Le chiffre des sœurs
Antoine Piazza
Editions du Rouergue, 2012
Il y a un mystère Piazza. Moi qui déteste en général ces romans trop inspirés par la vie d'un auteur, j'ai dévoré cette chronique façon puzzle à la chronologie vagabonde axée sur les quatre tantes de l'auteur, Annabelle, Armelle, Alice et Angèle. Le lecteur traverse un vingtième siècle et ses évolutions, particulièrement dans cette petite bourgeoisie. Oncles et neveux, gendres et beaux frères, grand-pères restent en arrière plan. Rien de sensationnel ne survient, pas de folie, d'inceste, de catastrophe, mais Piazza transforme la banalité grâce à son regard lucide et détaché. Non, on ne saura rien de ses états d'âme, de ses interventions. Son affection pour cette famille est palpable et il ne prend pas parti. Pourtant ces sœurs ont parfois leur caractère, leurs défauts et leurs manies!
A feuilleter les romans de Piazza, on peut hésiter : c'est dense, pas de dialogues pour aérer les pages. Mais une fois lancée dans une de ses (longues) phrases, je suis accrochée et l'élégance de la langue me berce et m’entraîne...
"Mon père, prenant livraison, dans la semaine qui suivit, d'une nouvelle voiture, fut étonné de ne pas voir, après l'interminable et minutieux examen qui exaspérait d'ordinaire le concessionnaire et les vendeurs réunis derrière lui et à l'issue duquel il il réglait le solde dû à la livraison, l'orifice ombilical et familier qui, au moment de prendre la route, le sauvait éventuellement de la paralysie ou de la pluie. En réalité, Renault avait depuis peu supprimé la manivelle ancestrale et sommaire et fait naître la voiture moderne, docile et exempte de pannes, et les lourds ahans des citadins congestionnés rejoignirent dans un vent archaïque et froid les cris de paysans poussant leurs bêtes."
Les avis de Enfin livre! , sans connivence, le cadran lunaire, babelio,
Et je continue avec le même!
Les ronces
Antoine Piazza
Editions du Rouergue, 2006
Toujours dans l'autobiographie distanciée, après sa famille dans Le chiffre des sœurs, son séjour en Afrique dans La route de Tassiga, (quoique Roman fleuve flirtait avec la SF), l'auteur évoque maintenant ses sept années comme instituteur dans un village isolé du Haut-Languedoc, dans les années 80, époque charnière de la vie du village, puisque l'école fermera, et il partira à Sète.
Piazza se livre un peu plus, dans ses façons pas toujours acceptées de faire la classe, ses balades à pied dans la région, sa vie de famille, la poésie gardée par son père dans son portefeuille, et ses premiers pas d’écrivain aux manuscrits refusés.
Mais l'essentiel du livre vaut pour la description de figures du village au fil du temps, le maire, les familles de ses élèves, les gens du cru, les rapportés (comme on dit par chez moi), les exilés de retour au pays natal. C'est croqué sans méchanceté, avec précision, un brin de nostalgie, un grand sens de l'observation, et toujours une écriture ample non dénuée de souffle.
Les avis de Wodka, l'antre des mots, Le bibiophare,
Antoine Piazza
Editions du Rouergue, 2012
Il y a un mystère Piazza. Moi qui déteste en général ces romans trop inspirés par la vie d'un auteur, j'ai dévoré cette chronique façon puzzle à la chronologie vagabonde axée sur les quatre tantes de l'auteur, Annabelle, Armelle, Alice et Angèle. Le lecteur traverse un vingtième siècle et ses évolutions, particulièrement dans cette petite bourgeoisie. Oncles et neveux, gendres et beaux frères, grand-pères restent en arrière plan. Rien de sensationnel ne survient, pas de folie, d'inceste, de catastrophe, mais Piazza transforme la banalité grâce à son regard lucide et détaché. Non, on ne saura rien de ses états d'âme, de ses interventions. Son affection pour cette famille est palpable et il ne prend pas parti. Pourtant ces sœurs ont parfois leur caractère, leurs défauts et leurs manies!
A feuilleter les romans de Piazza, on peut hésiter : c'est dense, pas de dialogues pour aérer les pages. Mais une fois lancée dans une de ses (longues) phrases, je suis accrochée et l'élégance de la langue me berce et m’entraîne...
"Mon père, prenant livraison, dans la semaine qui suivit, d'une nouvelle voiture, fut étonné de ne pas voir, après l'interminable et minutieux examen qui exaspérait d'ordinaire le concessionnaire et les vendeurs réunis derrière lui et à l'issue duquel il il réglait le solde dû à la livraison, l'orifice ombilical et familier qui, au moment de prendre la route, le sauvait éventuellement de la paralysie ou de la pluie. En réalité, Renault avait depuis peu supprimé la manivelle ancestrale et sommaire et fait naître la voiture moderne, docile et exempte de pannes, et les lourds ahans des citadins congestionnés rejoignirent dans un vent archaïque et froid les cris de paysans poussant leurs bêtes."
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Et je continue avec le même!
Les ronces
Antoine Piazza
Editions du Rouergue, 2006
Toujours dans l'autobiographie distanciée, après sa famille dans Le chiffre des sœurs, son séjour en Afrique dans La route de Tassiga, (quoique Roman fleuve flirtait avec la SF), l'auteur évoque maintenant ses sept années comme instituteur dans un village isolé du Haut-Languedoc, dans les années 80, époque charnière de la vie du village, puisque l'école fermera, et il partira à Sète.
Piazza se livre un peu plus, dans ses façons pas toujours acceptées de faire la classe, ses balades à pied dans la région, sa vie de famille, la poésie gardée par son père dans son portefeuille, et ses premiers pas d’écrivain aux manuscrits refusés.
Mais l'essentiel du livre vaut pour la description de figures du village au fil du temps, le maire, les familles de ses élèves, les gens du cru, les rapportés (comme on dit par chez moi), les exilés de retour au pays natal. C'est croqué sans méchanceté, avec précision, un brin de nostalgie, un grand sens de l'observation, et toujours une écriture ample non dénuée de souffle.
Les avis de Wodka, l'antre des mots, Le bibiophare,
Commentaires
Un fossé se creuse entre nous, car il m'arrive d'abandonner pour cause d'abondance de phrases courtes... ^_^
L'idéal serait un juste milieu, justifié par l'histoire.
Antoine Piazza brode les fils multicolores de ces vies, croise la grande et la petite histoire de Français qui vénèrent Pétain mais sauvent des juifs en les cachant aux miliciens. L'auteur bouscule la chronologie, recompose avec un goût proustien le puzzle familial, se révélant une fois encore un merveilleux explorateur du temps perdu, doublé d'un chroniqueur plein de malice. (Christine Ferniot - Télérama du 25 janvier 2012 )
Hé oui, rien à ajouter! Et ça marche aussi pour son roman Les ronces...
Les fans de l'auteur sont sans doute peu nombreux sur les blogs, mais tenaces...
J'aimerais avoir ton avis sur Le chiffre des sœurs, puisque tu abordes le sujet. Quoi, un bouquin sur le voyage en vélo au Japon? Je me renseigne!