Murtoriu
Marc Biancarelli
Actes sud, 2012
Traduit du corse par Jérôme Ferrari, Marc-Olivier Ferrari et Jean-François Rosecchi
Allez, une fois n'est pas coutume, l'auteur : Marc Biancarelli est enseignant de langue corse, et a publié de nombreux ouvrages en corse et en français. La VO de Murtoriu a été publiée en 2009.
En langue corse, murtoriu revêt le double sens de glas et d'avis de décès.
"Et déjà il lui semble entendre les cloches sonner le glas dans son village, les gens qui tombent de désespoir, qui se jettent dans le ravin, les enfants sans soutien. Il entend le glas sonner, qui fige les campagnes, et il voit les gendarmes arriver, tenant à la main les télégrammes bleus qui annoncent eux aussi la mort, la mort sans fin, et qui disent la boucherie de Dieuze, qui disent les massacres des Eparges, et qui disent le désastre de l'Argonne, et qui racontent les tueries de la côte 304 et du Mort-Homme, et le carnage de ce jour, et tous ces avis de décès envoyés vers sa terre lointaine, et qui lui parlent, qui lui annoncent la fin de tout, la fin d'un monde, et il est vivant, lors que tous les autres, tous ceux qu'il connaissait, ceux qui chantaient avec lui dans le train du départ, tous sont morts.(...). La fin, la fin est là. Et le glas qui sonne là-bas dans les Terres.
Per pudèlavi spiega
Un vale carte nè penne
Lu sangue curria à fiume
Corsi è Alumani inseme."
Marc-Antoine Cianfarani, le grand-père, est revenu des tranchées de la première guerre mondiale (époustouflants chapitres!) et de nos jours Marc-Antoine Cianfarani son petit-fils quarantenaire traîne sa misanthropie: seuls trouvent grâce quelques amis. Il vivote dans sa librairie qu'il ferme au fort de l'été, fuyant les touristes, écrit des poèmes, et préfère se réfugier dans un village de la montagne corse. Il ne mâche pas ses mots, ses opinions sont brut de décoffrage, ses rapports avec les femmes, disons, difficiles, même si un cœur bat sous le cuir. Il déteste les touristes et les promoteurs qui défigurent son île. C'est rude, c'est âpre, sans concession. Les continentaux en prennent pour leur grade (passages hilarants...). Les maux de l'île ne sont pas passés sous silence - un vol, un racket et deux assassinats en moins de 300 pages... "Je ne voudrais pas ajouter à ma décadence et à mon inadaptation à ce monde cinglé le fait d'avoir l'air d'un con. Inutile d'aggraver mon cas, il me suffit de passer pour un asocial et un mec puant - ce que je suis." Lucide dans l'auto dérision, quoi.
Je n'ai pas tout compris, n'ai pas envie de tout analyser, d'autres le font mieux. Mais quel beau texte! Quelle écriture! Lisez ce roman.
Le bel article de l'Or des livres, qui l'a lu d'abord en corse, son second billet avec les traductions des citations précédemment en corse, l'avis de mediapart, chez Babelio,
(remarque : désolée, je n'avais pas vu venir l'événement précis dont parlent ces billets, et qui n'advient qu'après la page 200 - sur 270)(donc attention spoiler)
Oh mais je réalise que la Corse est une ile! Et hop, challenge de Géraldine
Tiens donc, ce roman me permet de démarrer (enfin!) le challenge Vivent nos régions de Lystig.
Marc Biancarelli
Actes sud, 2012
Traduit du corse par Jérôme Ferrari, Marc-Olivier Ferrari et Jean-François Rosecchi
Allez, une fois n'est pas coutume, l'auteur : Marc Biancarelli est enseignant de langue corse, et a publié de nombreux ouvrages en corse et en français. La VO de Murtoriu a été publiée en 2009.
En langue corse, murtoriu revêt le double sens de glas et d'avis de décès.
"Et déjà il lui semble entendre les cloches sonner le glas dans son village, les gens qui tombent de désespoir, qui se jettent dans le ravin, les enfants sans soutien. Il entend le glas sonner, qui fige les campagnes, et il voit les gendarmes arriver, tenant à la main les télégrammes bleus qui annoncent eux aussi la mort, la mort sans fin, et qui disent la boucherie de Dieuze, qui disent les massacres des Eparges, et qui disent le désastre de l'Argonne, et qui racontent les tueries de la côte 304 et du Mort-Homme, et le carnage de ce jour, et tous ces avis de décès envoyés vers sa terre lointaine, et qui lui parlent, qui lui annoncent la fin de tout, la fin d'un monde, et il est vivant, lors que tous les autres, tous ceux qu'il connaissait, ceux qui chantaient avec lui dans le train du départ, tous sont morts.(...). La fin, la fin est là. Et le glas qui sonne là-bas dans les Terres.
Per pudèlavi spiega
Un vale carte nè penne
Lu sangue curria à fiume
Corsi è Alumani inseme."
Marc-Antoine Cianfarani, le grand-père, est revenu des tranchées de la première guerre mondiale (époustouflants chapitres!) et de nos jours Marc-Antoine Cianfarani son petit-fils quarantenaire traîne sa misanthropie: seuls trouvent grâce quelques amis. Il vivote dans sa librairie qu'il ferme au fort de l'été, fuyant les touristes, écrit des poèmes, et préfère se réfugier dans un village de la montagne corse. Il ne mâche pas ses mots, ses opinions sont brut de décoffrage, ses rapports avec les femmes, disons, difficiles, même si un cœur bat sous le cuir. Il déteste les touristes et les promoteurs qui défigurent son île. C'est rude, c'est âpre, sans concession. Les continentaux en prennent pour leur grade (passages hilarants...). Les maux de l'île ne sont pas passés sous silence - un vol, un racket et deux assassinats en moins de 300 pages... "Je ne voudrais pas ajouter à ma décadence et à mon inadaptation à ce monde cinglé le fait d'avoir l'air d'un con. Inutile d'aggraver mon cas, il me suffit de passer pour un asocial et un mec puant - ce que je suis." Lucide dans l'auto dérision, quoi.
Je n'ai pas tout compris, n'ai pas envie de tout analyser, d'autres le font mieux. Mais quel beau texte! Quelle écriture! Lisez ce roman.
Le bel article de l'Or des livres, qui l'a lu d'abord en corse, son second billet avec les traductions des citations précédemment en corse, l'avis de mediapart, chez Babelio,
(remarque : désolée, je n'avais pas vu venir l'événement précis dont parlent ces billets, et qui n'advient qu'après la page 200 - sur 270)(donc attention spoiler)
Oh mais je réalise que la Corse est une ile! Et hop, challenge de Géraldine
Tiens donc, ce roman me permet de démarrer (enfin!) le challenge Vivent nos régions de Lystig.
Commentaires
Il faudra que je lise bientôt ce dernier dont on dit du bien, mais celui-ci, avec des chapitres sur la Grande Guerre, semble avoir bien des atouts pour me combler.
Ne fût-ce que celui d'être un beau texte selon vos mots.
Murtoriu et Le sermon sur la chute de Rome sont tous deux à lire, que puis-je dire d'autre?
Le héros de Biancarelli n'a pas la langue de bois, attention!
Quant au dernier de Ferrari, ouah je l'ai lu ensuite (mon côté monomaniaque par instants) et j'ai aimé aussi! Ne crains pas d'overdose corse, deux bouquins c'est correct.
Ma bibli a bien fait son travail, mais je devais être la première à l'emprunter, la bibliothécaire m'a demandé mon avis (positif!)
Mais quel bouquin prenant et quel souffle! Mérite donc lecture, quoi.
De plus, c'est excellent, que demande le peuple?
J'ai tendance, quand le livre est riche, à en faire de longues – et parfois fastidieuses ! - analyses qu'il vaut mieux en effet ne consulter qu'après lecture du livre. Ceux qui ont envie d'avoir un aperçu de Murtoriu peuvent toutefois consulter directement les extraits que je donne toujours en fin d'article.
Sinon, je signale un entretien avec Marc Biancarelli qui vient d'être publié sur "La Cause littéraire" et permettra de faire connaissance avec cet auteur, répondant peut-être aux questions que l'on peut se poser sur l'écriture de "Murtoriu" et sur sa traduction :
http://www.lacauselitteraire.fr/entretien-avec-marc-biancarelli-a-l-occasion-de-la-parution-de-murtoriu-en-francais
( Je vous signale aussi que la critique publiée dans Mediapart n'est pas l'avis de ce journal mais encore le mien, et qu'il reprend , au sujet de la traduction, l'essentiel de mon analyse de Murtoriu en corse publiée sur mon blog L'or des livres .
J'ai bien vu les extraits que vous proposez, sûrement la lecture directement en corse est une chance. D'ailleurs le seul extrait que je cite se termine par un passage en corse, il le fallait!^_^
La tendance aux longs articles, je ne la vis que pour certains gros classiques, c'est donc rare. Mais je vous comprends, ce roman ci est d'une grande richesse.
J'espère que d'autres écrits de Biancarelli seront traduits, je remarque d'ailleurs sur votre blog que vous lui faites une jolie place (ainsi qu'à Ferrari) - et à juste titre!
Biancarelli intervient dans le Nouvel Obs de cette semaine, terminant son entretien par "Le drame de la Corse, c'est qu'elle est passée du 19ème siècle au 21ème, en sautant le 20ème)
Je note la référence de La cause littéraire, merci encore!
Pour moi, c'est un tel bonheur de découvrir des écrivains denses, oui, mais qui ne laissent pas indifférents.
Tous les autres écrits de l'auteur ont été traduits, les fictions (3 recueils de nouvelles et un premier roman) principalement par Jérôme Ferrari,et les prochains le seront sûrement ...
Quant à la lecture directement en corse, toute personne maîtrisant comme moi la lecture de l'italien (à défaut de pouvoir le parler correctement) peut s'y lancer ...
http://l-or-des-livres-blog-de-critique-litteraire.over-blog.com/article-murtoriu-le-glas-de-marc-biancarelli-105848410.html
J'avais remarqué que vous vous étiez lancée dans le corse en ayant une connaissance de l'italien. C'est sûr que certains mots m'étaient aussi compréhensibles. Mais des mots seulement.
une future lecture (en Corse) (l'île, pas la langue !!!)