Romain Rolland
Stefan Zweig
Correspondance 1910-1919
Albin Michel, 2014
Mais je n'en savais rien! Le français Romain Rolland (1866-1944) et l'autrichien Stefan Zweig (1881-1942) devinrent amis avant la première guerre mondiale, unis par les mêmes idées de fraternité et d'humanisme, et leur correspondance s'est étalée en fait sur trois décennies. Y compris pendant la guerre 14-18.
Tout d'abord, d'où proviennent ces lettres? Romain Rolland sut préserver à la Bibliothèque Nationale de France ses écrits et ceux reçus, quant à Zweig, quand il quitta l'Autriche en 1934, il confia ses archives les plus précieuses à la Bibliothèque hébraïque de Jérusalem.
Sauf erreur, Romain Rolland, prix Nobel de littérature en 1915, n'est guère lu aujourd'hui, alors que sa notoriété et son influence étaient grandes à l'époque de cette correspondance. Zweig était rempli d'admiration pour l'oeuvre et la personnalité de son aîné. D'ailleurs ce volume évoque la mise en oeuvre de la biographie de Rolland par Zweig, par ailleurs traducteur, ou intermédiaire avec des traducteurs ou éditeurs des écrits de Rolland. Durant cette époque troublée (je me focalise sur les années de guerre), de fort nombreuses lettres furent échangées, entre la Suisse où Rolland travaillait comme bénévole à l'Agence internationale des prisonniers de guerre et l'Autriche (là Zweig dut écrire en allemand à cause de la censure) puis la Suisse où séjourna longuement Zweig (qui écrivit dès lors en français). Durant le conflit Zweig travaillait en Autriche au service des Archives. Tant que Zweig demeure en Autriche, les deux correspondants sentent l'impossibilité de s'exprimer clairement sur tous les sujets.
L'amitié entre les deux hommes est admirable, fort rarement ternie au début de la guerre par des nouvelles colportées ("J'écrirai, dans le journal de Genève, ce que je pense du rôle néfaste de la presse des deux pays. Faites de même. Unissons nous pour que la guerre soit du moins sans haine.").
Une fois les faits éclaircis, la douleur de Zweig est terrible."Mon monde, le monde que j'aimais est de toute façon détruit, tout ce que nous avons semé est foulé aux pieds."
Leurs opinions, surtout celles de Rolland, ne leur valurent pas que des amis. Rolland fut fort attaqué, mais reçut le soutien épistolaire fidèle de Zweig.
Au long de ces lettres apparaissent bien des figures intellectuelles de l'époque, là plupart plus trop connues, mis à part Herman Hesse (lettre 144 par exemple), Rilke (Rolland et Gide se sont occupés de récupérer ses écrits importants demeurés en France, à la demande de Zweig) et Pierre Jean Jouve.
Dès le début du conflit Zweig voit plus loin "Je crains que le calme ne revienne pas avant longtemps car la haine survivra à la guerre, elle ne s'estompera point mais se montrera encore plus odieuse qu'à sa fin. Notre combat à nous sera de lutter contre cette haine (...)" Lettre 66, 21 novembre 1914
Tout comme Rolland "J'espère de combattre la haine. J'espère de sauver d'elle tout ce qu'on peut sauver : clarté de la raison, pitié humaine, piété chrétienne (...) Lettre 92, 15 mars 1915
Ce remarquable volume sera suivi par deux autres. Une lecture forte et indispensable.
"Personne ne sait comment finira cette guerre, mais je sais qu'après il y aura la paix, et que le devoir de ceux qui ne se battent pas est de préparer cette paix, et dès maintenant." Lettre 52, Zweig, 19 octobre 1914
"La tragédie juive ne fera que commencer avec la paix. Je ne puis vous en dire davantage mais je vous demande de me faire confiance, croyez-moi quand je vous dis que cette tragédie ne fait que commencer, qu'elle est loin d'être terminée." Lettre 106, Zweig, 13 avril 1915
Stefan Zweig
Correspondance 1910-1919
Albin Michel, 2014
Mais je n'en savais rien! Le français Romain Rolland (1866-1944) et l'autrichien Stefan Zweig (1881-1942) devinrent amis avant la première guerre mondiale, unis par les mêmes idées de fraternité et d'humanisme, et leur correspondance s'est étalée en fait sur trois décennies. Y compris pendant la guerre 14-18.
Tout d'abord, d'où proviennent ces lettres? Romain Rolland sut préserver à la Bibliothèque Nationale de France ses écrits et ceux reçus, quant à Zweig, quand il quitta l'Autriche en 1934, il confia ses archives les plus précieuses à la Bibliothèque hébraïque de Jérusalem.
Sauf erreur, Romain Rolland, prix Nobel de littérature en 1915, n'est guère lu aujourd'hui, alors que sa notoriété et son influence étaient grandes à l'époque de cette correspondance. Zweig était rempli d'admiration pour l'oeuvre et la personnalité de son aîné. D'ailleurs ce volume évoque la mise en oeuvre de la biographie de Rolland par Zweig, par ailleurs traducteur, ou intermédiaire avec des traducteurs ou éditeurs des écrits de Rolland. Durant cette époque troublée (je me focalise sur les années de guerre), de fort nombreuses lettres furent échangées, entre la Suisse où Rolland travaillait comme bénévole à l'Agence internationale des prisonniers de guerre et l'Autriche (là Zweig dut écrire en allemand à cause de la censure) puis la Suisse où séjourna longuement Zweig (qui écrivit dès lors en français). Durant le conflit Zweig travaillait en Autriche au service des Archives. Tant que Zweig demeure en Autriche, les deux correspondants sentent l'impossibilité de s'exprimer clairement sur tous les sujets.
L'amitié entre les deux hommes est admirable, fort rarement ternie au début de la guerre par des nouvelles colportées ("J'écrirai, dans le journal de Genève, ce que je pense du rôle néfaste de la presse des deux pays. Faites de même. Unissons nous pour que la guerre soit du moins sans haine.").
Une fois les faits éclaircis, la douleur de Zweig est terrible."Mon monde, le monde que j'aimais est de toute façon détruit, tout ce que nous avons semé est foulé aux pieds."
Leurs opinions, surtout celles de Rolland, ne leur valurent pas que des amis. Rolland fut fort attaqué, mais reçut le soutien épistolaire fidèle de Zweig.
Au long de ces lettres apparaissent bien des figures intellectuelles de l'époque, là plupart plus trop connues, mis à part Herman Hesse (lettre 144 par exemple), Rilke (Rolland et Gide se sont occupés de récupérer ses écrits importants demeurés en France, à la demande de Zweig) et Pierre Jean Jouve.
Dès le début du conflit Zweig voit plus loin "Je crains que le calme ne revienne pas avant longtemps car la haine survivra à la guerre, elle ne s'estompera point mais se montrera encore plus odieuse qu'à sa fin. Notre combat à nous sera de lutter contre cette haine (...)" Lettre 66, 21 novembre 1914
Tout comme Rolland "J'espère de combattre la haine. J'espère de sauver d'elle tout ce qu'on peut sauver : clarté de la raison, pitié humaine, piété chrétienne (...) Lettre 92, 15 mars 1915
Ce remarquable volume sera suivi par deux autres. Une lecture forte et indispensable.
Romain Rolland en 1914 |
"La tragédie juive ne fera que commencer avec la paix. Je ne puis vous en dire davantage mais je vous demande de me faire confiance, croyez-moi quand je vous dis que cette tragédie ne fait que commencer, qu'elle est loin d'être terminée." Lettre 106, Zweig, 13 avril 1915
Stefan Zweig vers 1912 |
je ne savais pas non plus! une lecture qui doit être intéressante!
RépondreSupprimerJe croyais les frontières plus étanches... Heureusement il n'en était rien, les grands esprits ne s'n occupaient pas!
SupprimerDeux grands hommes ... sûrement une très intéressante correspondance !
RépondreSupprimerJe crois que c'est la première correspondance de ce genre que je lis, une bonne expérience.
SupprimerJ'attendais justement cette correspondance depuis que j'ai lu le Monde d'Hier de Stefan Zweig
RépondreSupprimerEn fait moi qui voulais lire Le monde d'hier, ça a donné du poids. Il y a des références à leurs journaux, et ça me donnait envie de savoir plus.
SupprimerWaooow, trois tomes de correspondance au final ? Ils ont pas chômé, les cocos ! J'ai dans ma PAL la correspondance de Zweig & Roth, mais celle avec R. Rolland me tente tout autant, d'autant que ça fait déjà un moment que je caresse l'idée de lire Jean-Christophe.
RépondreSupprimerAh mon bon Monsieur, nous sommes bien avant Internet! D'ailleurs la guerre les a rendus encore plus prolixes. Et ils écrivaient à d'autres, c'est exact.
SupprimerQuant à Jean-Christophe, ça m'a l'air d'être une série en pas mal de volumes...
Une douzaine, il me semble, non ?
SupprimerJe l'ignore, mais à l'époque de la correspondance on en était à la parution et traduction du dernier. Courage! ^_^
SupprimerAh ben ça alors, moi aussi, je le découvre.
RépondreSupprimerOn ne nous dit pas tout, quoi. ^_^
SupprimerJe ne lis pas trop les correspondances , mais j'ai été très intéressée par ce que tu dis de celle là.
RépondreSupprimeralors je note, je note...on ne sait jamais!
Luocine
Le côté Zweig et nationalités opposées pendant la guerre, ça me rendait curieuse.
Supprimerje viens de lire sa correspondance avec Joseph Roth et celle là je sais que je la lirai un jour ou l'autre, j'ai un ensemble de correspondance en version poche, certes limitée mais c'est une bonne façon de voir à quel point cet homme était respecté par tous
RépondreSupprimerJe crois que je vais me pencher plus sérieusement sur ce Stefan Zweig non fiction...
Supprimerj'ai un gros faible pour les correspondances...
RépondreSupprimerPour moi, c'est une découverte. Ma bibli présente aussi la correspondance Guilloux Camus et ça a l'air récemment sorti.
SupprimerQuelle phrase prémonitoire, cette dernière citation de Zweig ! Sa vaste correspondance qui traverse l'Europe nous parle d'un temps où s'écrire était une part précieuse de l'oeuvre des écrivains.
RépondreSupprimerQuand je l'ai lue, ça m'a fait un choc! OK, Zweig était sensible au problème, je crois aussi qu'il revenait de Galicie, de l'est en tout cas, honnêtement on se dit qu'il avait tout senti d'avance...
SupprimerJ'ai déjà un livre de correspondances de Stefan Zweig dans ma PAL depuis plusieurs années, alors je me dois de le lire d'abord !
RépondreSupprimerBien sûr bien sûr, tu aimeras je pense... Il écrit beaucoup!
SupprimerPfiou, c'est du lourd que tu nous sors là ! Je suis en train de me mettre en condition pour Romain Gary. Ça arrive vite mine de rien.^^
RépondreSupprimerDu lourd, ah oui, mais finalement j'en ai retiré pas mal d'informations intéressantes (et j'adore Zweig).
SupprimerJ'ai démarré le Romain Gary, euh, j'ai du mal. J'ai un Joker?
Aïe, pas commencé encore et comme je suis pas du tout en mode livre en ce moment, tu m'inquiètes !
SupprimerDisons que cela a l'air très bien, incontournable et tout ça, mais il va falloir que je me fasse au style...ou que je repousse, en cause vraiment une PAL immonde!
SupprimerAh oui, le style ne te convient pas ? (inquiète, inquiète, car ça fait partie du lot coup de coeur Gary pour moi)
SupprimerBon, on va dire que ce n'est pas le bon moment (j'ai une PAL gigantesque). De ce que j'ai lu, il y a de très bons passages, ne t'inquiète pas.
SupprimerComme c'est une LC avec une autre blogueuse, ne changez pas la date, je verrai ça d'ici là...
Je n'ai jamais lu de correspondance, celle-ci me semble un indispensable dans mes lectres 14-18 ! Et ils étaient tristement visionnaires par rapport à l'après 14-18, ces deux hommes...
RépondreSupprimerIl me semble aussi n'avoir jamais lu de correspondance entre deux écrivains. L'intérêt est cet échange durant la guerre, mais je pense que la période entre deux guerres devrait être aussi fortement intéressante... Au début on parle de la Belgique, et aussi de Verhaeren. Tu verras j'espère.
SupprimerVisionnaires, oui, c'est franchement étonnant!
J'ai appris il n'y a pas si longtemps que cela l'existence de cette amitié et de cette correspondance. On savait écrire à l'époque .. on savait s'engager aussi.
RépondreSupprimerOn écrivait, oui, et bien, et beaucoup. C'est fascinant.
SupprimerDeux vrais pacifistes! et visionnaires! Etonnante, la remarque sur les juifs et leur tragédie qui ne fait que commencer. Comment pouvait-il voir ça en 1915?
RépondreSupprimerJ'ai lu (et relu) Jean Christophe de Romain Rolland quand j'étais ado! C'est un roman fleuve; ce que j'ai pu l'aimer! Mais je ne sais pas si j'aurais le même enthousiasme de nos jours!J'ai peur de le relire et qu'il ne me plaise plus!
Ce Zweig m'a épatée plus d'une fois par sa façon de sentir l'avenir... je l'admirais en tant qu'auteur, mais maintenant, en tant qu'homme, c'est vraiment quelqu'un !
SupprimerQuoi! Tu m'épates aussi, tu as lu Jean Christophe! Il faudrait voir ça de plus près...
Je ne suis pas très correspondance non plus mais c'est vrai que celle-ci doit être intéressante à de nombreux points de vue.
RépondreSupprimerJ'ai été attirée a priori par Zweig, et la différence de nationalité à cette époque critique. Intéressant (OK, ce n'est pas un thriller)
SupprimerZweig parle beaucoup de Romain Rolland dans le monde d'hier, je veux lire cete correspondance :-)
RépondreSupprimerCela ne m'étonne pas, il y avait entre eux une vraie amitié de 30 ans, et puis il était son traducteur parfois, il le conseillait pour les parutions en allemand et a carrément écrit une biographie de Rolland (d'ailleurs les lettres en parlent déjà)
SupprimerMoi je veux lire Le monde d'hier. ^_^
on me l'a proposée et j'ai refusé.. zut!
RépondreSupprimerJe crois qu'il n'est pas trop tard. Pour lire cette correspondance, je n'ai pas pris d'autres SP de chez eux, j'y ai passé deux semaines (avec d'autres lectures en parallèle) et ça fait 600 pages environ. A découvrir sans pression, en fait.
SupprimerPas pour moi, je déteste les romans épistolaires, alors les échanges de lettres entre auteurs fussent-ils des grands, je passe
RépondreSupprimerJ'aime les romans épistolaires en général. Là ce n'est franchement pas un roman, parfois je ne comprenais pas trop de qui on parlait, mais globalement c'est un document fort intéressant. Et bien écrit.
Supprimerj'avais déjà noté je crois, il faudrait que je m'y colle...
RépondreSupprimerMieux vaut avoir envie de découvrir cette correspondance et ne pas vouloir aller trop vite. C'est du lourd quand même.
SupprimerTrès intéressant, on en parle dans le dernier Magazine Littéraire (que je n'ai pas encore acheté).
RépondreSupprimerIl va donc falloir que je mette la main dessus (à la bibli... ^_^)
SupprimerDes pages intéressantes au sujet de la Belgique et de Verhaeren. Entre autres, bien sûr.
J'adore Zweig, j'adore les correspondances, donc, je vais me procurer ce livre. Toutefois, j'ai la vague impression de l'avoir déjà lu.... Serait-ce une réédition ? Je m'en vais voir dans mes étagères..... Par là, au bout, à droite, vers le bas....
RépondreSupprimerQuoi qu'il en soit, merci !
Non, non, je lis sur la présentation que cette correspondance est inédite en France. Deux volumes suivront (je suis prête, mais pas dans 15 jours, évidemment!)
SupprimerBonne lecture, ce volume mérite tout intérêt.
Dans son autobio, Zweig parle souvent de Rolland. Je déguste ces correspondances petit à petit... j'aime énormément à date.
RépondreSupprimerPas étonnant, c'était son ami, son mentor, son maître! Il a écrit une biographie de lui, aidé à l'édition et la traduction de ses oeuvres, etc... Il me tarde de découvrir le journal de Zweig, d'ailleurs.
SupprimerSi je connaissais cette relation entre les deux auteurs, j'étais loin d'imaginer l'étendue de leur correspondance (j'ai commencé ce titre depuis plusieurs semaines mais ça se lit à petites doses) !
RépondreSupprimerCela m'a donné envie de lire Le monde d'hier!
SupprimerJ'ai mis trois semaines à lire ce gros livre, ce qui pour moi est très long pour une lecture, mais il faut des petites doses, c'est sûr.
Quelle belle critique ! Voilà une passionnante correspondance qui aura su et saura trouver ses lecteurs. Plus qu'un pan d'Histoire, c'est une amitié de 30 ans entre intellectuels qui nous replonge bien des années en arrière.
RépondreSupprimerExactement! C'est dense, mais instructif.
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