Lambeaux
Charles Juliet
folio, 2006
Ce livre qui me faisait peur, je l'ai finalement avalé quasiment d'un souffle. Une biographie/autobiographie indispensable à qui veut lire l'oeuvre de Charles Juliet, en particulier ses Journaux. En première partie, il évoque sa mère, avec le "tu", sa mère qu'il n'a jamais connue, puisqu'atteignant le fond de l'épuisement après quatre naissances rapprochées, elle a dû être hospitalisée et est morte en hôpital psychiatrique à l'époque où se pratiquait L'extermination douce sur les patients (années 40 en France). L'auteur a été placé dans une famille dont la mère est devenue son autre mère, à qui il a voulu rendre hommage. Dans cette seconde partie, le "tu" s'adresse à lui-même, racontant ses années d'enfant de troupe, puis d’écrivain.
Après avoir rédigé une vingtaine de pages de ce récit (1983), il doit abandonner. "Il remue en toi trop de choses pour que tu puisses le poursuivre. Si tu parviens un jour à le mener à terme, il sera la preuve que tu as réussi à t'affranchir de ton histoire, à gagner ton autonomie." Après avoir écrit L'année de l'éveil, il reprend Lambeaux et le termine (1995).
Charles Juliet use d'une écriture sobre; les faits, terribles, parlent d'eux-mêmes. Je ne raconte pas tout, histoire de laisser à découvrir, attention ça peut secouer tout de même. Les dernières pages seraient toutes à citer. Ouvrant vers l'espoir, la vie, la lumière, l'apaisement. Un récit formidable, qui marque.
Attente en automne
Charles Juliet
Nouvelles
POL, 1999
Trois nouvelles de 50 à 80 pages, narrées par un homme chez qui l'on reconnaît le goût de la sincérité, de la lucidité de l'auteur. Chaque fois l'amour arrive par surprise, est combattu dans Attente en automne où un trentenaire appelé à l'écriture, encore en recherche, n'ose penser à la jeune fille de ses hôtes paysans. Un âpre hiver pourra-t-il changer la donne? Combattu encore dans Maria, cette fois un jeune peintre est fasciné par Maria, en couple, se donnant au théâtre. Il préférera s'éloigner, mais sa vie demeure vide, il ne peint plus.
Le dernière et plus longue, Turbulences, met en lumière le parcours d'un chef d'entreprise voué à son travail, éloigné de sa famille. L'on découvrira sa blessure d'enfance. Au cours d'un voyage dans le Hoggar, il fait connaissance d'une photographe, il en tombe amoureux. Ses tentatives d'approche tombent à l'eau. Pour lui écrire, il fait appelle à un écrivain public. Une femme, un beau personnage, parlant avec chaleur et sensibilité de son métier.
Je voulais découvrir Charles Juliet auteur de nouvelles (fiction, en tout cas), j'y ai retrouvé son style direct, efficace, pesé. Et aussi beaucoup de lui-même dans ses héros entiers, à la croisée de chemins, désireux ou pas de faire bouger les choses, de se connaître mieux.
Je participe ainsi au Mois de la nouvelle, chez Flo.
Histoire de ne pas perdre la main, j'ai lu aussi la moitié du Journal II 1965-1968, intitulé Traversée de nuit , POL, 1997
Toujours le travail intérieur.
Juste quelques passages:
"Ce que mes yeux découvrent, dévorent, je cherche à le pénétrer, le comprendre; Ainsi à propos de tout et de rien, je poursuis en permanence une réflexion qui me permet de m'incorporer ce que mon regard me livre. Ensuite le processus créateur, alimenté par l'imaginaire et le discours intérieur, puisera dans ces matériaux amassés pour octroyer visage et pesanteur à ce qui en est dépourvu."
"En dehors de l'écriture, ce sont les contacts humains qui me procurent les joies les plus profondes. C'est pourquoi je vis chaque rencontre, chaque échange, avec le maximum de transparence, d'intensité."
Pour terminer, un DVD recommandé par le bibliothécaire,
Libre le chemin
Rencontre avec Charles Juliet
Un film de Rodolphe Barry
Abacaris films, 2002, 53 minutes passionnantes et indispensables
Charles Juliet
folio, 2006
Ce livre qui me faisait peur, je l'ai finalement avalé quasiment d'un souffle. Une biographie/autobiographie indispensable à qui veut lire l'oeuvre de Charles Juliet, en particulier ses Journaux. En première partie, il évoque sa mère, avec le "tu", sa mère qu'il n'a jamais connue, puisqu'atteignant le fond de l'épuisement après quatre naissances rapprochées, elle a dû être hospitalisée et est morte en hôpital psychiatrique à l'époque où se pratiquait L'extermination douce sur les patients (années 40 en France). L'auteur a été placé dans une famille dont la mère est devenue son autre mère, à qui il a voulu rendre hommage. Dans cette seconde partie, le "tu" s'adresse à lui-même, racontant ses années d'enfant de troupe, puis d’écrivain.
Après avoir rédigé une vingtaine de pages de ce récit (1983), il doit abandonner. "Il remue en toi trop de choses pour que tu puisses le poursuivre. Si tu parviens un jour à le mener à terme, il sera la preuve que tu as réussi à t'affranchir de ton histoire, à gagner ton autonomie." Après avoir écrit L'année de l'éveil, il reprend Lambeaux et le termine (1995).
Charles Juliet use d'une écriture sobre; les faits, terribles, parlent d'eux-mêmes. Je ne raconte pas tout, histoire de laisser à découvrir, attention ça peut secouer tout de même. Les dernières pages seraient toutes à citer. Ouvrant vers l'espoir, la vie, la lumière, l'apaisement. Un récit formidable, qui marque.
Attente en automne
Charles Juliet
Nouvelles
POL, 1999
Trois nouvelles de 50 à 80 pages, narrées par un homme chez qui l'on reconnaît le goût de la sincérité, de la lucidité de l'auteur. Chaque fois l'amour arrive par surprise, est combattu dans Attente en automne où un trentenaire appelé à l'écriture, encore en recherche, n'ose penser à la jeune fille de ses hôtes paysans. Un âpre hiver pourra-t-il changer la donne? Combattu encore dans Maria, cette fois un jeune peintre est fasciné par Maria, en couple, se donnant au théâtre. Il préférera s'éloigner, mais sa vie demeure vide, il ne peint plus.
Le dernière et plus longue, Turbulences, met en lumière le parcours d'un chef d'entreprise voué à son travail, éloigné de sa famille. L'on découvrira sa blessure d'enfance. Au cours d'un voyage dans le Hoggar, il fait connaissance d'une photographe, il en tombe amoureux. Ses tentatives d'approche tombent à l'eau. Pour lui écrire, il fait appelle à un écrivain public. Une femme, un beau personnage, parlant avec chaleur et sensibilité de son métier.
Je voulais découvrir Charles Juliet auteur de nouvelles (fiction, en tout cas), j'y ai retrouvé son style direct, efficace, pesé. Et aussi beaucoup de lui-même dans ses héros entiers, à la croisée de chemins, désireux ou pas de faire bouger les choses, de se connaître mieux.
Je participe ainsi au Mois de la nouvelle, chez Flo.
Histoire de ne pas perdre la main, j'ai lu aussi la moitié du Journal II 1965-1968, intitulé Traversée de nuit , POL, 1997
Toujours le travail intérieur.
Juste quelques passages:
"Ce que mes yeux découvrent, dévorent, je cherche à le pénétrer, le comprendre; Ainsi à propos de tout et de rien, je poursuis en permanence une réflexion qui me permet de m'incorporer ce que mon regard me livre. Ensuite le processus créateur, alimenté par l'imaginaire et le discours intérieur, puisera dans ces matériaux amassés pour octroyer visage et pesanteur à ce qui en est dépourvu."
"En dehors de l'écriture, ce sont les contacts humains qui me procurent les joies les plus profondes. C'est pourquoi je vis chaque rencontre, chaque échange, avec le maximum de transparence, d'intensité."
Pour terminer, un DVD recommandé par le bibliothécaire,
Libre le chemin
Rencontre avec Charles Juliet
Un film de Rodolphe Barry
Abacaris films, 2002, 53 minutes passionnantes et indispensables
Commentaires
Je te recommande le DVD...
Je t'ai taguée sur mon blog. Je ne suis pas certaine que tu sois une folle adepte des tags ;-) mais je ne pouvais pas ne pas te citer. Tu feras ou pas, chacun est libre ... :-)
Bon jeudi.
Les tags, en effet, j'en fais un par an et encore, ça dépend lequel et de mon humeur (et du temps). Je vais voir tes réponses, en tout cas!
Les nouvelles, je les ai lues par curiosité. J'aime cet écrivain et l'homme aussi alors j'explore son oeuvre sous ses différentes facettes (et ses entretiens avec des artistes n'est pas l'aspect le moins intéressant de l'oeuvre). Il me reste à découvrir son oeuvre théâtrale (je considère que j'ai eu un aperçu des poèmes au fil des Journaux) et des écrits divers. Savoir qu'il me reste encore tant à lire de CJ me fait du bien, même s'il supporte bien la relecture.
Je possède quelque part les traces d'un entretien entre Juliet et Christian Bobin. Si je le retrouve, j'essaie d'en faire quelque chose (numériser éventuellement).
Tu fais comme tu veux (surtout que c'est par L'année de l'éveil que j'ai démarré, il y a plein d'années), mais Lambeaux est sans doute le meilleur chemin pour attaquer l'oeuvre.
Dans ses Journaux tu trouveras encore plein d'infos sur sa démarche et son cheminement (la video est excellente aussi, ma bibli l'avait; chouette bibli!)
Les nouvelles, c'était pour le fun, pour ton mois de la nouvelle (^_^) mais aucun regret, car on y retrouve beaucoup de l'auteur, et son écriture.
Ma bibli est extrêmement riche en CJ (le responsable est très très fan...)(c'est lui qui m'a fait connaître le DVD, que je te recommande!!!)
Pour le théâtre, il en parle dans ses journaux, donc je pourrais y venir, pour les poèmes (euh... tu me connais), ma foi ceux insérés dans les Journaux passent très très bien.
Ma bibli possède ses entretiens avec Bram van Velde, avec Fabienne Verdier, avec Marie Morel, avec Soulages, avec Beckett, plein de textes divers sur différents artistes aussi. Pour Bobin, j'ai juste
La merveille et l'obscur | suivi de La parole vive
/ Christian Bobin
est-ce celui-ci?
Comme vous le constatez, on sent que le responsable de la bibli aime et admire cJ!
C'est bien les bibliothécaires de bon conseil. À Liège, hormis les bibliothèques de quartier (où je trouve un service gentil et compétent mais une offre limitée), il faut faire la file "en ville" pour obtenir un conseiller de lecture.
Le bibliothèques sont un bienfait pour moi! Elles permettent les essais d'auteurs non connus, elles permettent de ramener les livres sans les laisser prendre la poussière sur les étagères personnelles, et, depuis peu, la mienne prend quelques SP (récents et intéressants, hein!). Echange de bons procédés...
Dernièrement j'ai emprunté le numéro du Matricule des Anges consacré à Charles Juliet (et le précédent avec Pierre Jourde)