Brasil
La grande traversée
Franck Degoul
Transboreal, 2015
Encoooooooooore un récit de marche!(si, vous l'avez pensé!) Oui mais là il s'agit de parcourir le Brésil du sud (Chui, proche de l'Uruguay) au nord (Oiapoque, près de chez nous, enfin, la Guyane). Des milliers de kilomètres en sept mois et demi. De la pampa à la forêt équatoriale, le long d'une route (voire une piste) sillonnée par les camions et généralement bordée de clôtures (comme quoi il n'y a pas que la Sologne...), et donc au bord de laquelle il s'avère délicat de monter en toute sécurité Rotunda, la petite tente censée abriter notre marcheur, qui souvent se rabat sur les nombreuses stations-services, offrant eau, nourriture, douches, et rencontres.
Découvertes intérieures du marcheur qui ne s'appesantira pas sur ses difficultés et comme Rufin découvre le 'bonheur de se sentir allégé'. Cependant par prudence il fallait bien prévoir eau et nourriture pour quelques longues étapes...
"Tout d'abord, admettre ne rien maîtriser de l'instant qui suit. Sillonner chaque journée sans savoir ni où ni comment on dormira le soir venu. Et, à l'encontre des inquiétantes chimères ourdies par l'imagination, constater que tout se déroule invariablement."
Frank Degoul est docteur en anthropologie et à ce titre a déjà roulé sa bosse dans pas mal d'endroits. Mais là, il ne s'agissait pas de séjourner en un lieu et d'étudier longuement, mais de "passer plutôt que demeurer". Au fil du voyage, des paysages, des rencontres, se révèle un Brésil multiforme. Multiracial, on le savait, et les rencontres avec des indigènes déracinés sont tristes. Mais j'ignorais totalement l'existence de villes établies il y a 200 ou 100 ans par des immigrants allemands, italiens...
Aux moments de découragement, que de belles (et courtes) rencontres faisant oublier les déceptions d'autres. L'auteur a l'art de la description de ces moments parfois fugitifs, brefs en tout cas.
"Il semble qu'au Brésil, marcher soit le symptôme d’une déchéance. Marche celui que la misère met au pas- le vagabond, l'errant; marche encore celui qui s'ensauve, qui s'évade. La marche n'est pas l'instrument d'une découverte mais une sentence, la bannière des réprouvés."
Voleurs de grands chemins, pumas, les dangers guettaient notre voyageur. Intrépide, il a continué!
"Cette longue marche n'est pas prestigieuse
Cette longue marche n'est pas humanitaire
Cette longue marche n'est pas dans les pas de ...
(...)
Cette longue marche ne fera pas un succès de librairie
où un aventurier solitaire, apollinien,
au regard aussi pur que les pays qu'il parcourt
(...)
Mais parvient avec son entier courage et ses ultimes ressources
à regagner Paris pour y briller au Salon du livre.
(...)
Cette longue marche est aussi vaine qu'une oeuvre d'art
et sans doute aussi indispensable à son auteur."
Le billet de Chinouk (merci!)
La grande traversée
Franck Degoul
Transboreal, 2015
Encoooooooooore un récit de marche!(si, vous l'avez pensé!) Oui mais là il s'agit de parcourir le Brésil du sud (Chui, proche de l'Uruguay) au nord (Oiapoque, près de chez nous, enfin, la Guyane). Des milliers de kilomètres en sept mois et demi. De la pampa à la forêt équatoriale, le long d'une route (voire une piste) sillonnée par les camions et généralement bordée de clôtures (comme quoi il n'y a pas que la Sologne...), et donc au bord de laquelle il s'avère délicat de monter en toute sécurité Rotunda, la petite tente censée abriter notre marcheur, qui souvent se rabat sur les nombreuses stations-services, offrant eau, nourriture, douches, et rencontres.
Découvertes intérieures du marcheur qui ne s'appesantira pas sur ses difficultés et comme Rufin découvre le 'bonheur de se sentir allégé'. Cependant par prudence il fallait bien prévoir eau et nourriture pour quelques longues étapes...
"Tout d'abord, admettre ne rien maîtriser de l'instant qui suit. Sillonner chaque journée sans savoir ni où ni comment on dormira le soir venu. Et, à l'encontre des inquiétantes chimères ourdies par l'imagination, constater que tout se déroule invariablement."
Frank Degoul est docteur en anthropologie et à ce titre a déjà roulé sa bosse dans pas mal d'endroits. Mais là, il ne s'agissait pas de séjourner en un lieu et d'étudier longuement, mais de "passer plutôt que demeurer". Au fil du voyage, des paysages, des rencontres, se révèle un Brésil multiforme. Multiracial, on le savait, et les rencontres avec des indigènes déracinés sont tristes. Mais j'ignorais totalement l'existence de villes établies il y a 200 ou 100 ans par des immigrants allemands, italiens...
Aux moments de découragement, que de belles (et courtes) rencontres faisant oublier les déceptions d'autres. L'auteur a l'art de la description de ces moments parfois fugitifs, brefs en tout cas.
"Il semble qu'au Brésil, marcher soit le symptôme d’une déchéance. Marche celui que la misère met au pas- le vagabond, l'errant; marche encore celui qui s'ensauve, qui s'évade. La marche n'est pas l'instrument d'une découverte mais une sentence, la bannière des réprouvés."
Voleurs de grands chemins, pumas, les dangers guettaient notre voyageur. Intrépide, il a continué!
"Cette longue marche n'est pas prestigieuse
Cette longue marche n'est pas humanitaire
Cette longue marche n'est pas dans les pas de ...
(...)
Cette longue marche ne fera pas un succès de librairie
où un aventurier solitaire, apollinien,
au regard aussi pur que les pays qu'il parcourt
(...)
Mais parvient avec son entier courage et ses ultimes ressources
à regagner Paris pour y briller au Salon du livre.
(...)
Cette longue marche est aussi vaine qu'une oeuvre d'art
et sans doute aussi indispensable à son auteur."
Le billet de Chinouk (merci!)
Commentaires
Tu sais, j'ai déjà fouiné dans le catalogue de l'éditeur, il y a encore de la marche parmi les titres qui me font envie...
Je change de sujet mais en voyant tes échanges sur Mrs Woolf, je me suis dit que tu pourrais me dire par quoi commencer ? Car ma BM possède énormément d'ouvrages sur elle (romans, essais, correspondances) et je ne sais pas par quoi commencer ? Je suis allée sur Wiki pour en savoir plus sur elle (je connaissais sa fin tragique). Pourrais-tu m'aider ce coup-ci ? Orlando ? The waves ? ou une correspondance ? Ses nouvelles comme celles que tu as lues en juin dernier ? Je vais lire aussi en vo.
La route est surtout utilisée par des camions (ce n'est pas mieux, tu me diras) mais il ne semble pas y en avoir à touche touche non plus. Plutôt dangereux quand même...
Bon, j'ai démarré Mrs Dalloway en français, jeté l'éponge au bout d'une page, ensuite dévoré L'art du roman (en français) et c'était parti! J'essaie de la lire en VO. Romans, essais, nouvelles, une biographie. je n'ai pas terminé et ai encore la correspondance. Tu as colonne de droite dans Poids lourds : Woolf.
Lire des essais, donc, une petite bio aussi si tu veux, et te lancer dans ses romans, Mrs Dalloway, Vers le phare, bref tu as du choix.
Ce voyage au Brésil est fort intéressant, et notre "pèlerin" était plus seul que sur le chemin de Compostelle, même si finalement le chemin vers Compostelle donne des récits différents selon les marcheurs...
Oui, ce Brasil devrait te plaire...
"Et cette phrase, justifiant qu'on lise VW en VO : 'making dashes and splashes about him like a man dabbing putty here there trying to cement bricks together' "
Alors en effet j'apprécierai sans doute la marche de Degoul, mais en lecture, confortablement installé ;)
L'auteur avait juste programmé deux points de chute dans de grandes villes, dont l'une pour renouveler un visa, mais sinon, oui, c'est l'aventure. Je ne dis pas que Compostelle c'est du gâteau, mais c'est un chemin plus (trop?) fréquenté, avec logements, étapes prévisibles si on le désire. Reste quand même la marche!
Frank Degoul s'est lancé dans une aventure qui aurait pu mal se terminer, c'est sûr.
Comme vous, j'aime l'organisé... Plus l'âge de jouer avec sa santé... Avez-vous lu les récits d'Axel Kahn marchant à travers la France? L'homme n'est plus tout jeune et a veillé à garder un confort à l'étape, je l'approuve!
La page Facebook de l'ouvrage vous donnera accès à de nombreuses autres informations le concernant.
Merci encore, et bon vent à toutes/tous !
Franck Degoul
Oui, me passionner pour la marche dans un pays que je ne connais pas, il fallait le réussir, vous y êtes arrivé! Plus généralement je fais confiance à l'éditeur pour bien me balader (sans quitter la maison)
Merci beaucoup des informations et liens.
Bons voyages à vous, s'il en est de prévus!