Si rude soit le début
Asi empieza lo malo
Javier Marias
Gallimard, 2017
Traduit par Marie-Odile Fortier-Masek
COUP DE COEUR AUTEUR CHOUCHOU
Wahou m'exclamai-je en terminant, hors d'haleine, le vertigineux dernier chapitre du roman. Chic, pensai-je, quelques jours auparavant, en m'emparant de ce livre réservé pour moi à la médiathèque. Une bête de belle épaisseur, présage de lecture consistante, d'où ma joie intérieure. Même pas atténuée par la nouvelle que deux autres usagers avaient réservé le livre, et en conséquence impossibilité de prolonger le prêt. Etant une fille positive, j'en ai conclu, non que j'allais devoir lire ce pavé fissa, mais que cet auteur avait des fans locaux, et en ai profité pour demander à la médiathèque l'achat de deux autres titres de Javier Marias.
Comme pour mes auteurs chouchous (oui, encore un) j'ai foncé sans regarder la quatrième de couverture (très bien faite, d'ailleurs), et me suis régalée. De toute façon, l'histoire -quoique palpitante, peut se résumer courtement.
Madrid, 1980. Peu après la mort de Franco. Juan De Vere, 23 ans, assiste Eduardo Muriel, réalisateur de films, marié à Beatriz. Pour ses recherches, il passe de plus en plus de temps dans l'appartement du couple, devenant inaperçu, et découvrant l'inexplicable détestation de son employeur à l'égard de son épouse. Par ailleurs, Eduardo lui confie une enquête sur un de ses amis, le docteur Van Vechten, dont le comportement aurait été insupportable.
Deux questions prégnantes durant tout le roman : qu'a donc fait le docteur, et quand? Pourquoi cette haine à l'égard de Beatriz?
Mais quel roman! Javier Marias est un maître de la narration. Le jeune Juan - de nos jours plus âgé et père de famille- est à la fois naïf et curieux. Il sera témoin ou acteur de scènes absolument fascinantes, qui auraient pu se révéler de mauvais goût, mais croyez-moi, non, jamais.
D'accord, l'auteur, comme d'habitude, emmêle son lecteur dans des phrases longues, à incises et parenthèses, usant d'échos au fil du texte, mais ce n'est pas un problème. Toujours il garde son lecteur vigilant, participant lui aussi à ces grands questionnements sur "l'oubli et le pardon" (et pas uniquement relativement au franquisme), et la "passion et la haine".
Explication du titre
"Si rude soit le début, le pire reste derrière nous, voilà ce que dit la citation de Shakespeare que Muriel avait paraphrasée pour se référer à l'avantage, au bien-fondé de renoncer à ce que l'on ne peut savoir, de se soustraire au bruit de fond de ce que l'on nous raconte tout au long de la vie, d'autant plus que ce que nous vivons et ce dont nous sommes témoins ressemble parfois davantage à une histoire que l'on nous raconte, à mesure que cela s'éloigne de nous, que cela se ternit au fil du temps, s’estompe, tandis que s'égrènent les jours, ou s'embue, non que nous commencions à douter de son existence (même si cela peut nous arriver) mais plutôt que cela perd de sa couleur et se racornit. Ce qui était important ne l'est plus, ou ne l'est que très vaguement, et pour lui reconnaître la moindre importance, il vous faut faire un réel effort; ce qui nous semblait crucial s'avère insignifiant, et ce qui nous a gâché la vie nous paraît un enfantillage, une exagération, une sottise. Comment ai-je pu me mettre dans un état pareil et culpabiliser à ce point? Comment ai-je pu...(...) (Pages 419 à 421)
"Chacun de nous est une masse dans l'océan que les autres évitent ou vers laquelle ils se dirigent ou contre laquelle ils se heurtent."
Si rude soit le début, le pire reste derrière nous... Thus bad begins and worse remains behind. Hamlet, Acte III, scène 4
Un avis,
Asi empieza lo malo
Javier Marias
Gallimard, 2017
Traduit par Marie-Odile Fortier-Masek
COUP DE COEUR AUTEUR CHOUCHOU
Wahou m'exclamai-je en terminant, hors d'haleine, le vertigineux dernier chapitre du roman. Chic, pensai-je, quelques jours auparavant, en m'emparant de ce livre réservé pour moi à la médiathèque. Une bête de belle épaisseur, présage de lecture consistante, d'où ma joie intérieure. Même pas atténuée par la nouvelle que deux autres usagers avaient réservé le livre, et en conséquence impossibilité de prolonger le prêt. Etant une fille positive, j'en ai conclu, non que j'allais devoir lire ce pavé fissa, mais que cet auteur avait des fans locaux, et en ai profité pour demander à la médiathèque l'achat de deux autres titres de Javier Marias.
Comme pour mes auteurs chouchous (oui, encore un) j'ai foncé sans regarder la quatrième de couverture (très bien faite, d'ailleurs), et me suis régalée. De toute façon, l'histoire -quoique palpitante, peut se résumer courtement.
Madrid, 1980. Peu après la mort de Franco. Juan De Vere, 23 ans, assiste Eduardo Muriel, réalisateur de films, marié à Beatriz. Pour ses recherches, il passe de plus en plus de temps dans l'appartement du couple, devenant inaperçu, et découvrant l'inexplicable détestation de son employeur à l'égard de son épouse. Par ailleurs, Eduardo lui confie une enquête sur un de ses amis, le docteur Van Vechten, dont le comportement aurait été insupportable.
Deux questions prégnantes durant tout le roman : qu'a donc fait le docteur, et quand? Pourquoi cette haine à l'égard de Beatriz?
Mais quel roman! Javier Marias est un maître de la narration. Le jeune Juan - de nos jours plus âgé et père de famille- est à la fois naïf et curieux. Il sera témoin ou acteur de scènes absolument fascinantes, qui auraient pu se révéler de mauvais goût, mais croyez-moi, non, jamais.
D'accord, l'auteur, comme d'habitude, emmêle son lecteur dans des phrases longues, à incises et parenthèses, usant d'échos au fil du texte, mais ce n'est pas un problème. Toujours il garde son lecteur vigilant, participant lui aussi à ces grands questionnements sur "l'oubli et le pardon" (et pas uniquement relativement au franquisme), et la "passion et la haine".
Explication du titre
"Si rude soit le début, le pire reste derrière nous, voilà ce que dit la citation de Shakespeare que Muriel avait paraphrasée pour se référer à l'avantage, au bien-fondé de renoncer à ce que l'on ne peut savoir, de se soustraire au bruit de fond de ce que l'on nous raconte tout au long de la vie, d'autant plus que ce que nous vivons et ce dont nous sommes témoins ressemble parfois davantage à une histoire que l'on nous raconte, à mesure que cela s'éloigne de nous, que cela se ternit au fil du temps, s’estompe, tandis que s'égrènent les jours, ou s'embue, non que nous commencions à douter de son existence (même si cela peut nous arriver) mais plutôt que cela perd de sa couleur et se racornit. Ce qui était important ne l'est plus, ou ne l'est que très vaguement, et pour lui reconnaître la moindre importance, il vous faut faire un réel effort; ce qui nous semblait crucial s'avère insignifiant, et ce qui nous a gâché la vie nous paraît un enfantillage, une exagération, une sottise. Comment ai-je pu me mettre dans un état pareil et culpabiliser à ce point? Comment ai-je pu...(...) (Pages 419 à 421)
"Chacun de nous est une masse dans l'océan que les autres évitent ou vers laquelle ils se dirigent ou contre laquelle ils se heurtent."
Si rude soit le début, le pire reste derrière nous... Thus bad begins and worse remains behind. Hamlet, Acte III, scène 4
Un avis,
Contrairement à toi, je ne suis pas fan du tout de Javier Marias. Ma seule lecture a été une déception et je ne me sens pas l'envie de récidiver.
RépondreSupprimerJe sais, je sais, ça passe ou ça casse, mais il m'en reste encore un peu à lire, après je me tais. ^_^
Supprimerun peu comme Aifelle j'ai eu des déconvenues donc j'hésite beaucoup, peut être au détour d'une table de bibliothèque
RépondreSupprimerOui, la bibli. Perso je le trouve génial (certains le pensent nobélisable), mais bon, catégorie ça passe ou ça casse.
SupprimerJamais sauté le pas, un rien me retient ... Je ne sais pas pourquoi ... mais si l'envie m'en prend, tu dirais quel titre ?
RépondreSupprimerPeut-être Comme les amours (on doit l'avoir en bibli) ou ses nouvelles Quand j'étais mortel. Voilà, cela reste caractéristique de l'auteur, mais pas trop lourd.
SupprimerJe n'ai jamais lu Javier Marias...
RépondreSupprimerOups, alors il faut essayer, si ça passe, c'est la promesse de lectures grandioses.
SupprimerAh ça c'est du coup de coeur ! J'adore ta conclusion dans ton premier paragraphe, par rapport au fait que le livre était réservé et que tu ne pouvais pas prolonger le prêt.^^ Bon, je n'ai jamais trop senti cet auteur pour moi mais je me trompe peut-être.
RépondreSupprimerFinalement j'ai englouti le bouquin. D'ailleurs je viens d'emprunter le tome III de Ton visage demain, plus de 600 pages, alors mon blog va encore insister, après, pfff, juste un billet et adios, monde cruel qui n'aime pas mes chouchous. ^_^
SupprimerJe l'ai tout juste commencé il y a quelque temps, et j'ai senti que ce n'était pas le moment. J'ai cependant envie de le lire. Surtout après ton billet.
RépondreSupprimerMieux vaut que ce soit le bon moment, je le reconnais. Mais une fois pris dedans, on veut savoir (et on n'est pas déçu)
SupprimerUn auteur chouchou, mais moi, je ne le connais pas du tout !
RépondreSupprimerBon weekend.
C'est un auteur du genre ça passe ou ça casse, j'en ai lu plusieurs.
SupprimerOui, bon week end à toi aussi!
J'adorez ta mention "coup ce cœur auteur chouchou". Comme je ne l'ai pas encore découvert, il faut que je le fasse.
RépondreSupprimerJ'insiste parce que même des 'bonnes lectrices copines blogueuses' ont tendance à avoir jeté l'éponge. Mais je continue à lui faire de la publicité.
SupprimerJe ne résiste pas à ton billet, et en plus il est à la médiathèque !
RépondreSupprimerC'est son dernier roman paru et traduit, attention à la 'bête'!
SupprimerBon, je vais être franche : tu es méga-tentante mais 576 pp., ça me fait peur car je n'ai jamais lu cet auteur. Puisque c'est un de tes chouchous, lequel autre me conseillerais-tu ?
RépondreSupprimerJe dirais Comme les amours, moins de 400 pages, et peut-être plus 'facile'; ou carrément un recueil de nouvelles, Quand j'étais mortel (encore moins long).
SupprimerBon, j'ai compris, il va falloir que je lise cet auteur ! parce que souvent tes auteurs chouchous sont des auteurs que j'aime...
RépondreSupprimerPas faux! ^_^ Fouine dans ta bibli.
SupprimerJe suis assez tentée... J'avais beaucoup aimé Comme les amours et je continuerais bien un petit bout de chemin avec Javier Marias :-)
RépondreSupprimerTu as l'embarras du choix dans ta biblbi, je l'espère.
SupprimerDifficile de nous conseiller son meilleur roman, j'imagine ?
RépondreSupprimerCelui-ci doit en être pas loin... ^_^ Génial, à mon avis.
SupprimerLà je suis dans sa trilogie (autres titres), mais mieux vaut ne pas commencer par là. Comme les amours devrait être dans ta bibli, peut-être passe-t-il plus facilement?
Je me disais bien que son nom me rappelait un bon souvenir de lecture ! Comme Les Amours, c'était bien comme roman, un drame mâtiné de suspens, très bien fait. Il faudra que je me procure vite celui-ci !
RépondreSupprimerAlors celui-ci devrait te plaire, pour moi c'est un de ses meilleurs. Il y a des passages à couper le souffle.
SupprimerAprès avoir adoré son "Littérature et fantôme" où, titre trompeur, il ouvre les portes de sa bibliothèque et de son "atelier littéraire", après avoir très apprécié "Un cœur si blanc", je me suis heurté à sa trilogie "Ton visage demain" et n'ai pas insisté, le trouvant ennuyeux.
RépondreSupprimerPeut-être celui que vous chroniquez, son dernier cru, va-t-il m'y relancer ?
Littérature et fantôme, ainsi que Un coeur si blanc, je ne les ai pas lus. Et figurez-vous que je suis en train de lire le tome III de Ton visage demain.
SupprimerSi rude soit le début, qui forme un tout, est à mon avis plus accessible et sans doute un des meilleurs de l'auteur. N'hésitez pas.
Je ne connaissais pas mais cette chronique donne envie de se pencher sur cette lecture ;-)
RépondreSupprimerParfois rude d'accès, mais ça mérite qu'on s'y penche.
SupprimerJe n'ai jamais lu l'auteur, il ne m'a jamais tentée, mais il faudrait peut-être que j'essaie.
RépondreSupprimerEssaie avec Comme les amours, ou un recueil de nouvelles, ça donne une bonne idée.
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