Du vent
Xavier Hanotte
Belfond, 2016
Le billet de Yv m'avait convaincue, surtout que je gardais un excellent souvenir de Ours toujours, du même Hanotte. L'Irrégulière a confirmé mon intuition.
Tout d'abord je ne peux qu'admirer le travail du concepteur de la couverture, absolument raccord avec le contenu, et sans trop en dire.
Tout en occupant un travail de correcteur dans une administration bruxelloise, Jérôme Walque écrit des romans, du solide, pas forcément dans l'air du temps. Mais il est doté d'un vieil ami, Jérémie, à qui il ne peut refuser de l'aide. Alors tout en poursuivant son projet de biographie romancée de Marcus Aemilius Lepidus (dit Lepide), membre d'un triumvirat romain avec Antoine et Octave, il se lance -sous la signature de Jérémie- dans l'écriture d'un roman différent, où le lieutenant Bénédicte Gardier tombe dans un guet-apens et se retrouve expertement ficelée.
L'on pourrait penser qu'un roman contenant des romans en cours d'écriture n'a rien de nouveau (tout en restant une bonne idée), sauf qu'avec l'arrivée d'un couple de petits escrocs mystérieux et d'un non moins étrange policier, l'affaire se corse, les narrations se répondent, et le pauvre Jérôme (et le lecteur) se trouve embringué dans une folle histoire.
Dire que voilà un roman bien ficelé serait un poil attendu, mais demeure la vérité. Je me suis follement amusée avec les aventures de Jérôme et Bénédicte, l'histoire de Lépide demeurant d'un classicisme moins débridé, forcément, et méditation sur le pouvoir et la vie.
Allez, des extraits
"Je ris.
'Le pouvoir, Octave, c'est du vent!'
Il ferme les yeux, pose sa tête en sueur sur un coussin de brocart.
' Le vent, Lépide, souffle où il veut.'
D'un geste las, il me congédie.
Le triumvirat a vécu.
Devant la tente, je respire enfin. Le poids qui m'écrasait les épaules depuis si longtemps s'est envolé. Il me semble voir un aigle tournoyer très haut, là-bas, dans le soleil."
"Selon lui [Jérémie], tout écrivain digne de ce nom devait suivre sa pente naturelle et sacrifier la sécurité au profit de l'audace créatrice. Au lieu de peaufiner en amateur, avec une maniaquerie de miniaturiste, ses gros romans tellement étrangers à l'air du temps, pourquoi Jérôme ne se lançait-il pas dans la grande foire d'empoigne du monde littéraire, où vie quotidienne et écriture se mêlaient dans une exaltante étreinte?
De son côté, Jérôme s'attristait de voir Jérémie donner aux imprimeurs une succession de produits semi-finis, de plus en plus ressemblants sinon redondants, en tout cas bien inférieurs à ce dont il le pensait capable - même si, en son for intérieur, il lui arrivait de douter que son ami pût encore concocter autre chose que les bluettes sentimentales dont il s'était fait, sous son vrai nom, le fournisseur patenté et satisfait."
Xavier Hanotte
Belfond, 2016
Le billet de Yv m'avait convaincue, surtout que je gardais un excellent souvenir de Ours toujours, du même Hanotte. L'Irrégulière a confirmé mon intuition.
Tout d'abord je ne peux qu'admirer le travail du concepteur de la couverture, absolument raccord avec le contenu, et sans trop en dire.
Tout en occupant un travail de correcteur dans une administration bruxelloise, Jérôme Walque écrit des romans, du solide, pas forcément dans l'air du temps. Mais il est doté d'un vieil ami, Jérémie, à qui il ne peut refuser de l'aide. Alors tout en poursuivant son projet de biographie romancée de Marcus Aemilius Lepidus (dit Lepide), membre d'un triumvirat romain avec Antoine et Octave, il se lance -sous la signature de Jérémie- dans l'écriture d'un roman différent, où le lieutenant Bénédicte Gardier tombe dans un guet-apens et se retrouve expertement ficelée.
L'on pourrait penser qu'un roman contenant des romans en cours d'écriture n'a rien de nouveau (tout en restant une bonne idée), sauf qu'avec l'arrivée d'un couple de petits escrocs mystérieux et d'un non moins étrange policier, l'affaire se corse, les narrations se répondent, et le pauvre Jérôme (et le lecteur) se trouve embringué dans une folle histoire.
Dire que voilà un roman bien ficelé serait un poil attendu, mais demeure la vérité. Je me suis follement amusée avec les aventures de Jérôme et Bénédicte, l'histoire de Lépide demeurant d'un classicisme moins débridé, forcément, et méditation sur le pouvoir et la vie.
Allez, des extraits
"Je ris.
'Le pouvoir, Octave, c'est du vent!'
Il ferme les yeux, pose sa tête en sueur sur un coussin de brocart.
' Le vent, Lépide, souffle où il veut.'
D'un geste las, il me congédie.
Le triumvirat a vécu.
Devant la tente, je respire enfin. Le poids qui m'écrasait les épaules depuis si longtemps s'est envolé. Il me semble voir un aigle tournoyer très haut, là-bas, dans le soleil."
"Selon lui [Jérémie], tout écrivain digne de ce nom devait suivre sa pente naturelle et sacrifier la sécurité au profit de l'audace créatrice. Au lieu de peaufiner en amateur, avec une maniaquerie de miniaturiste, ses gros romans tellement étrangers à l'air du temps, pourquoi Jérôme ne se lançait-il pas dans la grande foire d'empoigne du monde littéraire, où vie quotidienne et écriture se mêlaient dans une exaltante étreinte?
De son côté, Jérôme s'attristait de voir Jérémie donner aux imprimeurs une succession de produits semi-finis, de plus en plus ressemblants sinon redondants, en tout cas bien inférieurs à ce dont il le pensait capable - même si, en son for intérieur, il lui arrivait de douter que son ami pût encore concocter autre chose que les bluettes sentimentales dont il s'était fait, sous son vrai nom, le fournisseur patenté et satisfait."
Commentaires
Belles fêtes à toi aussi!
Tu devrais être intéressée par ces thèmes auteur/écriture/édition...
Le pays du sourire, je vais essayer de résumer mes impressions, pour l'instant je n'ai lu aucun compte rendu.
Merci.
Une bonne fin d'année !
Bonne fin d'année!