Dictionnaire amoureux de l'opéra
Alain Duault
Plon, 2012
1060 pages...
"Le grand cinéaste Billy Wilder racontait un jour : 'Hier soir je suis allé voir Les Maîtres chanteurs de Wagner. Le spectacle commençait à six heures. Trois heures après j'ai regardé ma montre : il était six heures et quart...!"
Aimer l'opéra n'est pas exempt de surprises. Lire "Début du spectacle 14 h 30, fin du spectacle 18 h 45", par exemple. Là c'est un de mes records, d'ordinaire cela ne dure "que" trois heures en moyenne. Trois heures de bonheur la plupart du temps (je choisis mes spectacles; pas de Wagner)
Alain Duault est bien connu sur Radio classique et j'ai découvert qu'il était au départ de la retransmission d'opéras du Met au cinéma. Mais ce qui compte est qu'il est un passionné d'opéra, et qu'il en parle avec un enthousiasme dévastateur. Dans cet opus, il privilégie ce qu'il aime, ce n'est donc pas exhaustif, car il préfère donner envie plutôt de critiquer défavorablement. Il a eu la chance d'assister à des spectacles d'anthologie, de rencontrer interprètes et chef d'orchestre, de fréquenter des salles mythiques, au cours des dernières décennies. Le veinard!
Les entrées de ce Dictionnaire font la part belle à des interprètes (Callas, Maria Malibran), ou des compositeurs (Rossini, Verdi) dont la vie est déjà un roman, sans oublier des œuvres ou des auteurs plus confidentiels mais qui ont su parler à son cœur.
Parmi tant d'autres...
Servir
A un dîner où quelqu'un lança 'Mais à quoi sert l'opéra?' il répondit :'à rien'.
"C'est évident : l'opéra ne sert à rien. Comme la poésie ne sert à rien, comme le théâtre ne sert à rien, comme regarder le ciel qui se referme telle une main sur l'horizon ne sert à rien, comme ... On pourrait en aligner, des gestes qui ne servent à rien. Sinon qu'ils sont le nœud de nos existences. (... deux pages, trop long... l'amour ... la beauté...) Oui, sans doute, l'opéra ne sert à rien - mais il nous aide à vivre."
Casta diva
Dès le prélude, avec cet accompagnement tout en élégiaques arpèges de cordes sur lesquels la flûte fait entendre un chant mélancolique, une de ces mélodies dont Bellini avait le secret et qui devait tant émouvoir Chopin, on se sent happé, comme en apesanteur. Et la vois s'élève comme un lent envol, une manière d'abord de contemplation sereine qui peu à peu monte, s'exalte, déploie son tissu. Le chœur vient tisser derrière cette voix une vague sur laquelle elle s'appuie pour continuer de dérouler un long ruban argenté, cette lumière de lune qu'elle incarne. Et ce qui fascine, c'est la continuité quasi hypnotique des arpèges sur lesquels la voix s'incurve, à partir desquels elle s'élance pour sculpter une sorte de statuaire mélodique où l'intimité troublée semble faire palpiter la majesté sereine de la prêtresse. On est comme suspendu, soulevé dans une sorte de lévitation inouïe, emporté dans la forêt obscure où cet hymne lunaire préfigure la 'perfection de la tragédie' que représente Norma selon le philosophe Schopenhauer."
Il s'exprime bien, n'est-ce pas? J'en serais bien incapable... Pour lui, la meilleure dans cet air, c'est Callas, je vous mets le lien où elle est filmée (http://www.ina.fr/video/I08016689)
Rien ne me destinait à tomber dans la marmite opéra, a priori. Mais une fois fait, impossible de s'en passer. Il était donc fatal que je présente ce pavé incontournable. D'autres existent sans doute sur le même sujet. Mais je conseillerais plutôt d'assister à une représentation en vrai, c'est complètement différent de l'écoute d'un disque - ou même à la télévision ou au cinéma (que je ne dédaigne pas non plus, évidemment)
L'opéra, réservé à certaines personnes? Pffff!
S'habiller? Pas besoin d'être en tenue de soirée, j'y vais d'ailleurs en 'tous les jours'. Et ceux qui me connaissent savent que c'est vraiment sans chichis.
Le coût? Pas besoin de casser obligatoirement sa tirelire, il y a plein de bons plans. Et puis, s'offrir un concert de Johnny Halliday (pour citer un chanteur qui à mon goût a une voix intéressante) peut être plus cher. Ramené à trois heures de spectacle, c'est correct.
La langue? Oh la la, si vous saviez, il y a quelque temps les surtitrages n'existaient pas! Maintenant, même quand c'est en français, on peut lire les paroles et suivre au fur et à mesure. Même si je me souviens d'une représentation de Iolanta, en plein air en juillet dernier (et il a plu tout autour sauf au lieu même), en russe sans traduction... Par bonheur j'avais potassé mon Kobbé juste avant (autre bouquin incontournable)
C'est long. Il faut s'y préparer un peu sinon on peut s'ennuyer! OK, il y a des codes, il faut accepter que la dame proche de la mort aie encore la force de chanter vingt minutes d'adieux... Mais il n'y a pas que le chant, il y a l'histoire, souvent prenante, même si on la connaît par cœur, la mise en scène, les décors, les costumes. Complet, vous dis-je! Il y a les entractes aussi, avec boissons au foyer (avec modération). Fort souvent les théâtres sont des lieux absolument magnifiques!
C'est triste voire déprimant. OK, on meurt pas mal sur scène, les barytons empêchent l'amour des ténors et des sopranos de bien se terminer, mais il existe des compositeurs dont les œuvres devraient être remboursées par la sécu. Entre mi décembre et mi janvier, j'ai assisté à deux Chauve Souris (Strauss), un Barbier de Séville (Rossini), et un Barbe Bleue (Offenbach) et ça pétille!
Pourquoi ne pas en parler sur ce blog? Manque de temps, paresse? Et puis Eimelle le fait déjà très bien pour Tours...
Alors, vous y allez quand?
Alain Duault
Plon, 2012
1060 pages...
"Le grand cinéaste Billy Wilder racontait un jour : 'Hier soir je suis allé voir Les Maîtres chanteurs de Wagner. Le spectacle commençait à six heures. Trois heures après j'ai regardé ma montre : il était six heures et quart...!"
Aimer l'opéra n'est pas exempt de surprises. Lire "Début du spectacle 14 h 30, fin du spectacle 18 h 45", par exemple. Là c'est un de mes records, d'ordinaire cela ne dure "que" trois heures en moyenne. Trois heures de bonheur la plupart du temps (je choisis mes spectacles; pas de Wagner)
Alain Duault est bien connu sur Radio classique et j'ai découvert qu'il était au départ de la retransmission d'opéras du Met au cinéma. Mais ce qui compte est qu'il est un passionné d'opéra, et qu'il en parle avec un enthousiasme dévastateur. Dans cet opus, il privilégie ce qu'il aime, ce n'est donc pas exhaustif, car il préfère donner envie plutôt de critiquer défavorablement. Il a eu la chance d'assister à des spectacles d'anthologie, de rencontrer interprètes et chef d'orchestre, de fréquenter des salles mythiques, au cours des dernières décennies. Le veinard!
Les entrées de ce Dictionnaire font la part belle à des interprètes (Callas, Maria Malibran), ou des compositeurs (Rossini, Verdi) dont la vie est déjà un roman, sans oublier des œuvres ou des auteurs plus confidentiels mais qui ont su parler à son cœur.
Parmi tant d'autres...
Servir
A un dîner où quelqu'un lança 'Mais à quoi sert l'opéra?' il répondit :'à rien'.
"C'est évident : l'opéra ne sert à rien. Comme la poésie ne sert à rien, comme le théâtre ne sert à rien, comme regarder le ciel qui se referme telle une main sur l'horizon ne sert à rien, comme ... On pourrait en aligner, des gestes qui ne servent à rien. Sinon qu'ils sont le nœud de nos existences. (... deux pages, trop long... l'amour ... la beauté...) Oui, sans doute, l'opéra ne sert à rien - mais il nous aide à vivre."
Casta diva
Dès le prélude, avec cet accompagnement tout en élégiaques arpèges de cordes sur lesquels la flûte fait entendre un chant mélancolique, une de ces mélodies dont Bellini avait le secret et qui devait tant émouvoir Chopin, on se sent happé, comme en apesanteur. Et la vois s'élève comme un lent envol, une manière d'abord de contemplation sereine qui peu à peu monte, s'exalte, déploie son tissu. Le chœur vient tisser derrière cette voix une vague sur laquelle elle s'appuie pour continuer de dérouler un long ruban argenté, cette lumière de lune qu'elle incarne. Et ce qui fascine, c'est la continuité quasi hypnotique des arpèges sur lesquels la voix s'incurve, à partir desquels elle s'élance pour sculpter une sorte de statuaire mélodique où l'intimité troublée semble faire palpiter la majesté sereine de la prêtresse. On est comme suspendu, soulevé dans une sorte de lévitation inouïe, emporté dans la forêt obscure où cet hymne lunaire préfigure la 'perfection de la tragédie' que représente Norma selon le philosophe Schopenhauer."
Il s'exprime bien, n'est-ce pas? J'en serais bien incapable... Pour lui, la meilleure dans cet air, c'est Callas, je vous mets le lien où elle est filmée (http://www.ina.fr/video/I08016689)
Rien ne me destinait à tomber dans la marmite opéra, a priori. Mais une fois fait, impossible de s'en passer. Il était donc fatal que je présente ce pavé incontournable. D'autres existent sans doute sur le même sujet. Mais je conseillerais plutôt d'assister à une représentation en vrai, c'est complètement différent de l'écoute d'un disque - ou même à la télévision ou au cinéma (que je ne dédaigne pas non plus, évidemment)
L'opéra, réservé à certaines personnes? Pffff!
S'habiller? Pas besoin d'être en tenue de soirée, j'y vais d'ailleurs en 'tous les jours'. Et ceux qui me connaissent savent que c'est vraiment sans chichis.
Le coût? Pas besoin de casser obligatoirement sa tirelire, il y a plein de bons plans. Et puis, s'offrir un concert de Johnny Halliday (pour citer un chanteur qui à mon goût a une voix intéressante) peut être plus cher. Ramené à trois heures de spectacle, c'est correct.
La langue? Oh la la, si vous saviez, il y a quelque temps les surtitrages n'existaient pas! Maintenant, même quand c'est en français, on peut lire les paroles et suivre au fur et à mesure. Même si je me souviens d'une représentation de Iolanta, en plein air en juillet dernier (et il a plu tout autour sauf au lieu même), en russe sans traduction... Par bonheur j'avais potassé mon Kobbé juste avant (autre bouquin incontournable)
C'est long. Il faut s'y préparer un peu sinon on peut s'ennuyer! OK, il y a des codes, il faut accepter que la dame proche de la mort aie encore la force de chanter vingt minutes d'adieux... Mais il n'y a pas que le chant, il y a l'histoire, souvent prenante, même si on la connaît par cœur, la mise en scène, les décors, les costumes. Complet, vous dis-je! Il y a les entractes aussi, avec boissons au foyer (avec modération). Fort souvent les théâtres sont des lieux absolument magnifiques!
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Grand escalier du grand théâtre de Tours |
Pourquoi ne pas en parler sur ce blog? Manque de temps, paresse? Et puis Eimelle le fait déjà très bien pour Tours...
Alors, vous y allez quand?
Commentaires
Mais oui, les chœurs! Quand il n'y en a pas, ils me manquent! Récemment, dans un Mozart "jeune", il n'y en avait pas! (Il re pastore, et quasiment pas de duos, trios, etc, comme Mozart les réussit si bien)
toc c'est noté
Et je l'avoue .. il m'est arrivé de m'endormir au théâtre... jamais à l'opéra!
A Orléans tu as après demain 11 février un opéra de Haydn à la scène nationale; repéré par mes services, mais finalement je n'irai pas. Cette scène propose des trucs intéressants, de la danse entre autres, et permet d'allonger ses jambes, c'est incroyable, un record sans doute!
Alain Duault, on l'aime!
Pour les Dictionnaires amoureux, c'est le deuxième présenté sur ce blog, je n'ai pas dit non à d'autres (genre celui des chats...) et ai donc une rubrique, oui. ^_^
C'est vrai, Eimelle en parle très bien!
Pour le coût, c'est fort variable (si on accepte d'être au poulailler, on peut avoir du bon acoustiquement parlant à 15 euros...). Pour certains endroits, il faut envisager un peu plus (mais après tout, pour trois heures environ...) Je ne vais pas dévoiler tous les 'bons plans', mais si on est jeune (moins de 28 ans), ou plus âgé (plus de 65 ans) il y a des possibilités!
Je me souviens aussi de Diva, et bien sûr du film de Losey.
Bonne semaine à toi!
J'espère t'avoir prouvé par mes sorties que l'opéra peut avoir des mises en scène décoiffantes... Quant à Offenbach, ce pourrait être l'occasion de sortir un peu cette hyène hilare...
J'ai ralenti le rythme depuis quelques années car aller à Paris en voiture pour 19h30 relève de l'exploit quand on travaille un peu loin en banlieue....
Mais j'écoute toujours régulièrement de l'opéra et je les regarde à la TV. Mon cinéma passe aussi des opéras en direct, mais toujours à des horaires pas prévus pour les gens qui travaillent...
Je profite aussi de la télé et du cinéma, même si ce n'est pas 100% la même émotion.
Je vérifie : il y aura Les caprices de Marianne, qui tourne en France (co production)(je pense y assister à Tours) et la Cenerentola, oh un Rossini!
Il y a aussi des histoires bien barrées, dernièrement Rossini m'a encore bluffée!
Exact pour les jambes, je suis petite et pourtant parfois j'ai du mal à croiser les jambes ou changer de position dans les vieilles salles. Je connais des gens qui demandent toujours des places en bout de rang.
A Paris il y peut y avoir des bons plans, à condition de faire la queue au dernier moment (et d'habiter pas trop loin) ou d'avoir l'âge requis.
Quant aux passions que l'on a, on est bien malheureux si on ne sait pas s'en moquer, n'est-ce pas?