Alex au pays des chiffres
Une plongée dans l'univers des mathématiques
Alex Bellos
Alex's adventures in Numberland, 2010
Champs Sciences, Flammarion 2015
Traduit par Anatole Muchnik
Au moment de démarrer ce billet, je suis prête à parier que je vais réveiller chez certains de mes charmants visiteurs des souvenirs horribles (enfin, chez ceux qui n'auront pas cliqué à toute main sur 'quitter')
Et pourtant, ce livre est génial et garanti sans prise de tête (on peut toujours zapper un passage délicat), bourré d'informations connues ou moins connues (oui, même moi j'ai appris plein de faits délectables) et évidemment non sans humour (l'auteur est anglais).
Auteur qui a donné de sa personne, voyageant, rencontrant des scientifiques, et même se livrant à une expérience en achetant du pain.
Ne nous leurrons pas, ça va parler de mathématiques, et beaucoup beaucoup. Mais tout doucement d'abord, avec le chapitre zéro où l'on découvre les Munduruku au fin fond de l'Amazonie, qui ne connaissent pas plus de cinq nombres et se débrouillent très bien ainsi. (Au cas où vous rêveriez d'habiter là-bas, il y a risque de manger de la grosse fourmi). S'ensuivent des recherches menées avec des neurobiologistes. Passionnant.
Puis au chapitre 1 suivant (oui, si on n'a pas de logique ici, alors où?), on compte, d'accord, mais comment compter, et après tout quelle base utilise-t-on? La base 10 pour nous, sans trop y penser, mais l'informatique repose sur un langage composé de 0 et de 1 (binaire). Ce chapitre propose tout un grand passage sur le boulier, en particulier les concours de vitesse au Japon, et j'étais scotchée!
Le chapitre 2 fera redécouvrir Pythagore à ceux qui l'auraient oublié, et, à mon grand étonnement, j'ai découvert que "l'origami se situe à la pointe des mathématiques", avec des applications dans l'industrie!
Toujours là? Bien.
Le classique chapitre sur le zéro conduit à découvrir les 'mathématiques védiques' et des méthodes de multiplication. Y compris retrouver ses tables de multiplication en utilisant mains et doigts... (on ne parle pas de la méthode dite per gelosia, qui passionnait mes petits loulous à une époque)
A propos de petits loulous, une activité qui souvent marchait bien consistait à leur faire mesurer (à l'arrache souvent) le 'tour' d'un objet cylindrique et son diamètre, diviser l'un par l'autre (à la calculatrice, je ne veux pas être accusée de maltraitance sur mineurs) et ... oui, il y a du pi la-dedans! Comme je l'ai entendu (en buvant du petit lait) 'mais madame, ils l'ont fait exprès?'.
La recherche au cours des siècles des chiffres de pi après la virgule est une véritable quête.
J'en termine avec les petits loulous, qui se voyaient proposer au premier cours (après en avoir terminé avec la bureaucratie dudit premier cours) un petit apéritif (que je vous invite à goûter)(allez y, je ne saurai même pas si vous avez besoin d'une calculatrice)
Choisissez un nombre de trois chiffres (le premier et le dernier doivent avoir au moins une différence de 2), inversez-le, soustrayez le plus petit au plus grand.
Vous obtenez un nombre de trois chiffres, alors, pareil, on l'inverse, et on lui ajoute cet inverse;
Et (tadam!) je sais combien vous trouvez!
Mais comment est-ce possible? Il existe une explication, mais pour cela il va falloir mettre les mains dans le cambouis, et les lettres! (horresco referens!)
Le chapitre 5 voit donc apparaître les x, les logarithmes, et pour les nostalgiques assez âgés pour s'en souvenir, les tables de logs et les règles à calcul (oui, il y a eu une vie avant les calculatrices)
"Voilà plus de trente ans que la règle à calcul a disparu, et cela rend d'autant plus surprenant le constat qu'il se trouve dans le monde moderne un milieu où son usage reste courant : celui des pilotes d'avion. La règle à calcul du pilote, de forme circulaire, s'appelle 'calculateur de navigation' et mesure la vitesse, la distance, le temps, la consommation de carburant, la température et la densité de l'air. Il faut impérativement en connaître le maniement pour décrocher son brevet de pilote.(...) Cette exigence répond au fait que tout pilote doit savoir opérer sur de petits avions sans ordinateur de bord."
Le moment est venu de souffler un peu avec le chapitre 6 où l'on va jouer (un peu). Sudokus, tangrams, taquins, etc.
Je passe vite sur les suites, les nombres premiers, le nombre d'or (là aussi une anecdote avec mes loulous mais je file), pour attaquer le chapitre 9 et le hasard. Attendez-vous à être bousculés dans vos intuitions, et sachez que les casinos et les loteries gagent toujours à la fin, les machines sont ainsi programmées...(sauf si un matheux s'en mêle, mais je ne dévoilerai rien)
Encore une expérience sympa si vous avez 23 personnes sous la main (une classe, c'est bien). A votre avis, combien y a-t-il de 'chances' que deux soient nées le même jours de l'année? (le dit jour n'est pas fixé). Hé bien, plus d'une sur deux, étonnant, non? (je vous passe l'explication)
Puis arrivent les statistiques, là où l'auteur achète ses baguettes et le pèse, histoire de vérifier une 'loi normale'. Un poil technique, mais au détour d'une page j'ai découvert qu'existaient des gens (dont je fais partie, ouf!) qui visualisent "automatiquement et involontairement les nombres sous forme de cartographie mentale"
Dans le dernier chapitre, où les infinis et les géométries non euclidiennes demandent de s'accrocher un peu quand même, on rencontre une matheuse, Daina, créant des ouvrages au crochet pour voir à quoi peuvent ressembler des plans hyperboliques. ("Le Pringle est une pomme chips à surface hyperbolique", et là on sent que l'auteur est pédagogue, mais on en cherche une sans bords)
Daina a donc crocheté sa surface."J'ai ressenti un petit frisson à l'idée que j'avais produit de mes mains une chose dont les ordinateurs n'étaient pas capables."(hé oui, les ordis, il leur faut des formules, et là, pas moyen d'en avoir!)
"Daina n'aurait probablement jamais songé au crochet hyperbolique si elle avait été un homme, et cela confère à ses inventions une réelle particularité dans l'histoire culturelle des mathématiques, où les femmes ont longtemps été sous-représentées."
Conclusion : si on sort de sa zone de confort, pour 10 euros, on a droit à une remise en forme de matière grise!
Lire sous la contrainte
Une plongée dans l'univers des mathématiques
Alex Bellos
Alex's adventures in Numberland, 2010
Champs Sciences, Flammarion 2015
Traduit par Anatole Muchnik
Au moment de démarrer ce billet, je suis prête à parier que je vais réveiller chez certains de mes charmants visiteurs des souvenirs horribles (enfin, chez ceux qui n'auront pas cliqué à toute main sur 'quitter')
Et pourtant, ce livre est génial et garanti sans prise de tête (on peut toujours zapper un passage délicat), bourré d'informations connues ou moins connues (oui, même moi j'ai appris plein de faits délectables) et évidemment non sans humour (l'auteur est anglais).
Auteur qui a donné de sa personne, voyageant, rencontrant des scientifiques, et même se livrant à une expérience en achetant du pain.
Ne nous leurrons pas, ça va parler de mathématiques, et beaucoup beaucoup. Mais tout doucement d'abord, avec le chapitre zéro où l'on découvre les Munduruku au fin fond de l'Amazonie, qui ne connaissent pas plus de cinq nombres et se débrouillent très bien ainsi. (Au cas où vous rêveriez d'habiter là-bas, il y a risque de manger de la grosse fourmi). S'ensuivent des recherches menées avec des neurobiologistes. Passionnant.
Puis au chapitre 1 suivant (oui, si on n'a pas de logique ici, alors où?), on compte, d'accord, mais comment compter, et après tout quelle base utilise-t-on? La base 10 pour nous, sans trop y penser, mais l'informatique repose sur un langage composé de 0 et de 1 (binaire). Ce chapitre propose tout un grand passage sur le boulier, en particulier les concours de vitesse au Japon, et j'étais scotchée!
Le chapitre 2 fera redécouvrir Pythagore à ceux qui l'auraient oublié, et, à mon grand étonnement, j'ai découvert que "l'origami se situe à la pointe des mathématiques", avec des applications dans l'industrie!
Toujours là? Bien.
Le classique chapitre sur le zéro conduit à découvrir les 'mathématiques védiques' et des méthodes de multiplication. Y compris retrouver ses tables de multiplication en utilisant mains et doigts... (on ne parle pas de la méthode dite per gelosia, qui passionnait mes petits loulous à une époque)
A propos de petits loulous, une activité qui souvent marchait bien consistait à leur faire mesurer (à l'arrache souvent) le 'tour' d'un objet cylindrique et son diamètre, diviser l'un par l'autre (à la calculatrice, je ne veux pas être accusée de maltraitance sur mineurs) et ... oui, il y a du pi la-dedans! Comme je l'ai entendu (en buvant du petit lait) 'mais madame, ils l'ont fait exprès?'.
La recherche au cours des siècles des chiffres de pi après la virgule est une véritable quête.
J'en termine avec les petits loulous, qui se voyaient proposer au premier cours (après en avoir terminé avec la bureaucratie dudit premier cours) un petit apéritif (que je vous invite à goûter)(allez y, je ne saurai même pas si vous avez besoin d'une calculatrice)
Choisissez un nombre de trois chiffres (le premier et le dernier doivent avoir au moins une différence de 2), inversez-le, soustrayez le plus petit au plus grand.
Vous obtenez un nombre de trois chiffres, alors, pareil, on l'inverse, et on lui ajoute cet inverse;
Et (tadam!) je sais combien vous trouvez!
Mais comment est-ce possible? Il existe une explication, mais pour cela il va falloir mettre les mains dans le cambouis, et les lettres! (horresco referens!)
Le chapitre 5 voit donc apparaître les x, les logarithmes, et pour les nostalgiques assez âgés pour s'en souvenir, les tables de logs et les règles à calcul (oui, il y a eu une vie avant les calculatrices)
"Voilà plus de trente ans que la règle à calcul a disparu, et cela rend d'autant plus surprenant le constat qu'il se trouve dans le monde moderne un milieu où son usage reste courant : celui des pilotes d'avion. La règle à calcul du pilote, de forme circulaire, s'appelle 'calculateur de navigation' et mesure la vitesse, la distance, le temps, la consommation de carburant, la température et la densité de l'air. Il faut impérativement en connaître le maniement pour décrocher son brevet de pilote.(...) Cette exigence répond au fait que tout pilote doit savoir opérer sur de petits avions sans ordinateur de bord."
Le moment est venu de souffler un peu avec le chapitre 6 où l'on va jouer (un peu). Sudokus, tangrams, taquins, etc.
Je passe vite sur les suites, les nombres premiers, le nombre d'or (là aussi une anecdote avec mes loulous mais je file), pour attaquer le chapitre 9 et le hasard. Attendez-vous à être bousculés dans vos intuitions, et sachez que les casinos et les loteries gagent toujours à la fin, les machines sont ainsi programmées...(sauf si un matheux s'en mêle, mais je ne dévoilerai rien)
Encore une expérience sympa si vous avez 23 personnes sous la main (une classe, c'est bien). A votre avis, combien y a-t-il de 'chances' que deux soient nées le même jours de l'année? (le dit jour n'est pas fixé). Hé bien, plus d'une sur deux, étonnant, non? (je vous passe l'explication)
Puis arrivent les statistiques, là où l'auteur achète ses baguettes et le pèse, histoire de vérifier une 'loi normale'. Un poil technique, mais au détour d'une page j'ai découvert qu'existaient des gens (dont je fais partie, ouf!) qui visualisent "automatiquement et involontairement les nombres sous forme de cartographie mentale"
Dans le dernier chapitre, où les infinis et les géométries non euclidiennes demandent de s'accrocher un peu quand même, on rencontre une matheuse, Daina, créant des ouvrages au crochet pour voir à quoi peuvent ressembler des plans hyperboliques. ("Le Pringle est une pomme chips à surface hyperbolique", et là on sent que l'auteur est pédagogue, mais on en cherche une sans bords)
Daina a donc crocheté sa surface."J'ai ressenti un petit frisson à l'idée que j'avais produit de mes mains une chose dont les ordinateurs n'étaient pas capables."(hé oui, les ordis, il leur faut des formules, et là, pas moyen d'en avoir!)
"Daina n'aurait probablement jamais songé au crochet hyperbolique si elle avait été un homme, et cela confère à ses inventions une réelle particularité dans l'histoire culturelle des mathématiques, où les femmes ont longtemps été sous-représentées."
Conclusion : si on sort de sa zone de confort, pour 10 euros, on a droit à une remise en forme de matière grise!
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Commentaires
Nadine N.
J'ai tout lu parce que c'est toi et je confirme que quand j'étais au lycée, il y avait dans ma classe un gars né exactement le même jour que moi. On se disait que c'était fruit de hasard et Destin, mais bon...
Le pain il l'a acheté des jours et des jours, l'a pesé, histoire de voir si ça suivait une 'loi normale'. Ce truc a plein d'utilité dans la 'vraie vie', le livre l'explique.
Merci d'avoir tout lu (tes neurones me remercieront plus tard ^_^). Oui, tu vois, le coup de la date d'anniversaire! Juste de la probabilité.
(bravo d'avoir contourné l'obstacle blogspot ^_^)
Merci pour cette nouvelle participation à mon challenge. Bon weekend à toi.
Bon week end aussi!
Oui, un bouquin au départ chez Robert Laffont je crois, et passé en poche chez Flammarion (mais tu sais, les subtilités de l'édition, pas mon fort, j'ai découvert récemment que Verticales c'est Gallimard)
Le grand roman des maths...
Oups je viens de chercher (et de regarder la video sur l'élégance des maths), bon l'auteur a tout bon, là, mais à regarder la table des matières je sens que ça va recouvrir celui que je viens de lire donc 1) autant laisser passer un peu de temps et 2) lis-le, ça devrait te plaire!
On demeure d'accord, chez F, il y a de l'excellent rayon documentaires (et puis ils ont publié Les lapinous et le cornet acoustique, rien que pour ça ils méritent notre reconnaissance! )
Voir aussi le livre plus récent dont parle le commentaire juste au-dessus.
Bonne lecture!
Sans doute faudrait-il intervenir bien avant le bac. ^_^
Sinon, en parlant de plus petit dénominateur commun, tu dévoiles ton âge, ma fille! Ce devait être en 5ème, à l'époque. Maintenant ça a disparu du collège je pense.
Tiens je ferais bien un sudoku, il y a longtemps.
Merci pour les anecdotes amusantes (et intéressantes, mais c'est pareil).
Mots croisés et sudoku me permettent aussi d'occuper les instants et de faire carburer ma matière grise.
Les maths, c'est fascinant, hum en tout cas à petite dose et bien présenté!
Peut-être (je dis bien peut-être, car c'est quand même assez rare), es-tu dyscalculique? L'auteur en parle.
Bisous
Bon, on respire et on ne lâche rien! ^_^