Erwan Larher
Plon, 2015
Aïe aïe aïe, y-a-il exercice plus difficile que de parler d'un roman d'un auteur que l'on connaît (un peu) IRL, dont l'humour en situation salonesque peu propice à l'attention du chaland vous a conduit à lire son premier roman (2010, c'était hier...), à la coupe de cheveux résistant à toute description, aux goûts musicaux situés aux antipodes des vôtres (je me shoote au baroque, aux opérettes champagnisées et aux soprano phtisiques) et dont, année après année, vous avez lu tous les romans (Philippe J. en est resté baba), sans encore pouvoir répondre à la question piège "lequel préfère-t-on"?
Relevons le défi : pour ce faire, pas question de se précipiter sur la quatrième de couverture, encore moins de se rafraîchir la mémoire en feuilletant Autogenèse, dont Entre toutes les femmes est censé constituer une suite. Autant se mettre dans la peau d'un lecteur découvrant Erwan Larher.
Quatre siècles après la Grande Catastrophe survenue à l'époque du président Arsène Nimale dont les ennemis n'approuvaient pas les idées (franchement, 'générosité, altruisme, gentillesse', c'est un programme, ça? pourtant déjà des changements survenaient...)(p 416-417), Émile XXVIII règne d'une main de fer sur l'Empire Gaulois. Une Congrégation se voue à collecter les documents (dont Autogenèse...) sur Nimale dans le dessein de relater sa vie, en dépit des interdictions et des dangers. Son chemin va rencontrer celui de Cybèle, habitante de Freak Zone, qui petit à petit sent son destin lié à celui de Nimale, doté comme elle d'un charisme étonnant et protecteur. Pour l'instant elle est la Voix, tenant sous son charme de conteuse les auditeurs de la radio; ce pouvoir sera-t-il utilisé au service de la cause nimalienne?
Sur une trame assez classique (catastrophe future, dictature, classes privilégiées ou non, groupes de résistants, traîtres), l'auteur a apposé une patte personnelle. Nimale et Cybèle bénéficient d'un petit plus, le lien entre les deux peut mener à une confusion (voulue). Et bien sûr c'est notre propre société qui est sur la sellette, avec des pistes intéressantes pour tout citoyen. Il s'agit d'une lecture plutôt dense et propice à réflexion. Comme d'ailleurs les précédents opus de l'auteur!
C'est aussi un plaisir de retrouver une écriture sans concessions, préférant tirer le lecteur vers le haut avec des mots peu usités ou des allitérations étonnantes. J'ai relevé, par exemple, "pauciflore" (très clair dans le contexte), "Il dérouilla le membru désérigé" "Cette lavette persiste dans l'esquive visqueuse",
"Je connais les codes, les règles, dont la première consiste à n'embrener point son voisin et la deuxième à lui tendre la main s'il tombe."
De jolies remarques :
"La fuite dans la lecture, active, n'a cependant jamais eu les conséquences délétères de la fuite, passive, elle, dans une super réalité qui se superpose au réel - alors que la lecture se juxtapose."
Cerise sur le gâteau pour qui n'est pas novice en Larherologie, des allusions :
"Philippe J(...), romancier du début de IIe siècle avant GC qui arrêta d'écrire le jour où il toucha, en misant sur une course de chevaux, la plus grosse somme jamais gagnée par un parieur."
Bertrand de Guyot, Jourde, et d'autres font leur apparition. Bello et son Consortium de Falsification du Réel (qui expliquerait la disparition de Nimale des livres d'histoire...)
L'on a même : "Hélas, j'ai choisi un mauvais. Un qui s'est mis à faire des tournures, des enjolivures, et qui n'a même pas été capable de finir le boulot. Il s'est arrêté juste au moment où ça devenait intéressant. Au lieu de nous écrire le second tome, il s'est mis en tête de faire de la bluette. Du petit roman gentillet, même pas susceptible de lui apporter la gloriole."..." Ce monde-là recyclait tous les discours, même les plus subversifs, même les plus virulents, pour en faire du divertissement audiovisuel. Alors Larher ou un autre, ç'aurait été kif-kif bourricot."
Erwan Larher est à mon avis un des auteurs les plus intéressants et exigeants de sa génération, ayant su attirer un bon paquet de lecteurs fidèles que je vous invite à rejoindre (et puis, quelqu'un qui remercie à la fin le Squash club d'Issoudun ne peut être que bon)(oui je lis TOUT!)
Un saut de quatre siècles ! mazette ... mais comme j'ai lu "autogenèse", il va me falloir lire celui-ci. Outre le plaisir de lecture, un brin de réflexion ne nuit pas par les temps qui courent. (il devrait t'embaucher comme attachée de presse, ses ventes feraient un bond !!)
RépondreSupprimerMais oui, tu as lu Autogenèse, donc tu es cuite, il te faut celui-ci! C'est plein de pistes de réflexions intéressantes, et par les temps qui courent, on en a bien besoin... Oui, je déplore qu'on ne le lise pas plus, mais je me souviens que son premier roman, je l'avais fait voyager, il est revenu dans un état pas bien neuf, mais il avait vraiment beaucoup voyagé! J'ai gardé les cartes...
SupprimerJe n'ai toujours pas lu cet auteur, ce n'est pas faute de l'avoir noté chez toi, pourtant ! ;-)
RépondreSupprimerHonte à toi! Je peux envoyer son premier, Qu'avez-vous fait de moi, à nouveau sur les routes, si tu veux? Ou alors Autogenèse?
SupprimerMerci beaucoup, mais j'ai un certain nombre (et même un nombre certain) de lectures en attente, (notamment le prix des lecteurs du L de P) et je préfère ne pas en rajouter ! ;-)
SupprimerOn en est tous là, hélas! On ne sait pas trop dire non. Amuse toi bien avec le L de P, des découvertes sympa je parie!
SupprimerJamais entendu parler de cet auteur. Mais tu le vends bien ;)
RépondreSupprimerQuelle erreur, Jérôme! mais je veille au grain... ^_^
SupprimerJ'avais lu Autogenèse à l'époque mais là, la suite ma paraît un brin compliquée, non ?
RépondreSupprimerSi tu avais lu Autogenèse, il te faut celui-ci. Si ça paraît compliqué, c'est ma faute, billet pas clair (je ne veux pas trop en dire non plus)
SupprimerJe ne connais pas l'auteur, mais je ne suis pas sûre que ce soit pour moi...
RépondreSupprimerUn auteur qui change vraiment des habituels romanciers...
Supprimerje ne connais pas, diantre que d'auteurs à découvrir , il va direct dans ma liste merci
RépondreSupprimerNote l'auteur, après, tous ses titres sont bons.
Supprimern'y aurait-il pas comme un grand écart entre le sujet, la photo de couv et le titre ? de la SF ou j'ai rien compris ?
RépondreSupprimerJe pense que le terme dystopie est correct. Donc SF, tu as raison, mais je n'aime pas trop catégoriser, pour moi c'est "roman".
SupprimerAlors la photo de couverture... ^_^ L'héroïne est bien belle dans ce roman, mais pas de scènes chaudes (ouf!). Pour le titre, si, si, il y a un subtil rapport avec l'histoire...
C'est une suite à Autogenèse ? parce que je n'y avais pas accroché..
RépondreSupprimerPeut être trop anticipation pour ton goût? Pas grave, il te reste les deux autres romans, plus ancrés dans notre société actuelle.
Supprimerje ne connais ni l'auteur, ni autogenèse, je chercherai à la bibli quand j'aurai un créneau (en ce moment je suis charrette.
RépondreSupprimerIl n'est pas sûr que les biblis aient un titre, sinon, prends celui que tu trouves, il sera bien!
SupprimerOn sent que tu aimes cet auteur.
RépondreSupprimerIl le mérite! (en plus il est plein d'humour)
SupprimerC'est un coup de coeur au Bateau-Livre aussi (librairie lilloise). Pauciflore : qui produit peu de fleurs ? (je te jure que je n'ai pas vérifié !!) (et si c'est faux, xhame on me !)
RépondreSupprimerHeureusement qu'il y a les librairies sérieuses!
SupprimerMais oui, on devine bien, pas de souci! Je n'ai même pas vérifié.^_^
Anne, Keisha, la librairie sérieuse qu'est le Bateau livre a même invité Erwan Larher en personne pour refaire le monde, à Lille. C'est jeudi 12 février, à 19h, entrée libre. Avis à la population rebelle et curieuse !
SupprimerJe sens la belle soirée, là! Malheureusement j'habite bien plus au sud et compte le voir au salon du livre de Châteauroux.
Supprimercet auteur ne me dit rien là tout de suite mais tu donnes plutôt envie, j'adore les citations :-)
RépondreSupprimerJe sens que tu aimerais Autogenèse...
Supprimerje passe mon chemin, malgré l'attractive paire de boobs en couverture :)
RépondreSupprimerOui, ça c'est de la couv', mais l'intérieur n'est pas que ça! ^_^ L'héroïne est bien pourvue de ce côté, semble-t-il...
SupprimerAlors là, je ne connaissais pas du tout son nom !
RépondreSupprimerSon quatrième roman, tranquillou... (un fignoleur, j'te dis pas)
SupprimerMalgré tes billets élogieux, je ne l'ai pas encore lu... Dois-je me cacher la tête dans mon clavier? Mais promis, je note, surligne et vais m'y mettre!
RépondreSupprimerNote le nom, après tu verras quel roman tu trouves!
SupprimerCe qui est difficile c'est de parler d'un roman d'un auteur qu'on connaît et qu'on n'a pas aimé, lorsqu'on aime, on peut être accusé de copinage, mais bon, c'est moindre mal.
RépondreSupprimerTu as raison, ce serait "plus pire". (Dans ce cas je dirais mon avis par mail avant de lancer un billet ravageur sans crier gare)
SupprimerMais heu du coup, il y a un rapport avec la couv et le titre ?
RépondreSupprimerJe ne suis pas certaine qu'il soit fait pour moi, je crains un peu la SF et encore plus les dystopies....
Les dystopies sont géniales pour parler de notre propre société... Question ambiance générale c'est plutôt médiéval pour le bas peuple et technologie pour les autres. Rien de compliqué à appréhender.
SupprimerLa couv', le titre? Moi j'y peux rien, M'dame. Cybèle est bien pourvue côté devanture si j'ose dire (mais ce n'est pas l'essentiel du bouquin) et pour la référence à laquelle tu penses, eh bien, justement... ^_^
Je sais, mais reconnais, que c'est anxiogène quand même, et du coup, je me sens un peu fragilette pour ça en ce moment.
SupprimerFragilette, oui, on l'est tous un peu... Dans ce cas on veut du léger! (j'ai un stock de chick lit à la maison!)
SupprimerJ'accepte l'invitation, mais pas pour tout de suite, d'abord ma PAL !!!
RépondreSupprimerC'est l'auteur que toi et A girl avez "raté" à Chanceaux. ^_^
SupprimerDommage que j'ai déjà lu mon français pour le challenge UE, sinon je l'aurais (enfin) caser cet auteur ! C'est vrai, je n'y ai pas pensé quand je cherchais un roman français... Bon, mais il est quand même dans ma LAL.^^
RépondreSupprimerOn dit ça... Comme je le rappelais à Géraldine, c'est lui que vous avez raté à Chanceaux, pour un tennisman bronzé, ô femmes légères... ^_^
SupprimerJ'avais déjà entendu parler d'Autogénèse mais je ne connaissais rien de son œuvre. Ton billet est quelque peu troublant j'avoue alors je suis allée faire un tour de ses livres précédents, tous les avis louent son style d'écriture. Je le note dans un coin.
RépondreSupprimerMoi j'aime bien les écritures roboratives, au service d'une histoire qui se tient et qui fait réfléchir. D'où ma fidélité à l'auteur.
SupprimerDe lui, je n'ai que "L'abandon du mâle en milieu hostile", un vrai coup de poing coup de coeur ! Je suis moins branchée anticipation, je m'y risquerais peut-être suite à ton avis (en commençant par autogenèse du coup).
RépondreSupprimerOui, commencer par Autogenèse, pour mieux apprécier. Sinon, tu as le premier, Qu'avez vous fait de moi?, excellent lui aussi!
SupprimerJ'ai beau lire et relire, ce n'est pas vraiment une critique ... cela ressemble à du copinage et je n'en sais pas plus au sujet de la qualité du texte !
RépondreSupprimerCher Anonyme,
SupprimerA relire mon texte, j'y trouve (comme d'habitude dans tous mes billets ou presque) une idée de l'histoire (sans spoilers), un avis sur le style (avec des passages), un avis général pas forcément objectif (quand j'aime je le dis, et ce n'est pas le premier billet où je suis enthousiaste - qu'il s'agisse d'auteurs étrangers que je ne connais pas ou de maisons d'édition dont j'ai acheté le livre critiqué)
Il se trouve que l'auteur possède un humour que j'apprécie, ne rechigne pas à travailler ses textes et que ceux ci sont intéressants. Il se trouve que je l'ai rencontré trois ou quatre fois dans des salons du livre, on n'a jamais joué au squash ni partagé un repas ensemble. ^_^ Je ne vois pas pourquoi je me retiendrais d'en dire du bien - ou du mal éventuellement.
A part ça je ne suis pas critique professionnelle, ce blog est mon terrain de jeu et je n'ai pas l'intention de ne dire du bien que d'auteurs morts, ce dont je ne me prive d'ailleurs pas. Ma seule auto censure est de rarement parler d'auteurs dont le livre m'a déplu (alors que parfois il est encensé partout ou presque) et de préférer parler de ce qui m'a plu.
Une longue réponse à un court commentaire, soit. Une réponse courte aurait été "ce n'est pas un copain" et "le texte est de qualité".
Et pourquoi je ne connais pas du tout cet auteur ? même pas entendu parler ? En plus, il est français... Bon, bah, j'ai plus qu'à trouver un titre au plus vite...
RépondreSupprimerEt pourquoi, hein? ^_^ Oui, bel et bien français, pour une fois que j'aime lire un auteur français vivant... ^_^
Supprimeroh oh, tu piques ma curiosité, là !!
RépondreSupprimerC'est le but (mouhaha!)
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