Un quinze août à Paris
Histoire d'une dépression
Céline Curiol
Actes sud, 2014
Le billet de cathulu, suivi de la matérialisation du livre sur le présentoir de la bibli, et voilà une lecture qui ne doit surtout pas faire peur!
Récit, est-il précisé, et c'en est un. Je frémis à l'idée de ce que certains auteurs auraient pu écrire, autofiction nous voilà, pathos et compagnie.
Là, non.
Céline Curiol a effectivement souffert d'une dépression, en 2009, après deux pertes sur lesquelles elles ne s'appesantit pas.
"Les souvenirs de mon état d'esprit au cours de l'été 2009 ont été partiellement altérés. J'ai dû résister à la tentation de combler mes oublis, d'apposer des termes inexacts là où le doute persistait, de remplacer la mémoire par l'invention. Ai-je été capable de remonter aux sources de l'histoire sans que mes descriptions ne soient influencées par l'évolution qui a été la mienne? Malgré mon désir de faire preuve d'autant de justesse que possible, le texte qui suit ne peut être qu'un reflet partiel de ce que j'ai vécu. Avec le temps, mon souvenir des phases les plus sévères de la dépression s'est atténué grâce à cette capacité de normalisation, de rationalisation , cet équilibre émotionnel que le processus d'analyse m'a permis de regagner. En guérissant, j'ai oublié.
De la dépression, il est possible de sortir, comme d'un trou, comme d'un piège. Pour apprendre ensuite à demeurer vigilant. Je ne prétendrai pas avoir ici circonscrit le problème de la dépression. Ces pages sont le fruit d'une tentative de retour sur soi, qui m'a aidée et vous aidera peut-être à comprendre. Dans cette perspective s'est inscrite mon ambition : écrire le livre que j'aurais aimé lire lorsque ma vie en dépendait."
En plus d'une analyse fine et honnête des phases de sa dépression, et de la guérison, Céline Curiol offre des réflexions sur les phénomènes liés, neurologiques par exemple. Rien de trop compliqué, et j'ai retrouvé par exemple sans étonnement Siri Hustvedt, dont les essais aiment aborder ces sujets là (elle est d'ailleurs citée dans les remerciements). Notes et bibliographie à la fin sont une vraie mine aussi.
"Non, pardon, mais j'insiste, il me faut le récrire, rendez-vous compte : il m'était devenu impossible de lire."
"Ce fut bien l'évolution de mon rapport au temps qui amorça ma sortie de dépression."
"Les examens des personnes en dépression montrent de fait une modification de leur morphologie cérébrale. En raison de l'appauvrissement en noradrénaline et sérotonine, voire du dysfonctionnement des récepteurs neuronaux, le volume de l'hippocampe, structure cérébrale jouant un rôle important dans le stockage d'informations, se réduit." (je ne peux citer tout ce passage intéressant sur les problèmes de mémoire, ou de mémoire 'sélective')
Pour en finir avec ces citations un peu décousues (vous n'avez qu'à le lire, ce livre!), un appel -entre autres- à l'entourage du dépressif, en tout cas je l'ai vu ainsi:
"Mais je le répète aujourd'hui : de la dépression, personne ne se sort seul. Si la figure du héros solitaire ne manque pas d'attrait, il vient un moment où celui qui l'incarne perd jusqu'à la capacité mentale d'inventer le mythe qui le sauverait. Tôt ou tard, le héros, blessé, au bord de l'abîme, se doit d'être aidé même si sa mise négligée, sa tristesse et sa décadence inspirent avant tout le mépris."
Intelligence, pudeur, lucidité, servis par une écriture fluide pour une lecture indispensable.
Histoire d'une dépression
Céline Curiol
Actes sud, 2014
Le billet de cathulu, suivi de la matérialisation du livre sur le présentoir de la bibli, et voilà une lecture qui ne doit surtout pas faire peur!
Récit, est-il précisé, et c'en est un. Je frémis à l'idée de ce que certains auteurs auraient pu écrire, autofiction nous voilà, pathos et compagnie.
Là, non.
Céline Curiol a effectivement souffert d'une dépression, en 2009, après deux pertes sur lesquelles elles ne s'appesantit pas.
"Les souvenirs de mon état d'esprit au cours de l'été 2009 ont été partiellement altérés. J'ai dû résister à la tentation de combler mes oublis, d'apposer des termes inexacts là où le doute persistait, de remplacer la mémoire par l'invention. Ai-je été capable de remonter aux sources de l'histoire sans que mes descriptions ne soient influencées par l'évolution qui a été la mienne? Malgré mon désir de faire preuve d'autant de justesse que possible, le texte qui suit ne peut être qu'un reflet partiel de ce que j'ai vécu. Avec le temps, mon souvenir des phases les plus sévères de la dépression s'est atténué grâce à cette capacité de normalisation, de rationalisation , cet équilibre émotionnel que le processus d'analyse m'a permis de regagner. En guérissant, j'ai oublié.
De la dépression, il est possible de sortir, comme d'un trou, comme d'un piège. Pour apprendre ensuite à demeurer vigilant. Je ne prétendrai pas avoir ici circonscrit le problème de la dépression. Ces pages sont le fruit d'une tentative de retour sur soi, qui m'a aidée et vous aidera peut-être à comprendre. Dans cette perspective s'est inscrite mon ambition : écrire le livre que j'aurais aimé lire lorsque ma vie en dépendait."
En plus d'une analyse fine et honnête des phases de sa dépression, et de la guérison, Céline Curiol offre des réflexions sur les phénomènes liés, neurologiques par exemple. Rien de trop compliqué, et j'ai retrouvé par exemple sans étonnement Siri Hustvedt, dont les essais aiment aborder ces sujets là (elle est d'ailleurs citée dans les remerciements). Notes et bibliographie à la fin sont une vraie mine aussi.
"Non, pardon, mais j'insiste, il me faut le récrire, rendez-vous compte : il m'était devenu impossible de lire."
"Ce fut bien l'évolution de mon rapport au temps qui amorça ma sortie de dépression."
"Les examens des personnes en dépression montrent de fait une modification de leur morphologie cérébrale. En raison de l'appauvrissement en noradrénaline et sérotonine, voire du dysfonctionnement des récepteurs neuronaux, le volume de l'hippocampe, structure cérébrale jouant un rôle important dans le stockage d'informations, se réduit." (je ne peux citer tout ce passage intéressant sur les problèmes de mémoire, ou de mémoire 'sélective')
Pour en finir avec ces citations un peu décousues (vous n'avez qu'à le lire, ce livre!), un appel -entre autres- à l'entourage du dépressif, en tout cas je l'ai vu ainsi:
"Mais je le répète aujourd'hui : de la dépression, personne ne se sort seul. Si la figure du héros solitaire ne manque pas d'attrait, il vient un moment où celui qui l'incarne perd jusqu'à la capacité mentale d'inventer le mythe qui le sauverait. Tôt ou tard, le héros, blessé, au bord de l'abîme, se doit d'être aidé même si sa mise négligée, sa tristesse et sa décadence inspirent avant tout le mépris."
Intelligence, pudeur, lucidité, servis par une écriture fluide pour une lecture indispensable.
Déjà noté chez Cathulu, tu n'as plus à me convaincre .. seulement ma bibliothèque est moins fournie que la tienne .. sortira-t'il en poche ?
RépondreSupprimerD'ici quelque temps, sans doute, espérons-le. Note ça dans un coin. Guette ta bibli.
Supprimerje l'avais lu au moment de sa sortie, et j'ai trouvé ce témoignage très intéressant, et utile...
RépondreSupprimerTout à fait! J'avais un peu peur au début, mais non, le ton est parfait, j'ai beaucoup appris, et en dépit du côté scientifique parfois, l'empathie avec l'auteur demeure vive.
SupprimerEffectivement, rien à voir avec de l'autofiction :)
RépondreSupprimerJe préfère de beaucoup cette façon de raconter, et c'est bien plus efficace (bon, c'est mon ressenti, je déteste en général quand on sort les violons...)
SupprimerMerci encore!
J'avais déjà noter de retrouver Siri Hustvedt avec un essai (je pensais à Une femme qui tremble) je complèterais volontiers avec cette auteure (trouvable à la bibliothèque "centrale")
RépondreSupprimerElle ne fait pas allusion qu'à S Hustvedt, aussi à d'autres que je ne connaissais pas. Mais mêler sa vie et ces sortes de références, ça m'y a fait penser (et de toute façon j'aime bien)
SupprimerCelui-là, je l'ai noté dans Le Masque et la plume, ce qui est assez rare pour être souligné !
RépondreSupprimerAaaah un Masque que je n'ai pas suivi... Cela devient rare qu'on soit d'accord, d'ailleurs, mais je m'amuse à les écouter, quand je peux.
SupprimerIl est à biblio mais emprunté... j'ai hâte!
RépondreSupprimerCela devrait te plaire!
SupprimerEn lisant les blogs je suis effarée par mon peu de lectures françaises, c'est terrible en tous cas de romans français parce que je lis des essais ou livres d'histoire mais les romans ne passent pas, je n'arrive pas à m'y intéresser
RépondreSupprimerHé Dominique, ce n'est pas un roman et, mieux encore, ce n'est pas romancé (ouf!). N'hésite pas!
SupprimerHop, réservé ! Sur le même sujet j'avais apprécié "Tomber sept fois, se relever huit" de Philippe Tesson, et aussi "Face aux ténèbres" de William Styron.
RépondreSupprimerAh voilà, le Styron est dans les livres cités, ça me revient!
SupprimerBonne lecture, en tout cas.
J'avais beaucoup apprécié Fables psychiatriques de Darryl Cunningham en roman graphique - très clair sur le sujet en général (et pas seulement sur la dépression), écriture salvatrice et importance de l'entourage également soulignés. Bon, je ne me précipiterai pas sur d'autres livres autour de cette thématique mais il est indispensable de s'y pencher en effet car c'est très instructif.
RépondreSupprimerMerci pour l'idée lecture (mais là je vais faire une pause!) Ce récit m'a beaucoup apporté, et on ne sait jamais...
SupprimerJe note ce titre, Keisha, le sujet m'intéresse beaucoup. Si je comprends bien, il peut aider les malades et aussi leur entourage.
RépondreSupprimerEn tout cas je l'ai saisi ainsi. Comprendre les malades, et les aider autant que possible. Patience en tout cas.
SupprimerUn récit qui a l'air d'analyser assez bien cette maladie. Sur le sujet, il y a aussi "Tomber 7 fois, se relever 8".
RépondreSupprimerTu es la deuxième à le signaler, je ne l'ai pas lu, mais cela pourrait être aussi intéressant (heu, pas tout de suite, là)
SupprimerVaste sujet, malheureusement. Dans un registre plus léger, tu pourrais tenter le roman graphique "Hyperbole" qui vient de sortir. Affreusement mal dessiné mais très lucide aussi je trouve.
RépondreSupprimerHyperbole, je l'ai déjà repéré , y compris sur ton blog. Le 'mal dessiné', je peux aller au delà, tu sais. ^_^
Supprimerje note ce livre car c'est un sujet qui m'intéresse , et la façon dont tu en parles est attirante
RépondreSupprimerLe mieux est de lire ce livre, qui ne laisse pas indifférent, grâce surtout, pour moi, à son parti prix de non "sortez les mouchoirs".
SupprimerJ'ai très envie de lire ce titre depuis le billet de Cathulu. Plusieurs personnes sont touchées autour de moi et ce sont des mécanismes difficiles à comprendre.
RépondreSupprimerTu sais que c'est le billet de Cathulu qui m'a portée vers cette lecture (sans cela, j'avoue que jamais je n'y serais allée!). Une personne au moins de mon entourage semble touchée, et si je peux aider, ou mieux comprendre... L'auteur analyse vraiment bien son parcours et ne reste pas le nez dans son cas, elle va plus loin, vers du scientifique/médical/neurologique, ce qui est ma tasse de thé, et finalement me convainc bien (et on n'a pas à juger ou dire "secoue-toi", cela ne sert à rien, elle explique pourquoi)(une maladie difficile, finalement)
SupprimerJ'espère bien le trouver à ma bibliothèque !
RépondreSupprimerIl est récent, il est très bien, alors tu peux leur suggérer, sinon.
SupprimerUn psychiatre m'a un jour dit que la dépression est la maladie psy qui se soigne le mieux. Mais on n'en sort pas seul et il y a beaucoup à faire, de ce que j'en sais, par le malade lui-même qui doit sortir du cercle vicieux «je suis déprimé». Le «secoue-toi» énervé est plus qu'inutile en effet.
RépondreSupprimerÀ mon avis, les antidépresseurs chimiques ne résolvent pas tout, loin de là.
D'après ce livre, durant la maladie on ne perçoit plus les choses comme quand on est en forme, donc "secoue-toi" peut aller lors d'une baisse régime, mais pas du tout lors d'une vraie dépression. Les médicaments peuvent aider, mais il y a aussi le malade et l'entourage... Céline Curiol ne dit pas tout, en fait elle dit ne plus se souvenir de tout (et c'est vraisemblable), seulement de ses changements lors de la remontée. Elle avait aussi pris des décisions, par exemple garder des heures de cours, bref, des activités structurant la journée et l'obligeant à sortir.
SupprimerUn témoignage qui semble intéressant, je le garde dans un coin de tête.
RépondreSupprimerVoilà, à garder! C'est ce que j'ai fait, finalement, puisque je l'ai emprunté dès que je l'ai vu.
SupprimerAlors là je passe... Ayant moi-même traversé ce genre d'épisode (il y a longtemps) je suis incapable de lire sur le sujet.
RépondreSupprimerCette lecture n'est surtout pas obligatoire. Elle m'a permis d'en savoir plus.
SupprimerCe sera pour moi une lecture difficile mais je le lirai, tes remarques sur la façon dont le récit se présente me disent que ce sera possible, et intéressant.
RépondreSupprimerL'auteur l'a écrit après coup, une fois guérie, elle s'étend en fait assez peu sur sa propre vie, et en fait une étude : fort intéressant, et, ouf, elle ne cherche pas à faire pleurer!
SupprimerPassionnant... l'écriture peut vraiment être une thérapie.
RépondreSupprimerOui, mais en fait sans doute pas avec l'écriture de ce livre ci, puisqu'elle était déjà guérie.
SupprimerNe plus pouvoir lire, l'horreur ! ;-) Ce livre pourrait peut-être m'aider à comprendre les mécanismes de cette maladie, qui touche beaucoup trop de gens et qui laisse l'entourage impuissant et souvent pas assez indulgent, aimant, patient.
RépondreSupprimerTu dis exactement et précisément les choses! Lis ce livre! Pour moi il permet de comprendre et d'aider.
SupprimerJ'aurais eu tendance à fuir, maintenant que je vais mieux, en tout cas pour l'instant. Mais tu sais être convaincante. Et puis ce livre est sans doute à mettre aussi dans les mains de ceux qui ne se sentent pas concernés, qui osent crier haut et fort qu'ils n'auront jamais de dépression.
RépondreSupprimerNul n'est à l'abri de la maladie. Ce livre est suffisamment scientifique tout en restant quand même 'humain" pour m'avoir plu; essaie de mettre la main dessus!
SupprimerC'est du doc ou du roman?
RépondreSupprimerParce que pour le coup, je préfèrerais lire un doc sur ce sujet qu'un roman. Histoire d'apprendre des choses et d'aider ceux qui sont prisonniers de cette maladie, parce que l'entourage des dépressifs n'a pas toujours les informations nécessaires pour aider.
En revanche, un roman qui me raconterait un cas particulier (genre auto-fiction) je fuis à toutes jambes, vraiment non, ce n'est pas pour moi.
Bon we Keisha ;-)
Oh ce serait super, on fuirait ensemble, mais je pense que tu cours plus vite que moi...
SupprimerTrêve de plaisanterie, il s'agit d'un récit, on en apprend assez peu sur l'auteur, il y a pas mal de parties parlant de la maladie (causes, évolution, guérisons, etc...) basées sur des connaissances scientifiques; je pense que le cas de l'auteur peut s'appliquer à la majorité et que ce qu'elle dit aide à comprendre la maladie et les malades (et à les aider!)
Donc je te le recommande!
Intéressant tout plein. Je suis aussi passée par une phase "impossible de lire", ni de me concentrer d'ailleurs et n'ai lu sur le sujet que le témoignage de Philippe Labro, "Tomber sept fois, se relever huit".
RépondreSupprimerCe livre de Labro pourrait me plaire, mais bon, pas tout de suite quand même... Si j'ai bien compris, tu confirmes ce que dit l'auteur. Merci!
SupprimerLe Labro m'avait marquée...
RépondreSupprimerDécidément, on me le propose, celui là aussi! Je ne l'ai pas lu. Une maladie douloureuse, mal connue, mal comprise...
SupprimerIl a l'air très intéressant. Je pense que je vais essayé de le trouver !
RépondreSupprimerJe pense qu'il mérite lecture, ensuite, cela dépend du vécu (ou de l'entourage ) de chacun pour approfondir encore.
SupprimerLe sujet est intéressant. Je note!
RépondreSupprimerUn récit utile, je pense.
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