Double nationalité
Nina Yargekov
POL, 2016
Pourquoi avoir emprunté ce (gros-près de 700 pages) roman à la bibliothèque?
Réponse : l'intrigante quatrième de couverture! (parce que je ne connais pas son auteur, et je n'ai pas l'impression de l'avoir vu sur les blogs que je fréquente, donc là impression de future totale découverte)(et ça fait du bien)
Vous vous réveillez dans un aéroport.
Vous ne savez pas qui vous êtes ni où vous allez.
Vous avez dans votre sac deux passeports et une lingette rince-doigts.
Vous portez un diadème scintillant et vous êtes maquillée comme une voiture volée.
Vous connaissez par coeur toutes les chansons d’Enrico Macias.
Vous êtes une fille rationnelle.
Que faites-vous ?
Maintenant, après quelques jours de lecture effrénée, je découvre que plein de journalistes en ont parlé et qu'il a obtenu le prix de Flore. Et que l'auteur a 36 ans et est d'origine hongroise.
Bon, là, maintenant, si vous voulez vivre la même expérience que moi, foncez sur ce roman!!!
Si vous voulez en savoir un peu plus, continuez, je vais essayer de ne pas tout raconter non plus.
Narration à la deuxième personne du pluriel, donc. L'on découvre que la jeune femme narratrice est trentenaire, possède deux passeports, l'un français l'autre yazige, est traductrice interprète et tente de retrouver qui elle est, quête identitaire menée au moyen d'un joyeux délire et d'une logique entraînante. Je préviens, c'est souvent un poil barré (comme j'aime), et très très efficace, parce que là l'on est amené à s'interroger sur ce qui fait qu'on est de telle ou telle nationalité à l'intérieur même, hein, pas juste un document d'identité. La narratrice fouine à fond, s'interroge, discute, argumente, c'est parfois fou, mais le lecteur, lui, est confronté à justement ces problèmes d'actualité sur la citoyenneté, la nationalité et l'immigration. Et en prend parfois la face. On se croit exempt de telles façons de penser ou de réagir, mais mais...en fouillant bien, hein?
Nul n'est épargné, ni les français ni les yaziges, et bien sûr pas l'héroïne. Qui finit en milieu de roman par partir sur sa terre non natale mais d'origine, retrouver sa famille, et là le vrai nom du pays est donné, c'est la France qui en change. Le tourbillon dans la tête continue, les points de vue s'affrontent et varient, je ne dis rien de la fin, très futée.
Voilà, je n'en ai pas trop dit; c'est drôle (oui, il y a eu pas mal de hyène hilare là-dedans, copyright Fanja), intelligent, pas toujours politiquement correct, passionnant en tout cas.
Quelques passages (mais je dois faire attention, sorti du contexte c'est souvent risqué tellement les idées déboulent et sont battues souvent en brèche après)
"Au vu de ce qui précède, il va sans dire que le statut de réfugié politique décroche haut la main la médaille d'or de la migration, juste devant les réfugiés de guerre (médaille d'argent) et les réfugiés climatiques (médaille de bronze). Bien sûr les migrants économiques en quête d’une vie meilleure demeurent les bienvenus, la France est grande et généreuse et son métissage est sa richesse et les personnes originaires de pays démocratiques et/ou en paix sont très intéressantes aussi, mais il n'y avait que trois places sur le podium, désolée."
"Ils sont comme ces hommes inconscients d'être des hommes, ah bon se promener en short à deux heures du matin sans avoir peur sans surveiller qui vient en face sans guetter le moindre bruit ne serait pas une expérience universellement partageable vraiment je suis étonné je ne comprends pas.Quand on est une femme on sait qu'on l'est.On s'en rend compte tout le temps."
Je passe hélas sur les aventures de la peluche bilingue Petitetaupe et du basilic poméranien, mais croyez-moi, cette fille est parfois sévèrement fêlée...
"Habituellement on pense une fille une identité, avec des racines sagement rangées dans le pot patriotique. Mais vous c'est différent. Parce que vous, il y a une plante et deux pots et plein de racines dans tous les sens, vous êtes superposée, complexe et rhizomique, bizarre, libre et inclassable, vous n'êtes ni déracinée ni replantée, ni infidèle ni déloyale, les deux pays sont inscrits en vous et vous êtes inscrite dans les deux pays, vous vous affranchissez des clivages binaires, vous échappez aux petites boîtes"
L'avis de diacritik (qui n'en dit pas trop non plus)(les journalistes nombreux racontent tout ou presque comme d'hab', mais leurs écrits sont enthousiastes et bien faits)
Nina Yargekov
POL, 2016
Pourquoi avoir emprunté ce (gros-près de 700 pages) roman à la bibliothèque?
Réponse : l'intrigante quatrième de couverture! (parce que je ne connais pas son auteur, et je n'ai pas l'impression de l'avoir vu sur les blogs que je fréquente, donc là impression de future totale découverte)(et ça fait du bien)
Vous vous réveillez dans un aéroport.
Vous ne savez pas qui vous êtes ni où vous allez.
Vous avez dans votre sac deux passeports et une lingette rince-doigts.
Vous portez un diadème scintillant et vous êtes maquillée comme une voiture volée.
Vous connaissez par coeur toutes les chansons d’Enrico Macias.
Vous êtes une fille rationnelle.
Que faites-vous ?
Maintenant, après quelques jours de lecture effrénée, je découvre que plein de journalistes en ont parlé et qu'il a obtenu le prix de Flore. Et que l'auteur a 36 ans et est d'origine hongroise.
Bon, là, maintenant, si vous voulez vivre la même expérience que moi, foncez sur ce roman!!!
Si vous voulez en savoir un peu plus, continuez, je vais essayer de ne pas tout raconter non plus.
Narration à la deuxième personne du pluriel, donc. L'on découvre que la jeune femme narratrice est trentenaire, possède deux passeports, l'un français l'autre yazige, est traductrice interprète et tente de retrouver qui elle est, quête identitaire menée au moyen d'un joyeux délire et d'une logique entraînante. Je préviens, c'est souvent un poil barré (comme j'aime), et très très efficace, parce que là l'on est amené à s'interroger sur ce qui fait qu'on est de telle ou telle nationalité à l'intérieur même, hein, pas juste un document d'identité. La narratrice fouine à fond, s'interroge, discute, argumente, c'est parfois fou, mais le lecteur, lui, est confronté à justement ces problèmes d'actualité sur la citoyenneté, la nationalité et l'immigration. Et en prend parfois la face. On se croit exempt de telles façons de penser ou de réagir, mais mais...en fouillant bien, hein?
Nul n'est épargné, ni les français ni les yaziges, et bien sûr pas l'héroïne. Qui finit en milieu de roman par partir sur sa terre non natale mais d'origine, retrouver sa famille, et là le vrai nom du pays est donné, c'est la France qui en change. Le tourbillon dans la tête continue, les points de vue s'affrontent et varient, je ne dis rien de la fin, très futée.
Voilà, je n'en ai pas trop dit; c'est drôle (oui, il y a eu pas mal de hyène hilare là-dedans, copyright Fanja), intelligent, pas toujours politiquement correct, passionnant en tout cas.
Quelques passages (mais je dois faire attention, sorti du contexte c'est souvent risqué tellement les idées déboulent et sont battues souvent en brèche après)
"Au vu de ce qui précède, il va sans dire que le statut de réfugié politique décroche haut la main la médaille d'or de la migration, juste devant les réfugiés de guerre (médaille d'argent) et les réfugiés climatiques (médaille de bronze). Bien sûr les migrants économiques en quête d’une vie meilleure demeurent les bienvenus, la France est grande et généreuse et son métissage est sa richesse et les personnes originaires de pays démocratiques et/ou en paix sont très intéressantes aussi, mais il n'y avait que trois places sur le podium, désolée."
"Ils sont comme ces hommes inconscients d'être des hommes, ah bon se promener en short à deux heures du matin sans avoir peur sans surveiller qui vient en face sans guetter le moindre bruit ne serait pas une expérience universellement partageable vraiment je suis étonné je ne comprends pas.Quand on est une femme on sait qu'on l'est.On s'en rend compte tout le temps."
Je passe hélas sur les aventures de la peluche bilingue Petitetaupe et du basilic poméranien, mais croyez-moi, cette fille est parfois sévèrement fêlée...
"Habituellement on pense une fille une identité, avec des racines sagement rangées dans le pot patriotique. Mais vous c'est différent. Parce que vous, il y a une plante et deux pots et plein de racines dans tous les sens, vous êtes superposée, complexe et rhizomique, bizarre, libre et inclassable, vous n'êtes ni déracinée ni replantée, ni infidèle ni déloyale, les deux pays sont inscrits en vous et vous êtes inscrite dans les deux pays, vous vous affranchissez des clivages binaires, vous échappez aux petites boîtes"
L'avis de diacritik (qui n'en dit pas trop non plus)(les journalistes nombreux racontent tout ou presque comme d'hab', mais leurs écrits sont enthousiastes et bien faits)
Commentaires
Tout ce que tu écris là est très tentant, sauf le nombre de pages, pas raisonnable compte tenu de tous les pavés qui m'attendent...
Je ne suis pas les émissions littéraires, et là je suis absolument ravie d'avoir eu l'impression de me trouver une pépite toute seule! On s'amuse comme on peut, quoi.
Oui, le nombre de pages est le seul bémol, je me disais, mais va-t-elle tenir ainsi jusqu'au bout, réponse : hé bien oui!!!
je vais passer j'ai une telle liste devant moi que j'en ai déjà jusqu'à la nuit des temps
(passage en librairie ce soir, gros craquage pour 2 livres aargh - j'ai une montagne de livres acquis ces dernières semaines (bib, librairie, et boulot) sur un coin du sol... Faut que je me calme, je n'ai rien lu de cette PAL depuis, et je vais devoir rendre des livres de bib' sans les avoir lus - et après avoir épuisé les prolongations).
Dingue loufoque barré givré, bon, tu vois l'idée. Mais je t'assure que les thèmes abordés sont sérieux!
Les enfants Jeromine sont à la bibli, tiens.
Mais elle pose de bonnes questions , quelle que soit notre histoire perso et familiale.
J'ai assisté vendredi à une conférence de François Gemenne (belge, il travaille beaucoup à Pars), sur les migrations climatiques qui représentent le pourcentage le plus élevé de migrants dans le monde, ce qui n'est pas près de diminuer avec le réchauffement.
Son exposé l'a conduit vers l'acceptation des migrants et les problèmes en aval de la migration, comme celui que votre livre aborde.
Dommage que tout cela devienne essentiellement une question politique où l'humain et la raison (les constats scientifiques) sont désavoués.
Migrations climatiques qui pourraient aussi expliquer certains problèmes politiques, j'ai entendu ça je ne sais plus où. C'est vrai que dans certains coins, l'arrivée de migrants déstabilise. Mais en ce qui concerne l'Europe, accueillir les migrants est une nécessité (et, oui, une chance pour nous! )
Bonne semaine.
Bonne semaine aussi!
je note quand même car je ne connais pas du tout