Ravelstein
Saul Bellow
Gallimard, 2002 (ici, couverture du poche)
Traduit par Rémy Lambrechts
Saul Bellow étant l'auteur du mois (en fait, février et mars) du site Lecture/Ecriture, j'ai sauté sur l'occasion de découvrir cet auteur (encore un prix Nobel!)(je dis ça après lecture récente de Sinclair Lewis et André Brink). A la bibliothèque, bien fournie, j'ai choisi Ravelstein.
Abe Ravelstein est un professeur de philosophie politique (note : la philosophie politique n'est pas le propos du roman), brillant, fascinant ses étudiants, endetté (mais c'était avant), dandy salissant un peu vite ses vêtements (de prix) et homosexuel (l'homosexualité n'est pas le propos du roman). Avant de mourir du Sida, il fait promettre à son ami de quasiment toujours, Chick, d'écrire sur lui. Il faut dire que Chick l'avait poussé à écrire un livre de philosophie politique ayant eu un tel succès (ventes, conférences, et.) qu'il est devenu un homme fortuné. Abe et Chick sont Juifs (et quelque part c'est une forte composante du roman!).
Je laisse Chick, le narrateur, expliquer en quoi consiste cette biographie d'Abe.
"Vous pourriez réellement composer un excellent portrait. Ce n'est pas une simple requête, ajouta-t-il. Je vous en charge comme d'une obligation. Faites-le à votre manière de propos de table, quand vous avez bu quelques verres de vin, que vous êtes détendu et livrez vos remarques. (...) Je me suis souvent dit que vous aviez un réel talent de conteur quand vous étiez détendu.
Il m'était impossible de lui refuser cela. Il ne souhaitait manifestement pas que je parle de ses idées. Il les avait lui-même exposées dans leur ensemble et elles sont accessibles dans ses ouvrages théoriques. Je me tiens donc responsable de la personne et, puisque je ne peux le dépeindre sans une certaine part d'implication personnelle, ma présence marginale devra être tolérée."
Il s'agit donc plutôt d'un portrait, au travers de descriptions et de dialogues, sans chronologie véritable, et le lecteur fait bien de se laisser aller tranquillement sur le sentier tracé par Chick. Forcément les amitiés (et les amours) sont présents, ainsi que la mort, puisque celle d'Abe surviendra et que Chick y échappera de justesse dans la très belle seconde moitié du roman.
C'est très plaisant à lire, même s'il faut garder une certaine vigilance. Drôle? je ne sais pas, disons assez piquant pour relever la sauce.
"Je n'aime pas les responsabilités qui accompagnent la conduite de la conversation. Mais tout le monde a ses plates-bandes de connaissances éparses, et c'est très agréable qu'on vous les entretienne et arrose à votre place." [Chick]
"Mais les Juifs pensent que le monde a été crée pour chacun d'entre nous, autant que nous sommes, et que détruire une vie humaine, c'est détruire un univers entier - l'univers tel qu'il existait pour cette personne." [Ravelstein]
Après lecture, je découvre dans l'article qui lui est consacré sur wikipedia.
Saul Bellow
Gallimard, 2002 (ici, couverture du poche)
Traduit par Rémy Lambrechts
Saul Bellow étant l'auteur du mois (en fait, février et mars) du site Lecture/Ecriture, j'ai sauté sur l'occasion de découvrir cet auteur (encore un prix Nobel!)(je dis ça après lecture récente de Sinclair Lewis et André Brink). A la bibliothèque, bien fournie, j'ai choisi Ravelstein.
Abe Ravelstein est un professeur de philosophie politique (note : la philosophie politique n'est pas le propos du roman), brillant, fascinant ses étudiants, endetté (mais c'était avant), dandy salissant un peu vite ses vêtements (de prix) et homosexuel (l'homosexualité n'est pas le propos du roman). Avant de mourir du Sida, il fait promettre à son ami de quasiment toujours, Chick, d'écrire sur lui. Il faut dire que Chick l'avait poussé à écrire un livre de philosophie politique ayant eu un tel succès (ventes, conférences, et.) qu'il est devenu un homme fortuné. Abe et Chick sont Juifs (et quelque part c'est une forte composante du roman!).
Je laisse Chick, le narrateur, expliquer en quoi consiste cette biographie d'Abe.
"Vous pourriez réellement composer un excellent portrait. Ce n'est pas une simple requête, ajouta-t-il. Je vous en charge comme d'une obligation. Faites-le à votre manière de propos de table, quand vous avez bu quelques verres de vin, que vous êtes détendu et livrez vos remarques. (...) Je me suis souvent dit que vous aviez un réel talent de conteur quand vous étiez détendu.
Il m'était impossible de lui refuser cela. Il ne souhaitait manifestement pas que je parle de ses idées. Il les avait lui-même exposées dans leur ensemble et elles sont accessibles dans ses ouvrages théoriques. Je me tiens donc responsable de la personne et, puisque je ne peux le dépeindre sans une certaine part d'implication personnelle, ma présence marginale devra être tolérée."
Il s'agit donc plutôt d'un portrait, au travers de descriptions et de dialogues, sans chronologie véritable, et le lecteur fait bien de se laisser aller tranquillement sur le sentier tracé par Chick. Forcément les amitiés (et les amours) sont présents, ainsi que la mort, puisque celle d'Abe surviendra et que Chick y échappera de justesse dans la très belle seconde moitié du roman.
C'est très plaisant à lire, même s'il faut garder une certaine vigilance. Drôle? je ne sais pas, disons assez piquant pour relever la sauce.
"Je n'aime pas les responsabilités qui accompagnent la conduite de la conversation. Mais tout le monde a ses plates-bandes de connaissances éparses, et c'est très agréable qu'on vous les entretienne et arrose à votre place." [Chick]
"Mais les Juifs pensent que le monde a été crée pour chacun d'entre nous, autant que nous sommes, et que détruire une vie humaine, c'est détruire un univers entier - l'univers tel qu'il existait pour cette personne." [Ravelstein]
Après lecture, je découvre dans l'article qui lui est consacré sur wikipedia.
"Bellow n'a pas perdu sa capacité à faire naître des controverses, comme en témoigne son treizième roman (Ravelstein, 2000). Il y trace le portrait d'Abe Ravelstein, un professeur d'université homosexuel qui finit par mourir des maladies provoquées par le Sida. Le personnage de Ravelstein est construit sur la figure d'Allan Bloom, collègue et ami de Bellow à l'Université de Chicago et auteur de The Closing of the American Mind (L'Âme désarmée, 1987), décédé en 1992. La cause officielle de la mort de Bloom fut un dysfonctionnement du foie. Bellow avait promis à Bloom d'écrire un livre sur lui. Les inclinations sexuelles de Ravelstein ne sont pas l'essentiel du livre de Bellow, mais les critiques se focalisèrent en partie sur celles-ci.
- This is a problem that writers of fiction always have to face in this country. People are literal minded, and they say, 'Is it true? If it is true, is it factually accurate? If it isn't factually accurate, why isn't it factually accurate?' Then you tie yourself into knots, because writing a novel in some ways resembles writing a biography, but it really isn't. It is full of invention.(« C'est un problème auxquels les écrivains de fiction doivent faire face dans notre pays. Les gens sont trop prosaïques et demandent: "Est-ce vrai ? Et si c'est vrai, est-ce que ça correspond aux faits ? Et si ça ne correspond pas aux faits, pourquoi pas ?" Alors, vous êtes pris au piège, parce qu'écrire un roman est presque comme écrire un biographie, mais pas tout à fait. Un roman est plein d'invention. »
- S. Bellow (Time, 8 mai 2000)"
Commentaires
J'espère que tu feras plein d'émules. Un auteur à la fois facile à lire et de grande qualité.
Bon, il me semble qu'à une époque (et maintenant?)que pour certaines maladies (cancer, sida), la cause réelle de la mort devait rester secrète... Tout un débat. Mais je répète que l'homosexualité du personnage n'est pas vraiment le sujet.
Tente de lire Bellow, peut être avec un autre titre, alors.
Roth aussi, oui, à (re)découvrir.
En revanche, je n'ai jamais réussi à lire un autre roman de Saul Bellow ; j'ai échoué face à Herzog et Augie March, qui sont pourtant parmi ses plus connus...
En tout cas, romancier incontournable...
Où je constate une fois de plus qu'on a un auteur en commun!!!
Tu as un autre titre?
Ouaip, la fac! (moi c'était nettement moins littéraire, dois-je le regretter?)