Une île, une forteresse
Hélène Gaudy
inculte/dernière marge, 2016
Terezin...
Tout le monde ou presque connaît ou croit connaître. Oui, ce 'ghetto modèle', oui, ce film intitulé "Hitler offre une ville aux juifs". Hélène Gaudy s'y est rendue à deux reprises.
"Il va falloir remonter le fil qui mène à ces images, à leur germe, à la naissance de leur aberration. Voir les rues où l'on a forcé les internés à jouer leur propre rôle, à se rendre au théâtre et au concert, à se coucher sur les flancs des remparts. Photographier cette ville où s'est noué un rapport si particulier à l'image, interroger ceux qui l'ont connue et ceux qui la connaissent, sans savoir encore si ce qui me conduit ici est la question du mensonge, celle des traces ou celle de leur imbrication intime, puisque même les traces peuvent devenir mensongères selon qui les exhume et qui les met en scène."
Au départ, c'est une petite ville tchèque de quelques milliers d'habitants, construite sur le modèle des forteresses de Vauban:
En 1942 les habitants sont priés de partir (certains reviendront plus tard) et des dizaines de milliers de juifs de tous âges y seront enfermés, mourant sur place ou expédiés à Auschwitz. Ville surpeuplée, donc. Des compositeurs, des musiciens y passèrent, des dessins sont restés, dont des dessins d'enfants, parfois retrouvés de façon fortuite.
Bien avant le film tourné en 1944, une délégation de la Croix Rouge avait visité la ville, et le chapitre de Une île, un forteresse justement intitulé Cité Potemkine raconte cet incroyable aveuglement de la délégation (j'ai appris aussi qu'il y avait eu une visite à Auschwitz, bien évidemment 'bidouillée' avant).
Mais Hélène Gaudy ne se contentera pas de se rendre à Terezin, elle ira en Pologne, là où disparut son grand père (le livre lui est dédié). Passé et présent se mêlent, Terezin l'actuelle devenue touristique (voir sur internet, c'est organisé) l’entraînent en banlieue parisienne, où l'on peut retrouver (un peu et à moindre échelle bien sûr)) un phénomène similaire
"La difficulté de vivre dans une ville qui n'est ni vraiment un lieu de vie, ni un lieu de mémoire, le sentiment d'indifférence, de lassitude et de délaissement de ses habitants, l'impression d'une superposition bancale de strates dont chacune viserait à recouvrir la précédente : j'ai trouvé tout cela dans un autre lieu, Drancy, où la cité de la Muette, qui a été le plus grand camp d'internement des Juifs de France, est aujourd'hui une cité HLM.
Une délégation de la Croix Rouge est également venue la visiter en 1944, quelques jours avant la visite de Roussel à Theresienstadt. Là aussi, on a tenté de rendre les lieux présentables. Là aussi, on a du mal, aujourd'hui, à savoir quoi faire de ces murs, comment les insérer, encore, dans le paysage."
Des photos de l'époque existent, trompeuses, mais
"Les ficelles sont plus vicieuses, moins apparentes que je l'avais cru et la mise en scène, suffisamment fondue dans les souvenirs qu’elle imite pour que les témoins eux-mêmes ne l'aient pas remarquée."
Y est passée, parmi bien d'autres, Marceline Loridan-Ivens, y est mort Robert Desnos.
"Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne"
Et puis
"Dans la petite forteresse, il y a aussi la cellule de Gavrilo Princip qui, en assassinant l'archiduc François-Ferdinand et sa femme, la duchesse de Hohenberg, roturière pour une fois épousée par amour, a déclenché la première guerre mondiale." Son médecin de l'époque fut interné à Terezin (puis déporté en Pologne).
"Les strates de l'Histoire surgissent nues, absurdes sous la lumière d’une seule vie."
Conclusion : A lire absolument, ce document, cette recherche fort complète (je n'ai pas tout évoqué) magistralement composée, réfléchie et écrite.
Hélène Gaudy
inculte/dernière marge, 2016
Terezin...
Tout le monde ou presque connaît ou croit connaître. Oui, ce 'ghetto modèle', oui, ce film intitulé "Hitler offre une ville aux juifs". Hélène Gaudy s'y est rendue à deux reprises.
"Il va falloir remonter le fil qui mène à ces images, à leur germe, à la naissance de leur aberration. Voir les rues où l'on a forcé les internés à jouer leur propre rôle, à se rendre au théâtre et au concert, à se coucher sur les flancs des remparts. Photographier cette ville où s'est noué un rapport si particulier à l'image, interroger ceux qui l'ont connue et ceux qui la connaissent, sans savoir encore si ce qui me conduit ici est la question du mensonge, celle des traces ou celle de leur imbrication intime, puisque même les traces peuvent devenir mensongères selon qui les exhume et qui les met en scène."
Au départ, c'est une petite ville tchèque de quelques milliers d'habitants, construite sur le modèle des forteresses de Vauban:
http://www.avantgarde-prague.fr/decouverte-de-prague/excursions-privees-hors-de-prague/la-forteresse-de-terezin/ |
Bedřich Fritta, Vue de Theresienstadt merci wikipedia |
Mais Hélène Gaudy ne se contentera pas de se rendre à Terezin, elle ira en Pologne, là où disparut son grand père (le livre lui est dédié). Passé et présent se mêlent, Terezin l'actuelle devenue touristique (voir sur internet, c'est organisé) l’entraînent en banlieue parisienne, où l'on peut retrouver (un peu et à moindre échelle bien sûr)) un phénomène similaire
"La difficulté de vivre dans une ville qui n'est ni vraiment un lieu de vie, ni un lieu de mémoire, le sentiment d'indifférence, de lassitude et de délaissement de ses habitants, l'impression d'une superposition bancale de strates dont chacune viserait à recouvrir la précédente : j'ai trouvé tout cela dans un autre lieu, Drancy, où la cité de la Muette, qui a été le plus grand camp d'internement des Juifs de France, est aujourd'hui une cité HLM.
Une délégation de la Croix Rouge est également venue la visiter en 1944, quelques jours avant la visite de Roussel à Theresienstadt. Là aussi, on a tenté de rendre les lieux présentables. Là aussi, on a du mal, aujourd'hui, à savoir quoi faire de ces murs, comment les insérer, encore, dans le paysage."
Des photos de l'époque existent, trompeuses, mais
"Les ficelles sont plus vicieuses, moins apparentes que je l'avais cru et la mise en scène, suffisamment fondue dans les souvenirs qu’elle imite pour que les témoins eux-mêmes ne l'aient pas remarquée."
Y est passée, parmi bien d'autres, Marceline Loridan-Ivens, y est mort Robert Desnos.
"Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne"
Et puis
"Dans la petite forteresse, il y a aussi la cellule de Gavrilo Princip qui, en assassinant l'archiduc François-Ferdinand et sa femme, la duchesse de Hohenberg, roturière pour une fois épousée par amour, a déclenché la première guerre mondiale." Son médecin de l'époque fut interné à Terezin (puis déporté en Pologne).
"Les strates de l'Histoire surgissent nues, absurdes sous la lumière d’une seule vie."
Conclusion : A lire absolument, ce document, cette recherche fort complète (je n'ai pas tout évoqué) magistralement composée, réfléchie et écrite.
En parlent : charybde,
Je le note pour plus tard, là, je n'ai pas trop envie de me repencher sur le sujet.
RépondreSupprimerC'est vraiment dommage qu'on n'ait pas plus vu ce livre (magnifique) que j'ai finalement dévoré!
SupprimerAcheté à sa sortie, pas encore lu...
RépondreSupprimerTu sais ce qu'il te reste à faire, j'attends ton avis!
SupprimerJe lirai certainement ce livre car en dehors de son intérêt sur ce lieu précis , il répond à une de mes interrogations sur les lieux où s'exerce la mémoire collective. Drancy en est un bon exemple. Les lieux habités se prêtent mal au recueillement.
RépondreSupprimerBien des points évoqués ici m'ont passionnée. Plus la mémoire, etc.
SupprimerLes lieux de mémoire collective (Luocine) valent bien un livre et qui semble bien fait de surcroît. Beaucoup de pages ?
RépondreSupprimerExcessivement bien fait, car (à mon avis) bien écrit avec le juste recul et la sensibilité qu'il faut. J'ai 'découvert' avec ce livre Drancy d'aujourd'hui, c'est extrêmement intéressant (mais ce livre est tellement riche!)
SupprimerDans les 300 pages (qui se dévorent!)
Je note aussi, car le sujet m'intéresse… Merci.
RépondreSupprimerCe livre est tombé au bon moment, en plus j'ai aimé comment l'auteur présente ses recherches et interviews.
Supprimeroh là ce n'est pas seulement de l'intérêt c'est un coup de coeur sans avoir encore lu le livre mais pour le sujet
RépondreSupprimerdans ma jeunesse j'ai voyagé plusieurs fois en Tchécoslovaquie et j'ai des amis là bas
Dans les années 70 je suis allée à Terezin, à l'époque rien n'était fait pour la visite, le système communiste n'étant pas à priori pressé de pointer l'extermination des juifs
La même année je suis allée à Lidice qui fut comme Oradour, un village martyr après l'assassinat de Heydrich
J'ai eu l'occasion de voir une exposition des dessins des enfants de Terezin et je peux assurer que jamais plus on ne les oublie, la douleur, la cruauté mis à nu par le regard des enfants inoubliable
je passe commande de ce livre immédiatement
Chic, je le savais, que ce livre t'attirerait. J'étais un peu triste de ne pas en avoir entendu parler (c'était sur le présentoir de la bibli, et à le feuilleter j'ai dit Bingo et l'ai emprunté)et à part l'incontournable charybde que je retrouve souvent dans les lectures importantes mais moins courues, je n'ai rien vu!
SupprimerCe livre évoque aussi Heydrich, forcément. Bon, tu penses bien que je n'ai pas tout dit, il t'en reste à découvrir, et du bon, avec ce livre!
Je le note mais j'ai récemment lu Les Elus de Sem-Sandberg sur une thématique voisine, j'y retournerai plus tard
RépondreSupprimerTu sais, sur ces (douloureux) sujets, je préfère les documents plutôt que les romans, mais on ne sait jamais... A voir.
SupprimerTu nous laisses donc découvrir ce que tu n'as pas dit.
RépondreSupprimerJ'ai cité suffisamment de passages pour donner idée de l'ambiance et du style excellent, après, à soi de vagabonder à la suite de l'auteur. ^_^
SupprimerUne lecture qui interpelle, forcément, et qui me rappelle Lever de rideau sur Terezin lu en 2015.
RépondreSupprimerC'était la première fois que je lisais un livre sur le sujet! Et ce n'est pas un roman.
SupprimerJe ne le commande pas comme Dominique, tout de suite, là dans l'instant, mais je le note car ça ressemble presque à un polar...j'ai bien dit presque évidemment vu le sujet. Mais effectivement on ne sait pas grand-chose de Terezin ("Desnos qui partit de Compiègne" et quelques autres), le nom est imprimé dans notre mémoire comme ceux des autres nombreux camps, sans que nous sachions tout et la façon de procéder de l'auteure me tente...ton billet aussi bien sûr ! ;)
RépondreSupprimerEn fait il reste des gens qui y ont été enfermés, et actuellement la ville est habitée, en particulier certains y étaient 'avant'. Une sorte d'enquête, si tu veux.
SupprimerJe lirai encore sur Terezin, je note donc soigneusement ce titre (d'autant qu'un roman d'Hélène Gaudy traîne dans ma PAL...)
RépondreSupprimerPour moi découverte totale du sujet, et de l'auteur!
SupprimerPas trop le genre de livre que j'ai envie d'explorer en ce moment mais je ne doute pas que ce soit un incontournable. Noté donc, mais pour plus tard.;-)
RépondreSupprimerHum, plus tard. Mais c'est un excellent livre, tu sais.
SupprimerMerci pour ce partage, je lirai bien certainement ce livre.
RépondreSupprimerJ'espère que tu le trouveras sans problème.
SupprimerC'est noté ! Avec le tampon rouge Coup de coeur, on a du mal à y échapper, hein !!!
RépondreSupprimerUne totale surprise pour moi, car là le fond et la forme sont à noter.
SupprimerJe note ! le sujet m'intéresse.
RépondreSupprimerUn livre qui se dévore...
SupprimerBonjour Keisha, un livre qui se "dévore", je le note car j'ai entendu parler de Terezin mais sans plus. Bon dimanche.
RépondreSupprimerPareil pour moi, mais là l'auteur a 'élargi' le sujet, ça m'a beaucoup plu.
SupprimerJe note le titre, j'ai entendu parler de Terezin, et j'ai visité Birkenau (un moment qui m'a glacé, c'est peu de le dire), mais depuis mes lectures sur la Shoah s'en ressentent. Je suis devenue un peu "intransigeante" et fuis tout pathos.
RépondreSupprimerA moi aussi il faut du sérieux et sobre (je n'arrive que rarement à lire des romans, je préfère les documents, sur ces sujets là). Je te conseille fortement cette lecture, qui devrait te plaise.
Supprimer(what? Birkenau, j'aurais du mal; déjà Yad Vashem à Jérusalem, ça fait longtemps, jamais oublié)
Effectivement, ce document doit être à lire absolument. De tous les écrits que j'ai lus sur les camps, ceux de Jorge Semprun me touchent énormément.
RépondreSupprimerJ'en ai lu, des documents témoignages, il en existe de très bons. Celui-ci en fait partie, l'auteur a fait un excellent travail de mémoire et de réflexion, on en a besoin aussi.
SupprimerJorge Semprun, hum, j'ai un de ses livres dans ma PAL depuis... des décennies!
Un livre qui n'a pas eu le succès qu'il aurait du avoir et c'est bien dommage.
RépondreSupprimerSans la bibli et le présentoir, jamais je n'en aurais entendu parler... J'espère que parmi mes visiteuses il y en aura qui le liront et en parleront!
SupprimerJe ne sais pas grand chose sur Terezin. C'est Antoine Choplin qui en parle ainsi que de Bedrich Fritta dans "Une forêt d'arbres creux", je crois ? Je ne l'ai pas lu non plus, les deux se compléteraient bien, j'imagine... Je note !
RépondreSupprimerCe que j'en connaissais tenait sur un timbre poste. Ah bon, Choplin? Oh mais c'est formidable, ce livre est paru dans La fosse aux ours, l'éditeur du mois de février chez Sandrine Tête de lecture!
SupprimerTu lis beaucoup de livres et d'auteurs que je ne connais pas du tout !
RépondreSupprimerBon vendredi.
Je ne connaissais pas du tout non plus! (merci la bibli)
Supprimer