La petite femelle
Philippe Jaenada
Julliard, 2015
Mais quelle lectrice idiote je suis parfois! Tenez, Jaenada, j'ai aimé les deux bouquins que j'ai lus de lui, dans sa veine un poil autobiographique mais romancée. J'adore ses digressions et ses parenthèses. Bref, sans doute pour faire durer, je repousse la lecture de ses autres romans. Je précise que j'ai rencontré trois fois l'auteur, et possède deux livres dédicacés. Alors je me suis secouée, ai emprunté deux romans à la bibli et plongé dans La petite femelle. Et c'est mieux que drôlement bien.
Au départ j'avais une très très vague idée de l'histoire de Pauline Dubuisson, et finalement c'est préférable. Je dirai donc juste qu'élevée par une mère assez absente tout en étant présente, et un père qui voulait la modeler (la lecture de Nietzsche avant douze ans, quand même), elle fréquente des allemands pendant la guerre (déjà fréquentés par son père), subit les représailles de courageux résistants de la vraiment dernière heure préférant s'en prendre prudemment à des jeunes filles, puis commence à Lille des études de médecine. La voie toute tracée de la bonne épouse, pas son truc. Mais elle possède un coeur, ses amours sont assez tumultueuses, et elle est accusée d'avoir abattu un ex peut-être pas tout à fait ex.
L'affaire a défrayé la chronique et des années après continue de remplir des pages.
Alors Jaenada a remonté ses manches, s'est dit 'trop c'est trop', a plongé dans les archives et les documents et s'est lancé dans un palpitant pavé (merci à lui).
Donc, il enquête, argumente, réfléchit, compare, usant de bon sens et de logique, mais surtout des documents compulsés, sans que jamais ce ne soit lourdingue. N'oubliant pas de rappeler brièvement ou pas des faits d'époque, histoire de camper le décor. Par exemple Dunkerque pendant la guerre (et même après l'armistice, incroyable, la ville n'a été libérée que le 9 mai 1945, et Pauline y était encore!). Ou les prisons pour femmes dans les années 50.
En attendant que les portes de la prison se referment sur elle, Pauline (qui voulait qu'on l'appelle Paulette, comme quoi les prénoms, des goûts et des couleurs, et des modes...) a droit à un procès bien tendancieux et bâclé, 'défendue' par un avocat sympathique mais ne faisant pas le poids face à celui de l'accusation, dans une atmosphère hystérique entretenue par les journaux (et Jaenada n'est pas tendre avec certaine journaliste). Rappelons qu'à l'époque la peine de mort existait encore, même pour les femmes (merci Pétain). Bref, le sang bout quand on découvre certains écrits et propos biaisés, la mise sous silence de faits favorables à l'accusée, etc.
Jaenada est parfaitement convaincant et honnête dans sa présentation et défense de Pauline (s'il imagine, il le dit, et en fait c'est rare). Il démonte aussi l'histoire du viol, apparu des années après. Ses parenthèses et digressions apportent un poil d'humour ironique bienvenu pour souffler un peu. Merci.
Quelques passages
Une enquête sur Pauline : "Elle aimait beaucoup la musique classique, ce qui ne l'empêchait pas de faire admirablement bien la cuisine, de confectionner des robes et d'arranger son intérieur avec beaucoup de goût". Toute une époque, quoi.
Tiens, le roman de 2017? "Maître Maurice Garçon (qui a défendu avec succès, parmi beaucoup d'autres, Henri Girard, Georges Arnaud de son nom de plume, l'auteur du salaire de la peur (...) accusé d'avoir assassiné, à la serpe, son père, sa tante et leur femme de ménage, dans leur château d'Escoire, en Dordogne - c'est une affaire passionnante et mystérieuse ; il sera acquitté après dix minutes de délibération).
Et là, tiens, quand le jeune Modiano croise Pauline? "Il en parlera encore à cinquante-huit ans, à soixante-cinq ans aussi, et à soixante-neuf toujours, après son prix Nobel. "
Et je m'amuse à croiser page 668 Julien Blanc-Gras, dit Va-Partout.
Les avis de Sandrine, athalie, brize, eimelle, lecture écriture (claudia lucia)
Plus de 700 pages, donc éligible pour le Pavé de l'été chez Brize. Lien vers page récapitulative
Philippe Jaenada
Julliard, 2015
Mais quelle lectrice idiote je suis parfois! Tenez, Jaenada, j'ai aimé les deux bouquins que j'ai lus de lui, dans sa veine un poil autobiographique mais romancée. J'adore ses digressions et ses parenthèses. Bref, sans doute pour faire durer, je repousse la lecture de ses autres romans. Je précise que j'ai rencontré trois fois l'auteur, et possède deux livres dédicacés. Alors je me suis secouée, ai emprunté deux romans à la bibli et plongé dans La petite femelle. Et c'est mieux que drôlement bien.
Au départ j'avais une très très vague idée de l'histoire de Pauline Dubuisson, et finalement c'est préférable. Je dirai donc juste qu'élevée par une mère assez absente tout en étant présente, et un père qui voulait la modeler (la lecture de Nietzsche avant douze ans, quand même), elle fréquente des allemands pendant la guerre (déjà fréquentés par son père), subit les représailles de courageux résistants de la vraiment dernière heure préférant s'en prendre prudemment à des jeunes filles, puis commence à Lille des études de médecine. La voie toute tracée de la bonne épouse, pas son truc. Mais elle possède un coeur, ses amours sont assez tumultueuses, et elle est accusée d'avoir abattu un ex peut-être pas tout à fait ex.
L'affaire a défrayé la chronique et des années après continue de remplir des pages.
Alors Jaenada a remonté ses manches, s'est dit 'trop c'est trop', a plongé dans les archives et les documents et s'est lancé dans un palpitant pavé (merci à lui).
Donc, il enquête, argumente, réfléchit, compare, usant de bon sens et de logique, mais surtout des documents compulsés, sans que jamais ce ne soit lourdingue. N'oubliant pas de rappeler brièvement ou pas des faits d'époque, histoire de camper le décor. Par exemple Dunkerque pendant la guerre (et même après l'armistice, incroyable, la ville n'a été libérée que le 9 mai 1945, et Pauline y était encore!). Ou les prisons pour femmes dans les années 50.
En attendant que les portes de la prison se referment sur elle, Pauline (qui voulait qu'on l'appelle Paulette, comme quoi les prénoms, des goûts et des couleurs, et des modes...) a droit à un procès bien tendancieux et bâclé, 'défendue' par un avocat sympathique mais ne faisant pas le poids face à celui de l'accusation, dans une atmosphère hystérique entretenue par les journaux (et Jaenada n'est pas tendre avec certaine journaliste). Rappelons qu'à l'époque la peine de mort existait encore, même pour les femmes (merci Pétain). Bref, le sang bout quand on découvre certains écrits et propos biaisés, la mise sous silence de faits favorables à l'accusée, etc.
Jaenada est parfaitement convaincant et honnête dans sa présentation et défense de Pauline (s'il imagine, il le dit, et en fait c'est rare). Il démonte aussi l'histoire du viol, apparu des années après. Ses parenthèses et digressions apportent un poil d'humour ironique bienvenu pour souffler un peu. Merci.
Quelques passages
Une enquête sur Pauline : "Elle aimait beaucoup la musique classique, ce qui ne l'empêchait pas de faire admirablement bien la cuisine, de confectionner des robes et d'arranger son intérieur avec beaucoup de goût". Toute une époque, quoi.
Tiens, le roman de 2017? "Maître Maurice Garçon (qui a défendu avec succès, parmi beaucoup d'autres, Henri Girard, Georges Arnaud de son nom de plume, l'auteur du salaire de la peur (...) accusé d'avoir assassiné, à la serpe, son père, sa tante et leur femme de ménage, dans leur château d'Escoire, en Dordogne - c'est une affaire passionnante et mystérieuse ; il sera acquitté après dix minutes de délibération).
Et là, tiens, quand le jeune Modiano croise Pauline? "Il en parlera encore à cinquante-huit ans, à soixante-cinq ans aussi, et à soixante-neuf toujours, après son prix Nobel. "
Et je m'amuse à croiser page 668 Julien Blanc-Gras, dit Va-Partout.
Les avis de Sandrine, athalie, brize, eimelle, lecture écriture (claudia lucia)
Plus de 700 pages, donc éligible pour le Pavé de l'été chez Brize. Lien vers page récapitulative
Commentaires
Dans la foulée de cette lecture, j'ai regardé le film de Clouzot avec Brigitte Bardot : une bombe !
Je me contente de Jaenada et son excellent bouquin (depuis j'ai lu un autre roman, tout aussi Jaenadesque, mais veine autobiographique plus marquée.)
Celui-ci est sur ma PAL, et devrais donc bientôt en sortir...
Jaenada m'a parfaitement plu!
Le Seigle est plus court, mais ne m'attire pas pour l'instant. Le Jaenada, ça passe tout seul, faut juste prévoir une autre lecture pour le sac quand on sort.
Tu as raison, mieux valait ne pas enchaîner les deux romans.