Ceux de July
July's people, 1981
July's people, 1981
Nadine Gordimer
Albin Michel, 1983
Traduit par Annie Saumont
C'est curieux, les auteurs sud africains après lecture donnent souvent l'impression de grand roman, d'incontournable, de fort, de 'qui va rester dans la mémoire' et au moment d'en parler c'est tellement difficile à cerner pourquoi.
Précédée par A girl et Zarline, voici donc Ceux de July (oui, LC en décalage).
Pour en savoir plus sur l'auteur, voir ce billet paru lors de sa disparition en 2014, se terminant par
À propos de Ceux de July (Albin Michel), paru en 1983, Nadine Gordimer déclarait à La Croix : « Le racisme pourrait être le péché originel, l’inévitable tache qui marque tout être humain, de quelque race qu’il soit. Il faut savoir qu’il est là, en chacun de nous, comme le virus de la peste.
Parlons de l'histoire:
La famille Smales, le père, architecte, la mère, Maureen, et leurs trois jeunes enfants ont fui leur belle villa, quittant Johannesbourg en proie au émeutes, incendies, violence. La population noire a pris possession d'une partie du pays, des avions ont été abattus, bref, c'est le chaos. Où aller? Leur domestique depuis quinze ans, July, propose des les emmener dans son village de brousse, à des centaines de kilomètres, où la case de sa propre mère leur sera prêtée. Le roman va juste raconter quelques semaines de leur séjour. La fin est assez ouverte.
Paru en Afrique du sud en 1981, bien avant la fin de l'Apartheid que l'on connaît, ce roman imagine donc une rébellion armée de la population noire, la mort, la résistance ou la fuite de la population blanche, mais les événements resteront en arrière plan. Nadine Gordimer scrute l'évolution des rapports entre ses personnages. Le couple Smales, avec le mari désormais sans pouvoir et dépendant du bon vouloir de son ex-domestique, lequel décide d'apprendre à conduire et récupère les clés de leur véhicule. Difficile pour le couple de passer d'une immense villa à une simple case, sans intimité réelle (et ni eau ni électricité bien sûr). Cahin caha ils s'adaptent, Maureen essaie de travailler avec les femmes. C'est finalement leur plus jeune fille qui s'intègre le mieux au village.
Mais les moments les plus forts, à mon avis, sont ceux des échanges entre Maureen et July, où l'on retient sa respiration tellement la tension est palpable. Les Smales n'étaient pas de mauvais employeurs selon leurs critères, ils essayaient de respecter July et lui offrir de bonnes conditions de travail, mais pourtant jamais il ne fut leur égal. Maureen commence à réaliser qu'elle ne comprenait pas July.
"De là, elle voyait la brousse. Elle se mit à lire. Mais le dépaysement qu'offre un roman, l'impression illusoire et pourtant profonde de se trouver transportée dans un autre temps, un autre lieu, une autre vie, qui fait tout le plaisir de la lecture, elle ne l'éprouvait plus. Dans un autre temps, un autre lieu, une autre vie? Elle y était déjà. Et cet exil l'oppressait. Ce changement dans son existence, ce dépaysement involontaire occupaient toute sa pensée comme l'air qu'on souffle dans un ballon le remplit et lui donne sa forme. Déjà, elle n'était pas ce qu'elle était. Aucune fiction ne pouvait rivaliser avec ce qu'elle découvrait à présent et qu'elle n'aurait jamais pu imaginer.
Ces gens ne possédaient rien.
Dans leurs maisons, il n'y avait rien. Du moins à première vue."
Un très beau roman, qu'on ne peut oublier.
C'est curieux, les auteurs sud africains après lecture donnent souvent l'impression de grand roman, d'incontournable, de fort, de 'qui va rester dans la mémoire' et au moment d'en parler c'est tellement difficile à cerner pourquoi.
Précédée par A girl et Zarline, voici donc Ceux de July (oui, LC en décalage).
Pour en savoir plus sur l'auteur, voir ce billet paru lors de sa disparition en 2014, se terminant par
À propos de Ceux de July (Albin Michel), paru en 1983, Nadine Gordimer déclarait à La Croix : « Le racisme pourrait être le péché originel, l’inévitable tache qui marque tout être humain, de quelque race qu’il soit. Il faut savoir qu’il est là, en chacun de nous, comme le virus de la peste.
Parlons de l'histoire:
La famille Smales, le père, architecte, la mère, Maureen, et leurs trois jeunes enfants ont fui leur belle villa, quittant Johannesbourg en proie au émeutes, incendies, violence. La population noire a pris possession d'une partie du pays, des avions ont été abattus, bref, c'est le chaos. Où aller? Leur domestique depuis quinze ans, July, propose des les emmener dans son village de brousse, à des centaines de kilomètres, où la case de sa propre mère leur sera prêtée. Le roman va juste raconter quelques semaines de leur séjour. La fin est assez ouverte.
Paru en Afrique du sud en 1981, bien avant la fin de l'Apartheid que l'on connaît, ce roman imagine donc une rébellion armée de la population noire, la mort, la résistance ou la fuite de la population blanche, mais les événements resteront en arrière plan. Nadine Gordimer scrute l'évolution des rapports entre ses personnages. Le couple Smales, avec le mari désormais sans pouvoir et dépendant du bon vouloir de son ex-domestique, lequel décide d'apprendre à conduire et récupère les clés de leur véhicule. Difficile pour le couple de passer d'une immense villa à une simple case, sans intimité réelle (et ni eau ni électricité bien sûr). Cahin caha ils s'adaptent, Maureen essaie de travailler avec les femmes. C'est finalement leur plus jeune fille qui s'intègre le mieux au village.
Mais les moments les plus forts, à mon avis, sont ceux des échanges entre Maureen et July, où l'on retient sa respiration tellement la tension est palpable. Les Smales n'étaient pas de mauvais employeurs selon leurs critères, ils essayaient de respecter July et lui offrir de bonnes conditions de travail, mais pourtant jamais il ne fut leur égal. Maureen commence à réaliser qu'elle ne comprenait pas July.
"De là, elle voyait la brousse. Elle se mit à lire. Mais le dépaysement qu'offre un roman, l'impression illusoire et pourtant profonde de se trouver transportée dans un autre temps, un autre lieu, une autre vie, qui fait tout le plaisir de la lecture, elle ne l'éprouvait plus. Dans un autre temps, un autre lieu, une autre vie? Elle y était déjà. Et cet exil l'oppressait. Ce changement dans son existence, ce dépaysement involontaire occupaient toute sa pensée comme l'air qu'on souffle dans un ballon le remplit et lui donne sa forme. Déjà, elle n'était pas ce qu'elle était. Aucune fiction ne pouvait rivaliser avec ce qu'elle découvrait à présent et qu'elle n'aurait jamais pu imaginer.
Ces gens ne possédaient rien.
Dans leurs maisons, il n'y avait rien. Du moins à première vue."
Un très beau roman, qu'on ne peut oublier.
Je l'ai lu à sa parution et j'ai le regret de te dire que je l'ai oublié ... Mais je tiens Nadine Gordimer pour une grande romancière, il faudrait seulement relire régulièrement pour rafraîchir sa mémoire. Je ne sais pas combien de livres j'ai lu depuis que j'ai commencé, ça doit en faire des étagères ... (côté masculin, André Brink me faisait le même effet.
RépondreSupprimerJ'espère t'avoir rafraîchi la mémoire! ^_^ Sans les deux blogueuses citées, je ne l'aurais jamais lu et c'était dommage. Mon p'tit blog commence à avoir une jolie collection d'auteurs sud africains (mais pas Brink, tiens)
SupprimerMerci merci de renouveler la recommandation autour de ce roman qui me semble essentiel, de nous rappeler qu'il y a d'excellents livres sortis il y a longtemps (suis en train de lire le Livres Hebdo qui chronique déjà des romans de la rentrée de janvier 2016 et ça me mine...).
RépondreSupprimerMa pauvre, oui, je sais que tu te fais du mal, là. ^_^ J'espère que tu n'es pas obligée de tout lire. Pour ma part j'ai pas mal trié dans la rentrée de septembre et en lirai tranquillement. Je viens de terminer un bon vieux pavé victorien et suis dans un ancien roman de Céline Minard, car j'espère aller à la lecture à Chambord en fin de mois.
Supprimerje me demande qi j'ai déjà lu un roman de cette auteure..; rôoo, il me faut réparer cette erreur !
RépondreSupprimerPourquoi pas avec ce titre? Tu as l'aval de plein de gens, A girl et zarline dernièrement.
SupprimerHonte à moi, je ne connais pas cette auteure...
RépondreSupprimerDécédée en 2014, prix Nobel en 1991. Mais je ne l'avais jamais lue.
SupprimerQuelle chance j'ai de n'être obligée à rien que mon plaisir, malgré tout la simple tenue de ce blog me freine dans la relecture de livres , je possède moins le contenu de mes romans qu'avant le blog. Et puis vous êtes là , vous, les terribles tentatrices.. et la frénésie va me reprendre!
RépondreSupprimerTu sais, je suis aussi très tentée par les blogs. Mais souvent pour le bien, car sans les deux blogueuses je n'aurais pas lu ce (vieux mais toujours excellent) roman.
Supprimeret ben pour moi c'est comme pour Airelle, je sais que je l'ai lu mais même en lisant ton billet les choses ne me reviennent pas ....aïe ma tête
RépondreSupprimerPourtant quand même un séjour en village au fin fond du bush?
SupprimerJe la connaissais de nom mais je n'ai jamais lu son oeuvre et donc là tu me donnes très envie ! Mais j'ai décidé de consacrer l'année 2016 à découvrir certains pays (je suis très loin de toi) dont fait partie l'Afrique du Sud !
RépondreSupprimerJ'ai encore pris acheté un livre sud-africain, il faut juste que je les lise ! J'ai vu un ou deux films adaptés de l'oeuvre de Brink, et c'était génial. Un must read.
Pour ma part je n'ai pas lu Brink, mais plusieurs autres auteurs de ce pays, non que je fasse une fixation, mais c'est d'une telle qualité! N'hésite pas! Bien évidemment comme pour d'autres littératures, il y a ce qu'on préfère et ce qu'on lâche, forcément.
SupprimerTu me rappelles qu'il faut absolument que je lise cette auteure !
RépondreSupprimerCe titre ci paraît parfait pour démarrer, c'est court et passionnant!
SupprimerAaaah le billet Gordimer ! Justement je me demandais il y a peu ce qu'il devenait (ouioui je me permets, moi qui ai 2 mois de retard de billets...) (mais bon, comme je lis peu ou plus lentement, ça commence à aller).
RépondreSupprimerJe garde encore un souvenir fort de cette lecture, les échanges entre Maureen et July, oui, l'évolution des rapports humains, Nadine Gordimer a su déveleopper son intrigue avec subtilité et beaucoup de justesse.
Ouiouioui, ne laissons pas au placard ces romans d'avant les années 80. et même bien avant encore, sans aller jusqu'aux classiques du 19è qui n'ont plus rien à prouver. Il y a des pépites, et de taille ! En parlant de ça, je ne devrais pas tarder à finir Le puits de la solitude. Finalement je mets plus de temps que je ne le pensais, mais faut dire que les weekends, je n'étais pas chez moi et donc je dégaine moins la liseuse...
J'ai regardé mon historique de lecture à la bibli (mâtin quelle bibli!)(j'ai un doute, es-tu assez âgée pour connaître la référence hautement culturelle du Mâtin, que...? Non sans doute, mais tu connais j'espère), bref, j'ai emprunté le bouquin en juillet août, donc le billet date de cette période. En fait j'écris les billets, puis ils attendent avant de sortir.
SupprimerComment ça les classiques du 19ème? Je sors d'un réjouissant Trollope de 700 pages. Pour le puits, ne me lâche pas, mais on a dit le 23, tu seras au RV!
Ce que je voulais dire avec les classiques, c'est que justement, ils n'ont plus rien à prouver dans le sens où on les reconnaît sans conteste comme incontournables. Pour les romans du 20è siècle, on se tourne moins facilement vers des romans d'avant les années 80-90 j'ai l'impression, et même années 20,30...
SupprimerPour les années 20 30 je réfléchissais, certains auteurs étrangers s'en tirent bien, comme Zweig ou Woolf. Pour les français? Quelques blogueuses mettent Mauriac en avant ces temps ci, mais sinon, Colette, Sagan un peu. J'ai vu récemment Simone de Beauvoir. Tiens, les femmes s'en tireraient-elles mieux? Je n'ai pas de statistiques sur le sujet...
SupprimerTu vois, des gens comme Roger Martin du Gard, Romain Rolland, et même PJ Jouve, une amie a fait sa thèse sur lui, qui le lit encore?
alors moi je ne connaissais pas du tout! Mais je note, bien sûr.
RépondreSupprimerJe ne connaissais que de nom, avant que les blogs ne m’entraînent vers la lecture!
SupprimerJamais lu cette grande dame, il faudrait quand même !
RépondreSupprimerEn effet! Elle fait partie des incontournables.
SupprimerMerci Keisha pour cette recommandation d'un livre que je ne connais pas. Je reviens justement d'un long séjour en Afrique du Sud, j'y suis très attachée (ma famille est moitié sud-africaine, d'origine anglaise). J'ai hâte de lire tous ceux que je n'ai pas lus avec le hashtag #afriquedusud...
RépondreSupprimerCaroline
Je suis une fan absolue de Karel Schoeman et bien décidée à lire tous ses romans. Coetzee aussi est très intéressant. Et il en reste encore à découvrir!
SupprimerJ'aime beaucoup la littérature de l'ADS, mais je n'ai jamais entendu parler de cette auteur. Je la note. Brink c'est drôlement bien!
RépondreSupprimerJe ne doute pas que Brink soit à lire, il faut juste que je trouve un titre qui m'attire (car les romans de ce coin là sont parfois durs à encaisser, c'est normal)
SupprimerCe que tu dis en introduction de ton billet est très juste. C'est exactement ce que j'ai ressenti avec ce roman, ou avec ceux de Coetzee par exemple. Parfois, on oublie l'intrigue, mais l'impression d'un roman coup de poing demeure.
RépondreSupprimerJ'attendais ton avis avec impatience et je suis contente que tu rejoignes le clan des séduits. Mr. Z a lui complètement bloqué sur le style, jusqu'à l'abandonner carrément, ce qui a donné lieu à des débats littéraires houleux ici à la maison ;-)
Et bon, au cas où, on prévoit une lecture Brink avec A Girl pour février. Je dis ça, je ne dis rien...
Et connais-tu Schoeman? Très très fort lui aussi!
SupprimerJ'ignore si j'aurais accroché avec un autre de ses romans (il faudrait essayer), pour Brink, ah là il faut que je choisisse bien le roman, alors! Ce sont en général des lectures qui remuent...
J'imagine bien les débats littéraires à la maison, heureux couple! ^_^
Shoeman? Non, inconnu au bataillon. Tu as un titre à recommander?
SupprimerP.s. Je suppose qu'il s'agit de Karel Schoeman mais je dois dire qu'en cherchant le nom sur internet, je n'ai pas boudé mon plaisir sur Roland Mark Shoeman... peut-être moins littéraire cependant ;-)
Tu fais souffrir mon petit coeur! ^_^ J'en ai lu quatre de karel Schoeman:
SupprimerRetour au pays bien-aimé Cette vie Des voix parmi les ombres La saison des adieux
et dois encore lire En étrange pays.
Tout est bon, y'a rien à jeter.
(et, oui, l'autre Schoeman; ah oui)(mal remise encore; tu aurais pu prévenir)
Je fais apparemment un blocage sur le "c" de Schoeman mais message bien reçu, Karel est noté pour mes prochaines lectures sud-africaines ;-)
RépondreSupprimerJe crois que cela se prononce Skeuman, en plus... Cela peut servir si tu rencontres Roland Mark. ^_^
SupprimerTrêve de plaisanteries, ce Karel mérite le détour.
Je me souviens précisément du billet d'A Girl, depuis il est noté, et tu enfonces le clou...Vous êtes vraiment très convaincantes (parce que c'est casse figure quand même de s'attaquer au sujet des maîtres et des domestiques quand les situations s'inversent)
RépondreSupprimerImagine, ce bouquin est sorti en plein apartheid, c'est presque science-fiction!
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