Yparkho
Michel Jullien
Verdier, 2014
Ah Yparkho, c'est parfois raide!
"Une douzaine de chats égyptiens se partagent le pas de la maison basse (ils ont cette façon haut placée des figurants qui auraient tous le rôle principal), de ces chats à tête d'épingle, le paleron hâve, les oreilles en pyramide, pointues comme sont les dents de poisson dans leur gueule. Géniteurs familiers du jardin marin, mâles, femelles, ils disparaissent d'eux mêmes, et quant aux nouveaux nés, Ilias les tue, la plupart." (je vous évite la suite, âmes sensibles)
Bon, je suis malhonnête, ce roman parle de bien autre chose (quoique les chats sont décrits avec un talent dénotant un talent d'observation extraordinaire). Deux personnages principaux, Ilias, pêcheur et génie de la mécanique dans un garage crétois bien pourri, et sa mère. Les deux, sourds et muets. Ilias possède un vieux phonographe sur lequel il écoute (à fond)(mais qui gêne-t-il?) les deux mêmes vinyles et une barque pour pêcher sa nourriture (et celle des chats, par conséquence). Un jour sur une falaise balayée par le vent, c'est la grande découverte: entendrait-il le mugissement des éléments?
Si vous avez déjà lu Michel Jullien, vous saurez que ce n'est pas l'histoire qui compte, mais sa façon de sculpter les phrases, d'insérer les mots les uns dans les autres à leur juste place, obtenant ainsi un texte assimilable à de la mécanique de précision, ciselé, absolument évocateur.
Du même auteur : Esquisse d'un pendu Au bout des comédies
Merci à Jérôme qui m'a permis de découvrir ce roman!
Pour terminer ma découverte de l'auteur chez Verdier, restait son premier paru, Compagnies tactiles.
Compagnies tactiles
Michel Jullien
Verdier, 2009
Né en 1962, Michel Jullien évoque magnifiquement ces moments d'observation de menus objets le fascinant, proposant une description quasi cinématographique de ces instants, où, par exemple, l'on explore les possibilités d'un aimant ou d'une machine à écrire. Ouvrir à la clé une boîte de sardines devient une épopée minutieusement détaillée. Examiner une bicyclette ouvre des horizons historiques et scientifiques. Une bougie d'automobile aussi. Des figues, des algues. Pour terminer avec les mains...
"Mon appétit tactile en restait coi: pourquoi mêler faïence et fer, pourquoi ce cierge par-dessus cette quille d'acier union de deux matières antagoniques destinées à être enfouies ensemble dans le centre névralgique d'un moteur?"
"En bas, une fosse d'orchestre à six rangs gradués, chiffres en haut.(...) En haut, comme sur une estrade, le chœur des tiges de frappe -la cage thoracique de la machine-, dessinant la courbe d'un gradin de stade."
Faut-il avoir connu ces objets pour les voir et les sentir quand on lit ces textes? Je l'ignore, mais je peux certifier que par exemple mes mains sentaient encore les aimants se repousser, et puis...
"Leurs contorsions prenaient soudain un tour imprévu et, contre toute vigilance, profitant d'une seconde de moindre résistance, les parallélépipèdes pirouettaient entre mes doigts pour se retrouver tête-bêche dans le bon équilibre de leurs champs magnétiques, me pinçant la peau au passage."
J'espère que les p'tiots de maintenant ont l'occasion -passé l'époque du berceau- de toucher/tripoter divers objets de leur environnement, visser/dévisser, monter/remonter, et pas seulement utiliser leurs pouces sur un écran...
Le petit plus
Dimanche 27 septembre, dans le cadre d’Écrivains à Chambord, l'invité était Michel Jullien qui a (bien) lu durant une bonne trentaine de minutes quelques passages d'Yparkho, se prêtant ensuite au jeu des questions réponses. Puis des dédicaces, un libraire de la grande ville proche ayant largement prévu. La rencontre a eu lieu dans une des salles du château, sous le regard indifférent de Louis XIII et du jeune Louis XIV (entre autres) mais champagne et petits gâteaux étaient offerts... Je pense revenir.
Michel Jullien
Verdier, 2014
Ah Yparkho, c'est parfois raide!
"Une douzaine de chats égyptiens se partagent le pas de la maison basse (ils ont cette façon haut placée des figurants qui auraient tous le rôle principal), de ces chats à tête d'épingle, le paleron hâve, les oreilles en pyramide, pointues comme sont les dents de poisson dans leur gueule. Géniteurs familiers du jardin marin, mâles, femelles, ils disparaissent d'eux mêmes, et quant aux nouveaux nés, Ilias les tue, la plupart." (je vous évite la suite, âmes sensibles)
Bon, je suis malhonnête, ce roman parle de bien autre chose (quoique les chats sont décrits avec un talent dénotant un talent d'observation extraordinaire). Deux personnages principaux, Ilias, pêcheur et génie de la mécanique dans un garage crétois bien pourri, et sa mère. Les deux, sourds et muets. Ilias possède un vieux phonographe sur lequel il écoute (à fond)(mais qui gêne-t-il?) les deux mêmes vinyles et une barque pour pêcher sa nourriture (et celle des chats, par conséquence). Un jour sur une falaise balayée par le vent, c'est la grande découverte: entendrait-il le mugissement des éléments?
Si vous avez déjà lu Michel Jullien, vous saurez que ce n'est pas l'histoire qui compte, mais sa façon de sculpter les phrases, d'insérer les mots les uns dans les autres à leur juste place, obtenant ainsi un texte assimilable à de la mécanique de précision, ciselé, absolument évocateur.
Du même auteur : Esquisse d'un pendu Au bout des comédies
Merci à Jérôme qui m'a permis de découvrir ce roman!
Pour terminer ma découverte de l'auteur chez Verdier, restait son premier paru, Compagnies tactiles.
Compagnies tactiles
Michel Jullien
Verdier, 2009
Né en 1962, Michel Jullien évoque magnifiquement ces moments d'observation de menus objets le fascinant, proposant une description quasi cinématographique de ces instants, où, par exemple, l'on explore les possibilités d'un aimant ou d'une machine à écrire. Ouvrir à la clé une boîte de sardines devient une épopée minutieusement détaillée. Examiner une bicyclette ouvre des horizons historiques et scientifiques. Une bougie d'automobile aussi. Des figues, des algues. Pour terminer avec les mains...
"Mon appétit tactile en restait coi: pourquoi mêler faïence et fer, pourquoi ce cierge par-dessus cette quille d'acier union de deux matières antagoniques destinées à être enfouies ensemble dans le centre névralgique d'un moteur?"
"En bas, une fosse d'orchestre à six rangs gradués, chiffres en haut.(...) En haut, comme sur une estrade, le chœur des tiges de frappe -la cage thoracique de la machine-, dessinant la courbe d'un gradin de stade."
Faut-il avoir connu ces objets pour les voir et les sentir quand on lit ces textes? Je l'ignore, mais je peux certifier que par exemple mes mains sentaient encore les aimants se repousser, et puis...
"Leurs contorsions prenaient soudain un tour imprévu et, contre toute vigilance, profitant d'une seconde de moindre résistance, les parallélépipèdes pirouettaient entre mes doigts pour se retrouver tête-bêche dans le bon équilibre de leurs champs magnétiques, me pinçant la peau au passage."
J'espère que les p'tiots de maintenant ont l'occasion -passé l'époque du berceau- de toucher/tripoter divers objets de leur environnement, visser/dévisser, monter/remonter, et pas seulement utiliser leurs pouces sur un écran...
Le petit plus
Dimanche 27 septembre, dans le cadre d’Écrivains à Chambord, l'invité était Michel Jullien qui a (bien) lu durant une bonne trentaine de minutes quelques passages d'Yparkho, se prêtant ensuite au jeu des questions réponses. Puis des dédicaces, un libraire de la grande ville proche ayant largement prévu. La rencontre a eu lieu dans une des salles du château, sous le regard indifférent de Louis XIII et du jeune Louis XIV (entre autres) mais champagne et petits gâteaux étaient offerts... Je pense revenir.
Ouh là ! Le premier, je ne vois pas du tout. Le deuxième, en revanche, me fait penser à Perec. "Ouvrir à la clé une boîte de sardines", ça me parle.
RépondreSupprimerPérec si tu veux... Une écriture travaillée et évocatrice.
SupprimerPas sûr du tout que ce soit pour moi ce genre de littérature.
RépondreSupprimerJ'ai lu ses quatre romans, c'est particulier, une expérience à faire.
Supprimerj'avais comme toi énormément aimé esquisses d'un pendu mais je n'ai pas accroché à ses autres textes
RépondreSupprimerJ'ai l'impression que Compagnies tactiles te plairait bien, souvenirs, souvenirs...
SupprimerUn auteur qu'il faut que je découvre, alors.
RépondreSupprimerExactement! Après, on aime ou pas...
SupprimerRencontrer un auteur dans un château avec champagne et petits fours, la classe ! Je ne connais pas Michel Jullien, mais j'avoue être tenté, en plus c'est chez Verdier...
RépondreSupprimerLa grande classe!
SupprimerPour info
A venir :
* Dimanche 25 octobre : Malek Chebel
* Dimanche 29 novembre : Céline Minard (dans le cadre d’une résidence d’artiste)
Sont déjà venus à Chambord (dans l’ordre alphabétique) : Jean-Christophe Bailly, Pierre Bergounioux, Arno Bertina, Jean-Marie Blas de Roblès, François Bon (accompagné de Dominique Pifarely, violoniste), Yves Bonnefoy, Hélène Cixous, Marie Darrieussecq, Chloé Delaume, Patrick Deville, Jean Echenoz, Antoine Emaz, Mathias Enard, Christian Garcin, Laurent Gaudé, Jean-Louis Giovannoni, Yannick Haenel, Nancy Huston (accompagnée de Claude Barthélémy, guitariste), Michel Jullien, Maylis de Kerangal, Alberto Manguel, Pierre Michon, Céline Minard, Bernard Noël, Christian Prigent (accompagné de Vanda Benes, comédienne), Jean-Benoît Puech, Pascal Quignard, Oliver Rohe, Lydie Salvayre (accompagnée de Claude Barthélémy, guitariste), Cole Swensen, Tanguy Viel et Antoine Volodine.
Toutes les lectures, qui débutent à 15h, sont suivies d’une discussion avec l’écrivain et sont gratuites dans la limite des places disponibles.
oh les chats non .....
RépondreSupprimeraprès, je ne suis pas toujours une bonne cliente de ce genre de récits .. un de temps en temps ... mais c'est bien de le découvrir grâce à toi
Hé oui, les chats, faut pas que ça pullule trop, mais c'est raide! (les miens sont opérés)
SupprimerCompagnies tactiles pourrait te plaire pour un contact plus tranquille!
Ca devait être une super après-midi mais je ne suis pas très attirée par ces livres...
RépondreSupprimerJ'y suis allée car je connaissais l'auteur par ses romans. C'est complètement différent, un texte lu!
SupprimerIl s'en passe des choses à Chambord, dis donc !;-) Bon, cet auteur vaut le détour visiblement. J'avais déjà noté Yparkho chez Jérôme (c'était il y a un ou deux ans, voilà voilà,le temps passe), peut-être pas mon style côté intrigue mais c'est toujours très agréable de lire des textes où la langue française est maniée avec subtilité et maîtrise.
RépondreSupprimerEntre le brame des cerfs, les sangliers au bord du chemin et le photographe coréen qui expose (ha oui, Coréen), il se passe des choses, oui. Le prochain invité, je ne connais pas, et ensuite Céline Minard, je vois si j'y vais.
SupprimerTente l'aventure Jullien en bibli, de toute façon ses textes font dans les 150 pages, pas plus, voire moins pour Compagnies tactiles.
Je l'ai découvert avec Yparkho et j'ai trouvé son écriture d'une qualité exceptionnelle. Peu importe l'histoire, chez cet auteur, la musique des mots emporte tout.
RépondreSupprimerTu as raison, "il n'y a pas besoin d'histoires" ou alors c'est ténu; mais on s'en fiche! N'hésite pas à découvrir ses autres romans/récits.
SupprimerLes deux livres de Jullien (ce fin mécanicien des mots) m'intéressent, je prends note, enthousiasmé d'abord par les compagnies tactiles.
RépondreSupprimerJe conseillerais ces Compagnies tactiles à tout lecteur ayant connu les télévisions d'avant les télécommandes et même d'avant la multiplicité des chaînes... Vous allez vous régaler!
SupprimerCompte tenu de ce que tu en dis, la saveur tenant de ses livres dans son style, je pense que c'est un auteur qui demande vraiment à être goûté et dégusté...
RépondreSupprimerExactement! Ses livres sont courts, d'ailleurs...
Supprimerje découvre cet auteur avec toi..; il faudrait que j'essaye!
RépondreSupprimerUne écriture ciselée, mais ça vaut le coup de tenter!
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