Dans le jardin de la bête
In the garden of beasts
Erik Larson
le cherche midi, 2012En 1933, le poste d'ambassadeur américain à Berlin est à pourvoir, mais le président Roosevelt se voit opposer plusieurs refus, jusqu'à ce que William Dodd accepte. "C'était un chercheur et un démocrate de l'école de Jefferson, un homme rural qui aimait l'histoire et la vieille Allemagne où il avait étudié dans sa jeunesse." "Diplomate par accident et non par tempérament", il essaiera de garder un train de vie simple, ce qui ne plaira pas à tous. Il s'installe à Berlin en juillet 1933, avec sa femme, son fils, et sa fille Martha. La vie sentimentale de cette dernière est bouillonnante, allant de Rudolf Diels, premier chef de la Gestapo, à Boris Winogradov, espion russe de l'ambassade d'Union soviétique. Dîners protocolaires, rencontres au Tiergarten pour plus de discrétion, sorties à la campagne, amitiés, coups en douce, échanges diplomatiques avec les dirigeants nazis, le quotidien de Dodd est bien occupé, au point qu'il doute de terminer son livre sur Le vieux Sud.
Au début de leur séjour, Martha et son père ont des opinions plutôt positives sur Hitler et son entourage, espérant que les agressions contre les juifs en particulier vont se calmer, et même que les allemands se débarrasseront bientôt de leur chancelier. Mais ils devront déchanter, Dodd supportant de plus en plus mal l'ambiance oppressante du pays.
Vous l'aurez compris, ceci n'est pas un roman! Larson s'appuie sur des documents nombreux, en particulier les journaux de Dodd et Martha, des lettres et documents officiels, etc... Il a le talent de mettre tout cela en forme pour en donner un récit passionnant. De toute façon, les faits se suffisent à eux-mêmes, pas la peine d'en ajouter dans l'angoissant et le sensationnel! J'ai apprécié cette efficace sobriété, et ressenti le malaise qui régnait à cette époque en Allemagne, la peur de bien des habitants, la folie des dirigeants, l'aveuglement de la majorité des étrangers, en Allemagne comme aux Etats-Unis.
Plus tard, sa lucidité sera reconnue : "Je me dis souvent que très peu d'hommes ont su saisir, comme lui, ce qui se produisait en Allemagne, et certainement très peu d'hommes ont su saisir mieux que lui les répercussions pour le reste de l'Europe, pour nous et pour le monde entier, des événements dans le pays."
L'épilogue raconte aussi de ce que sont devenus la plupart des personnages. Larson parle ensuite de ses sources et son temps d'écriture, avouant que "Vivre parmi les nazis jour après jour s'est révélé une expérience exceptionnellement éprouvante."Ne pas omettre les notes, avec souvent de belles anecdotes. La bibliographie est conséquente aussi.
Un pavé passionnant qui se lit tout seul, un témoignage sur les premières années du nazisme au pouvoir, vues de l'ambassade américaine.
Merci à l'éditeur et à Solène P.
Commentaires
toc je l'ajoute illico à ma liste préférée
un marque page spécial pour les notes, très nombreuses, je ne retiens les (numéros des) notes que si elles apportent un plus (pour m'y référer le temps voulu), si ce n'est qu'une référence, je laisse passer.
Une période dont on croit tout savoir, mais non, justement, et puis là c'est un témoignage inattendu.
D'un autre côté, Berlin 2012, c'était il y a peu, pour toi!
Tu pourras zieuter, en effet! Oui, l'auteur a fait un gros travail là-dessus, pffou!
J'attends ton billet!
Quant au talent de l'auteur pour nous plonger sans efforts dans une période donnée, je le connaissais, ayant lu son précédent "roman" sur l'exposition de Chicago au 19ème siècle.
(pas trouvé sur ton blog?)
Bon week end!
En effet, un bon livre! On s'y attache, à cet ambassadeur qui n'a pas eu la tâche facile.
Bref, je te déteste ;p Merci quand même pour le billet !!
Difficile à ranger pour les librairies (surtout si elles ne l'ont pas lu...). Ce n'est pas un polar (scoop! Hitler est l'assassin, tu parles...) mais une non fiction basée sur des documents réels et variés. L'auteur "colle" à l'Histoire, sans que ce ne soit lourdingue. Bon style, vivant.
Quant à la période, je n'en suis pas fan moi non plus, mais j'ai fait confiance à l'auteur qui avait su me passionner avec un truc aussi improbable que la grande exposition de Chicago...
En fait, ma librairie range en polars et thrillers tout ce qui a cette connotation qu'il s'agisse de fictions ou pas. Tous les livres présentés dans le cadre du projet et ayant cette orientation (4 de mémoire) sont classés dans ce rayon dans ma librairie (quoique ce livre-ci mériterait plutôt d'être classé au rayon "Histoire" d'après ton article mais passons).
Je pense que c'est peut-être plus une stratégie commerciale qu'un manque de connaissance des libraires (je parle pour ma librairie où, globalement, les libraires "tiltent" quand tu leur cites un livre que tu cherches et ne te demandent pas si "David Copperfield" est une parution récente ;). Stratégie commerciale dans le sens où tu as bien plus de personnes qui se dirigent spontanément vers le rayon polars/thrillers que de personnes fouinant au rayon histoire...
Rayon Histoire, il n'aurait aucune chance!!! ^_^
J'ajoute que c'est déjà en poche.
Je crois que le style était plus limpide, moins factuel et moins journalistique dans "le diable dans la ville blanche".
Je suis déçue d'avoir été déçue mais c'est ainsi... je jetterai probablement un oeil à ses prochaines parutions quand même !