Sinclair Lewis
Editions Rombaldi, 1962
Traduit par Maurice Rémon
Comme souvent,difficile de retrouver la genèse de cette lecture commune avec A Girl, genèse pouvant s'étaler sur des mois, d'ailleurs. Vraisemblablement l'influence de Sous la grêle osée, retrouvée ici. Comme souvent toujours, ce fut l'occasion d'envoyer la bibliothécaire dans le fantastique magasin (souterrain) de la bibliothèque, ne sentant finalement ni le moisi ni la poussière, et où je pourrais passer des heures. Hélas je ne suis pas censée y pénétrer... (juste une fois, discrètement). La bibliothécaire est revenue à la deuxième tentative ('ah j'ai cherché à S, donc ce doit être à L') avec un énorme volume écrit gros, de la collection des Prix Nobel de littérature, imprimé en 1962.
Et c'est là que j'ai découvert que Sinclair Lewis a reçu le prix Nobel de littérature en 1930, qu'en fait il fut même le premier américain US à l'obtenir (si j'en crois la préface, on craignait un peu ces rustres d'américains à l'époque)
Babbitt est un marchand de biens de la ville de Zenith (dans les 200 000 habitants) et sa vie semble être le modèle de celle d'un bourgeois prospère. Une épouse convenable (au foyer bien sûr), un mariage plus basé sur une bonne entente que l'amour fou, trois enfants assez peu respectueux. Les premiers chapitres décrivent une journée ordinaire du héros, départ du foyer vers son bureau, dont les activités sont parfois à la limite de la légalité (on s'entraide, quoi), pause de midi ("cela ne lui demanda pas beaucoup plus de temps de mettre sa voiture en marche et de s'introduire dans le flot qu'il ne lui en aurait fallu pour faire les quelques centaines de pas qui le séparaient du club"), repas avec diverses connaissances et son ami Paul, conversations viriles, volontairement positives, puis retour dans sa maison des Hauteurs Fleuries, semblable jusque dans la décoration à celle des voisins, où l'attendent sa femme reprisant ses bas et ses aînés trouvant tellement chic une voiture couverte.
Une vivifiante ironie parcourt les pages, l'american way of life en prend un coup. Ces hommes d'affaires prônent le progrès, l'amour du pays et préfèrent que les ouvriers restent à leur place, bien tranquilles. Pas de vagues. Il s'agit d'appartenir aux bons clubs, aux bonnes associations et de mettre les pieds de temps en temps à l'église, et voilà. Râler contre la Prohibition (on est dans les années 20), bonne pour les faibles mais pas pour nous, quoi, et la contourner facilement...
Babbitt rêve-t-il d'une autre vie? Evidemment il prend moult fois la décision de manger moins riche et de cesser de fumer (de gros cigares), il s'arrange pour prendre quelques jours de vacances seul avec son ami Paul. Lors d’une petite maladie (coquillages suspects), "Il prenait conscience de sa vie, avec un peu de tristesse. (...)Il trouvait son genre de vie incroyablement machinal. (...) Machinales ses affaires, vente active de maisons mal construites; machinale sa religion, une église sèche, dure, sans rapport avec la vie véritable de la rue, respectable mais sans humanité, comme un chapeau haut de forme. Machinaux les parties de golf et les dîners, les bridges et les conversations. Et, sauf avec Paul Riesling, machinales les amitiés ... tapes dans le dos et ton de blague, sans jamais oser l'épreuve des propos calmes."
Vite j'ai compris que Lewis se livre à une satire au travers de Babbitt, et qu'il ne se passerait rien de révolutionnaire. Juste le dernier tiers voit quelques événements et mini rebellions, mais bientôt l'eau redevient lisse. Le tour de force de l'auteur est d'avoir réussi à rendre son personnage tout de même sympathique et intéressant.
"Des gens qui avaient gagné cinq mille dollars l'avant-dernière année et dix la dernière s'usaient les nerfs et se torturaient le cerveau afin d'en gagner vingt cette année-là. Et ceux qui étaient tombés d'épuisement aussitôt après avoir réalisé leurs vingt mille dollars, se hâtaient d'attraper des trains pour se ruer sur les vacances que leur avaient ordonnées des docteurs pressés.
Au milieu de tous ces gens, Babbitt rentrait en hâte à son bureau, pour s'y asseoir, sans grand-chose à faire, sinon de veiller à ce que ses employés eussent l'air de se hâter.
Tous les samedis après-midi, il se rendait en hâte à son club champêtre et se hâtait de faire neuf trous de golf, pour se reposer de sa hâte de la semaine."
Les avis de A Girl, ma complice de LC,
Commentaires
Vraiment tu a lu tous les incontournables! ^_^
Mais sache que les Barbara Pym, là je les lis ou relis en anglais!
Pour Babbitt, oui il y a tout là-dedans, même la description des cuisines modernes, en avance sur les françaises pour l'équipement!!!Et ces villas semblables dans leur agencement et décoration... ^_^
Pour les biblis, cela se fait sans trop y penser. Dans ma petite ville c'est différent, ils ont un bon pack de lecteurs semble-t-il. Alors que dans celle dont je parle, le pack de lecteurs doit être dilué dans la masse de ceux qui 'foncent' en salle informatique. Il y a un club lecture, mais je n'ai pas pris le temps d'y aller.
A ta place, je serais 'folle' à voir toute l'offre disponible! J'espère qu'on écoutera ta demande...
Ces vieilles éditions prennent une place folle...
Je préfère la slow attitude, au fauteuil, un Sinclair en main...
Oui, le confort, avec livre, boisson et animal favori en option.
Exact, ce bouquin demeure actuel, je le sens!
Le nombre de parutions est assez affolant, je sais qu'on ne peut suivre.