse de Paul Fournel, qui se déroule dans le même milieu éditorial.
"Étrange regard que celui d'un premier lecteur sur un texte sur lequel ne s'est jamais posé et ne s'en posera guère d'autres. regard qui, avant cette expérience, s'inscrivait toujours dans le cadre préalablement disposé, composé, modelé, par des paysagistes: ici, le défricheur c'est précisément vous, vous seul, ce qui oblige à réajuster et redéfinir votre champ de vision.Un texte publié, même médiocre, répond toujours à des critères formels qui, même poussés dans leurs retranchements, assurent sa lisibilité ou plus exactement l'adéquation entre son projet et son résultat; un manuscrit, lui, n'obéit plus nécessairement à une norme d'intelligibilité, ce peut être une jungle asphyxiante un désert minéral ou un tracé d'autoroute sans aire de repos ni destination, qu'il faut tenter d'imaginer ramené aux exigences d'un paysage plus hospitalier.
Fruit d'un labeur acharné, reflet d'un investissement névrotique et d'une expérience subjective unique, ce texte, parfois conséquent, lourd de centaines de feuillets, peut dès les premières lignes receler un vide structurel qui le rend aussitôt impraticable, ruine sa viabilité, son auteur ayant d'emblée négligé quelques règles fondamentales d'architecture : les yeux rivés sur l'exécution des moulures, sur le jointoiement des lés de tapisserie, il a omis d'y prévoir fenêtres ou escalier, les murs prennent de l'angle dès les soubassements, on n'ose y faire un pas de plus : l'édifice est irrécupérable, voué à la démolition, bien peu ayant la folie créatrice et jusqu'au boutiste du facteur Cheval."
Sébastien en parle.
Journal de stage
Bruno Migdal
Editions de la différence, 2011
Particulièrement depuis que je tiens ce blog et que je reçois quelques livres (pas tant que cela, d'ailleurs, moi aussi je trie pas mal) d'adresses parisiennes, je rêve de découvrir l'envers du décor des maisons d'éditions. J'imagine de belles salles aux parquets luisants baignés de soleil, aux murs couverts de livres, les manuscrits s'entassant sur les bureaux et envahissant même le sol. Les cris de joie des lecteurs maison à découvrir une oeuvre superbe... N'étant pas naïve à ce point quand même, la découverte du petit opus de Bruno Migdal ne m'a pas trop traumatisée.
Bruno Migdal "travaille dans un établissement scientifique en région parisienne" et a décroché à la fois un congé du-dit établissement et un stage de trois mois (non rémunéré) chez un éditeur, rue des Saints Pères. Ne vérifiez pas, c'est Grasset.
Portant sur cette petite fourmilière un regard amusé, bienveillant et décontracté, il croque le portrait des habitués de la maison, éditeurs et auteurs, que l'on reconnaîtra aisément, réduits à des initiales (de ma petite province non germanopratine, je les ai reconnus, c'est dire!), dévoile quelques habitudes, raconte son quotidien de lecteur et rédacteur de fiches, sans grand pouvoir décisionnaire. Les manuscrits sont souvent médiocres, un auteur anonyme sans espoir d'être édité fait une apparition pathétique, un manuscrit sortant du lot est cependant refusé.
C'est court, agréable à lire, amusant et instructif. Coïncidence, j'ai lu en gros au même moment La liseuse de Paul Fournel, qui se déroule dans le même milieu éditorial.
"Étrange regard que celui d'un premier lecteur sur un texte sur lequel ne s'est jamais posé et ne s'en posera guère d'autres. regard qui, avant cette expérience, s'inscrivait toujours dans le cadre préalablement disposé, composé, modelé, par des paysagistes: ici, le défricheur c'est précisément vous, vous seul, ce qui oblige à réajuster et redéfinir votre champ de vision.Un texte publié, même médiocre, répond toujours à des critères formels qui, même poussés dans leurs retranchements, assurent sa lisibilité ou plus exactement l'adéquation entre son projet et son résultat; un manuscrit, lui, n'obéit plus nécessairement à une norme d'intelligibilité, ce peut être une jungle asphyxiante un désert minéral ou un tracé d'autoroute sans aire de repos ni destination, qu'il faut tenter d'imaginer ramené aux exigences d'un paysage plus hospitalier.
Fruit d'un labeur acharné, reflet d'un investissement névrotique et d'une expérience subjective unique, ce texte, parfois conséquent, lourd de centaines de feuillets, peut dès les premières lignes receler un vide structurel qui le rend aussitôt impraticable, ruine sa viabilité, son auteur ayant d'emblée négligé quelques règles fondamentales d'architecture : les yeux rivés sur l'exécution des moulures, sur le jointoiement des lés de tapisserie, il a omis d'y prévoir fenêtres ou escalier, les murs prennent de l'angle dès les soubassements, on n'ose y faire un pas de plus : l'édifice est irrécupérable, voué à la démolition, bien peu ayant la folie créatrice et jusqu'au boutiste du facteur Cheval."
Sébastien en parle.
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Dominique
Il y a 1 an
Nadael
Il y a 1 an
Mélopée
Il y a 1 an
Anne
Il y a 1 an
clara
Il y a 1 an
Aifelle
Il y a 1 an
Manu
Il y a 1 an
gambadou
Il y a 1 an
In Cold Blog
Il y a 1 an
Anis
Il y a 1 an
Catherine
Il y a 1 an
Lystig
Il y a 1 an
Mango
Il y a 1 an
L'irrégulière
Il y a 1 an
unepauselivre
Il y a 1 an
A_girl_from_earth
Il y a 1 an
Géraldine
Il y a 1 an
Edelwe
Il y a 1 an
keisha
Il y a 1 an
Sébastien
Il y a 1 an
keisha
Il y a 1 an
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