A la réflexion
David Lodge
Rivages Poche, 2012
Traduit par Marc Amfreville
Depuis qu'une collègue m'a demandé il y a une quinzaine d'années "Tu connais David Lodge?" , j'ai quasiment tout lu (et parfois relu) de lui (et même deux romans non traduits, qui ne le seront jamais, à la demande de l'auteur; dommage).
L'on pourrait se méfier de ce recueil d'essais écrits à l'origine pour divers médias ou divers publics, en particulier de possibles répétitions. Il n'en est heureusement rien, et Lodge, à la fois écrivain et professeur de littérature anglaise, sait aussi se garder de propos trop techniques, même si c'est parfois du costaud.
Il dévoile un peu de sa vie, dans Pourquoi j'écris? et Souvenirs d'une enfance catholique, évoque la genèse de Un tout petit monde, et que représente pour lui Joyce.
Même avec des thèmes tels Réalité et fiction dans le roman, Le roman comme forme de communication, L'amour et le mariage dans le roman, Critique et création, Kierkegaard appliqué, il sait rester pratique, brillant, et s'appuyer sur ses romans. Doit-on les avoir lus? Préférable, sans doute. En dévoile-t-il parfois trop à de futurs lecteurs? C'est le risque. Donne-t-il envie de relire ses romans? Oh que oui.
Le dernier essai, La conscience et le roman, est (entre autres) l'occasion, en plus de cent pages passionnantes, de parcourir de façon extrêmement intelligente et claire l'évolution romanesque depuis deux siècles. De Jane Austen et des victoriens, puis Woolf, James, et Joyce, et de plus contemporains, établissant pour ces derniers un rapprochement intéressant entre leur façon d'écrire et le cinéma (dont la fonction est aussi de raconter des histoires). Je ne pourrai plus lire certains auteurs avec le même œil. Précisons qu'il s'agit bien évidemment surtout d'auteurs anglais. Même si l'on croise Powers, Roth et Robbe-Grillet. Désolée...
Des passages? Hélas trop longs, trop nombreux, peu satisfaisants hors contexte.
"Pour moi un roman commence d'ordinaire quand je me rends compte qu'une expérience que j'ai faite présente un intérêt et une unité thématiques pouvant être intégrés à un récit de fiction.Je me mets ensuite à la recherche d'une idée structurante qui produise et contienne cette signification potentielle.(...)
Je n'affirmerais pas, sous prétexte de pouvoir expliquer mon roman ligne à ligne, qu'il ne peut rien signifier d'autre que ce que j'ai voulu y mettre. Je me rends parfaitement compte des dangers qu'il y aurait à limiter la liberté interprétative du lecteur en proposant prématurément ma propre lecture "autorisée" si j'ose dire. D'une certaine façon, un roman est un jeu, un jeu qui nécessite la présence de deux joueurs, un lecteur aussi bien qu'un écrivain. Le romancier qui tente de contrôler ou de dicter les réactions de son lecteur hors des limites du texte pourrait se comparer à un joueur qui ne cesserait de se lever pour aller voir les cartes de son adversaire et qui lui conseillerait laquelle poser au prochain tour. " (deux extraits de Introduction à Un tout petit monde)
David Lodge
Rivages Poche, 2012
Traduit par Marc Amfreville
Depuis qu'une collègue m'a demandé il y a une quinzaine d'années "Tu connais David Lodge?" , j'ai quasiment tout lu (et parfois relu) de lui (et même deux romans non traduits, qui ne le seront jamais, à la demande de l'auteur; dommage).
L'on pourrait se méfier de ce recueil d'essais écrits à l'origine pour divers médias ou divers publics, en particulier de possibles répétitions. Il n'en est heureusement rien, et Lodge, à la fois écrivain et professeur de littérature anglaise, sait aussi se garder de propos trop techniques, même si c'est parfois du costaud.
Il dévoile un peu de sa vie, dans Pourquoi j'écris? et Souvenirs d'une enfance catholique, évoque la genèse de Un tout petit monde, et que représente pour lui Joyce.
Même avec des thèmes tels Réalité et fiction dans le roman, Le roman comme forme de communication, L'amour et le mariage dans le roman, Critique et création, Kierkegaard appliqué, il sait rester pratique, brillant, et s'appuyer sur ses romans. Doit-on les avoir lus? Préférable, sans doute. En dévoile-t-il parfois trop à de futurs lecteurs? C'est le risque. Donne-t-il envie de relire ses romans? Oh que oui.
Le dernier essai, La conscience et le roman, est (entre autres) l'occasion, en plus de cent pages passionnantes, de parcourir de façon extrêmement intelligente et claire l'évolution romanesque depuis deux siècles. De Jane Austen et des victoriens, puis Woolf, James, et Joyce, et de plus contemporains, établissant pour ces derniers un rapprochement intéressant entre leur façon d'écrire et le cinéma (dont la fonction est aussi de raconter des histoires). Je ne pourrai plus lire certains auteurs avec le même œil. Précisons qu'il s'agit bien évidemment surtout d'auteurs anglais. Même si l'on croise Powers, Roth et Robbe-Grillet. Désolée...
Des passages? Hélas trop longs, trop nombreux, peu satisfaisants hors contexte.
"Pour moi un roman commence d'ordinaire quand je me rends compte qu'une expérience que j'ai faite présente un intérêt et une unité thématiques pouvant être intégrés à un récit de fiction.Je me mets ensuite à la recherche d'une idée structurante qui produise et contienne cette signification potentielle.(...)
Je n'affirmerais pas, sous prétexte de pouvoir expliquer mon roman ligne à ligne, qu'il ne peut rien signifier d'autre que ce que j'ai voulu y mettre. Je me rends parfaitement compte des dangers qu'il y aurait à limiter la liberté interprétative du lecteur en proposant prématurément ma propre lecture "autorisée" si j'ose dire. D'une certaine façon, un roman est un jeu, un jeu qui nécessite la présence de deux joueurs, un lecteur aussi bien qu'un écrivain. Le romancier qui tente de contrôler ou de dicter les réactions de son lecteur hors des limites du texte pourrait se comparer à un joueur qui ne cesserait de se lever pour aller voir les cartes de son adversaire et qui lui conseillerait laquelle poser au prochain tour. " (deux extraits de Introduction à Un tout petit monde)
Bien-sûr que le romancier va voir les cartes du jeu de son lecteur ! Comment pourrait-il en être autrement ? J'irai jusqu'à comparer l'écriture au tennis à un seul joueur. Il faut en écrivant se mettre en permanence à la place du lecteur : "Si j'écris ça, que va-t-il imaginer pour la suite ?". C'est là que l'auteur va, en revenant devant son clavier chercher à surprendre....
RépondreSupprimerTennis à un joueur, en effet, bonne image aussi, mais plus pour les romans à suspense?
SupprimerMais Lodge reconnaît à son lecteur le droit de voir dans le roman autre chose ou plus qu'il n'y a mis lui-même...
Personnellement, dans cette métaphore, je pense plutôt que l'auteur imagine les cartes qu'a le lecteur, car il sait combien et quelles cartes contient le jeu qu'il a distribué, mais ne peut pas être certain de celles dont disposera le lecteur. C'est pour moi un véritable jeu de poker, avec ses devinettes et ses bluffs. L'auteur dispose les cartes littéraires selon un certain agencement, par exemple en cherchant à surprendre, mais n'est jamais certain d'y parvenir et pourrait très bien lui-même être surpris de la façon dont le lecteur a interprété les cartes qu'il a disposée. On passe alors du poker au jeu de tarot. Comment expliquer la divergence des avis de lecture et des ressentis sans la subjectivité de chaque lecteur qui interprète les cartes disposées par l'auteur et les joue à son tour selon sa sensibilité ?
SupprimerJe sens que je suis capable d'écrire un essai entier si ne m'arrête pas maintenant, donc il vaut mieux que je me taise à ce sujet. En ce qui concerne ce livre, il m'intéresserait vraiment beaucoup, s'il n'y avait ton "avertissement" sur l'intérêt de connaître les œuvres de l'auteur. Ca m'a déjà bloqué pour un autre texte de ce genre, peut-être que j'essayerai de le lire en passant outre ce "détail".
Tu exprimes bien ce que j'avais ressenti. D'ailleurs Lodge cite des exemples où des lecteurs avaient vu dans un de ses romans un détail dont lui-même n'était pas conscient en l'écrivant.Et je suis sûre qu'il n'est pas le seul romancier à qui cela arrive (disons que pour les polars l'auteur distribue les cartes à son idée pour feinter le lecteur, mais c'est particulier)(quoique Lodge ait réussi à me surprendre au détour d'un paragraphe)
SupprimerEn effet nous avons ensuite des lecteurs aux différents ressentis (et pour un même lecteur, des ressentis différents à des lectures et relectures). Ceci étant, je n'aime pas trop qu'on soit obligé de décortiquer ce que l'auteur a bien voulu dire, trop le souvenir des études au lycée... Souvent le pauvre auteur n'en peut mais, avec ce qu'on trouve dans son texte.
Essaie de le lire, si tu n'as pas l'intention d'attaquer ses romans dans un futur très proche. Évidemment il ne raconte pas toutes ses intrigues, mais se repose sur ses romans pour des exemples. Cependant le dernier essai, quasiment 100 pages, est dédié à d'autres auteurs.
Ce que certains professeurs semblent souvent omettre de dire, par facilité et pour éviter la rafle de questions suivantes, c'est qu'en analysant un texte, on ne cherche pas ce que l'auteur a voulu dire. Dans mes études, du moins, on s'en fiche ("l'auteur est souvent bien plus con que ce qu'il écrit", dixit un de mes profs d'analyse), et il n'est pas bienvenu d'utiliser des formulations du type : "l'auteur a voulu exprimer blabla...". Ce qu'on décortique, c'est le texte même et les différents sens qu'on peut en tirer. (C'était juste une petite précision, je comprends que ça laisse de mauvais souvenirs, qu'importe la façon dont on le formule)
SupprimerMerci pour tes précisions sur le texte : je verrai à la lecture si les exemples des romans sont suffisamment clairs ou si je ne m'en sors pas et me rabattrai sur le dernier essai.
Oh mais mes souvenirs (lointains) semblent erronés, ou alors ça a changé.
SupprimerLes exemples sont clairs, je pense, mais le risque est que tu en connaisses un peu trop de l'histoire (mais pas si grave, finalement)
Je rejoins Minou et "son" jeu de cartes. Plusieurs auteurs ont déjà évoqué cette question dans différents contextes : j'écris, mais une fois le livre fini, c'est au lecteur de s'en emparer. J'aime cette approche !
SupprimerPour le reste, lu un seul Lodge ("Pensées secrètes") il y a fort longtemps et ce n'est pas pour moi.
Le lecteur peut en effet y voir ce qu'il veut, à un moment donné... D'où les relectures (mais de livres en valant la peine)
SupprimerLodge et toi, ça n'a pas accroché. Même pas Un tout petit monde? Je l'aime beaucoup, son humour, son érudition, sa façon de rendre simple le compliqué.
Je me souviens comme si c'était hier de ma découverte des premiers romans de Lodge, quelle jubilation ! Il est venu il y a deux-trois dans ma librairie, c'était plein à craquer, il parle très bien de l'écriture et de son univers.
RépondreSupprimerTu es une veinarde, Lodge lui-même près de chez toi, ça m'énerve! ^_^
Supprimerjamais lu cet auteur.. pas taper :)!
RépondreSupprimerQuoi! Tu rates vraiment quelque chose! Allez, tu vas le trouver en bibliothèque!
SupprimerJe t'envie presque d'avoir encore à découvrir ses chouettes romans. Même ses anciens sont bons, tu sais.
Le dernier que j'ai lu ( ou plutôt écouté...) c'était " La Vie en sourdine" The Deaf sentence. Triste et très drôle, intelligent, comme tout ce qu'il publie.
RépondreSupprimerLu et aimé aussi, bien sûr!
Supprimerça fait une éternité que je n'ai pas lu Lodge, et ces essais ont tout pour me plaire !
RépondreSupprimerUn poche bien en vue à la librairie : que faire d'autre?
SupprimerTiens, tu m'intrigues avec ces deux titres que l'auteur n'a pas voulu faire traduire. Pourquoi donc?
RépondreSupprimerIl prétend qu'ils n'étaient pas assez bons à son idée (après tout, c'est lui l'auteur). A une période "je l'aime et je lis tout" je les ai achetés et lus: The picturegoers, 1960, premières amours, catholicisme (en gros, et donc des thèmes assez récurrents chez lui) et Ginger, you're barmy, 1962, en gros le service militaire.
SupprimerAchetés et lus en 1996 et 1997, pas du tout un mauvais souvenir.
J'ai eu moi aussi ma période Lodge mais n'ai rien lu de lui depuis "La vie en sourdine", comme Dominique. Un auteur à suivre encore et toujours donc... :-)
RépondreSupprimerCe petit poche reprend des textes pas forcément récents. Toujours brillant et accessible, ce Lodge!
SupprimerJ'ai lu quelques uns de ses romans mais ça fait si longtemps que je n'en ai pas un souvenir très précis. Le temps est peut-être venu de me replonger dans l'œuvre de cet auteur. Et ce n'est pas toi qui me contrediras! ;-)
RépondreSupprimerTu peux t'y lancer à nouveau, c'est intelligent et plaisant, idéal pour l'été?
SupprimerBien longtemps que je n'ai pas lu Lodge tiens, depuis "Mauvaises pensées" je crois, que je n'avais pas aimé...
RépondreSupprimerAïe! Bon, tu as quand même le choix... Un roman, des essais, il y a de quoi.
SupprimerDavid Lodge, des souvenirs délicieux de lecture mais il ya très longtemps quand même ! Que de fous rires avec les embarras des cathos face aux diktats du pape sur la contraception et avec le petit monde universitaire qu'il connaît si bien ! Je n'ai pas tout lu, mais j'ai aimé très très fort !! Il a contribué à mon amour des auteurs anglo-saxons.
RépondreSupprimerLes cathos et la contraception dans les années 60, un thème traité de façon drôle et parfois tragique dans How far can we go? Il utilise pas mal son vécu, justement. Quant au monde universitaire... J'aime son humour!
Supprimerj'ai beaucoup lu David Lodge mais je me suis un peu lassée car je le trouve un peu trop répétitif
RépondreSupprimerOh on sait qu'il va presque sûrement y avoir des universitaires... Le tout est de laisser passer du temps entre les lectures.
SupprimerCela semble super bien et je note avidement !
RépondreSupprimerMerci de ta confiance!
SupprimerJ'en ai lu plusieurs mais je suis loin d'avoir tout lu !
RépondreSupprimerChic alors, il t'en reste!
Supprimerje suis fan de David Lodge je crois avoir tout lu....sauf le dernier et celui ci qui ne me tente absolument pas!
RépondreSupprimerDommage... Il a aussi écrit L'art de la fiction, des essais, très bien aussi. Mais si tu préfères ses romans, il y a de quoi faire!
SupprimerJe me souviens avoir lu Un tout petit monde, il y très longtemps, une lecture agréable et depuis plus rien... faut que je relise cet auteur!!
RépondreSupprimerSi tu veux, tu peux retrouver les personnages d'Un tout petit monde" dans trois volumes, ou alors lire d'autres titres. Tout ça est en poche, sûrement en bibli, bref, tu vois, pas de souci.
SupprimerAh ! David Lodge ! Un grand auteur que j'adore. Pour moi il est une valeur sûre. Quand je ne sais pas quoi lire et que je ne veux pas être déçue, je prends un David Lodge !
RépondreSupprimerUn enthousiasme justifié! Si je n'avais pas plein de lectures par ailleurs, je m'en relirais bien un...
SupprimerUn auteur que, comme toi, j'aime bien. Dommage.
RépondreSupprimerComment ça, dommage? ^_^
SupprimerAïe moi non plus je n'ai pas encore lu cet auteur, mais j'ai quelques titres inscrits à ma lal. En plus, c'est un auteur qui est souvent en biblio donc... "il y a plus qu'à"
RépondreSupprimerOh c'est quasiment un classique, à force! On le trouve facilement en bibliothèque.
SupprimerJ'ai eu une bonne période David Lodge aussi. Tiens, la nostalgie pourrait me reprendre.^^
RépondreSupprimerA ton service, si tu veux... (nan, on a DQ d'abord) (au fait, Boccace?) Mais avec Lodge, je suis sûre de passer un bon moment, même si je l'ai déjà lu.
SupprimerUn auteur que j'aime beaucoup! Tu as lu ma vie en sourdine?
RépondreSupprimerBien sûr! Je crois qu'à part son dernier (une biographie de Wells), j'ai tout lu!
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