Guerre et guerre


 Guerre et guerre

Laszlo Krasznahorkai

Cambourakis, 2013


Après La mélancolie de la résistance, je savais qu'il me faudrait revenir à l'auteur, ce que j'ai fait avec l'opuscule La venue d'Isaïe, où l'on fait connaissance de Korim, héros de Guerre et guerre.

Si vous voulez un résumé exhaustif de Guerre et guerre, Wikipedia le fait très bien. En gros, disons que Korim est archiviste dans une petite ville de Hongrie, il découvre un manuscrit dans un dossier, dont la lecture va changer sa vie. Il faut dire que Korim est un homme seul, triste, dépressif, mais prompt à raconter sa vie, ce qui le sauvera de la bande de jeunes voulant l'attaquer (et fuyant sa logorrhée inquiétante) et ne l'empêchera pas de parler des journées entières à une portoricaine ne comprenant pas le hongrois. Ceci à New York, où il veut écrire et poster sur le net - pour l'éternité pense-t-il- le contenu du manuscrit.

Et ledit contenu? Hé bien, le lecteur suit quatre personnages, au fil du temps, et un cinquième, encore plus mystérieux. Les lieux? La Crète voici quelques millénaires, l'achèvement au 19ème siècle de la cathédrale de Cologne, une élection de doge vénitien au 15ème siècle, etc., je passe.

Je préviens : pour apprécier ce roman, il faut accepter de se laisser porter par l'écriture de l'auteur (ouf, les paragraphes d'une seule phrase sont numérotés) et ça vaut la peine, j'avoue ne pas avoir tout compris, mais impossible de lâcher, c'est un roman absolument unique (heu non, les autres de l'auteur sont du même tonneau).

Bref, la guerre, la violence, on n'en sort pas, même à New York le pauvre Karim la voit ou la subit.

Je m'apprêtais à tâcher d'expliquer cette écriture fabuleuse, mais, merci!, l'auteur a décrit lui-même celle du manuscrit, et finalement c'est exactement mon ressenti. Mais quelle expérience incroyable de lecture, quelle découverte!

" le manuscrit n'avait qu'un seul propos : écrire la réalité en boucle jusqu'à la folie, imprimer les scènes dans l'imaginaire du lecteur avec des détails délirants et des répétitions qui relevaient de la maniaquerie, c'était comme si l'auteur, expliqua Karim, et ce n'était pas une image, s'était servi, en guise de style et de mots, de ses ongles, pour graver les choses sur le papier et dans l'imaginaire du lecteur, car si l'accumulation de détails, les répétitions et les approfondissements rendaient la lecture plus difficile, tout ce qui était détaillé, répété, approfondi, restait gravé à jamais dans le cerveau, brain, et si les phrases se répétaient, l'auteur procédait à de fines modulations, ici la phrase était enrichie, là simplifiée, ici plus obscure, là plus limpide, et de façon étrange, fit Karim, songeur, cette répétition ne provoquait pas de crispation, d'agacement ou de lassitude chez le lecteur, non, cela lui permettait de se dissoudre, dit Karim en regardant le plafond, de se camoufler dans l'univers évoqué, mais bon, il reviendrait sur le sujet plus tard, pour l'instant il devait reprendre le récit avec le voyage ..."

Avis babelio, Inganmic, mark et marcel


Commentaires

  1. Intéressant, vraiment. Mais pas pour le moment pour moi. J'aime bien l'idée de ces mots qui s'accumulent, cette logorrhée. Un flux ininterrompu de mots.

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    1. C'est spécial, ça entraîne, l'impression d'un grand auteur!

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  2. Je n'imagine pas du tout le style mais ce que dit l'auteur sur son écriture est très intéressant. Si l'histoire en elle-même est racontée en provoquant ces effets-là je ne doute pas un instant que ce ce soit un livre marquant...mais difficile à suivre, à lire et découvrir quand on est concentré et tranquille donc. Merci pour cette découverte

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    1. C'est présenté de façon aidant le lecteur! Heureusement. Mais quelle expérience!

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  3. Une lecture qui ne m'inspire pas vraiment. Je ne suis pas sûre de m'y retrouver côté style et histoire.

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    1. En effet, il faut s'y plonger, ensuite, une fois dedans

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  4. J’avais beaucoup aimé cette lecture, c’est un grand roman. Il faut s’y plonger mais cela vaut le coup. J’ai un autre titre sur mes étagères, La Mélancolie je pense.

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    1. Tu as de la chance s'il t'en reste, après cela un demeure, et
      puis il faudra apprendre le hongrois. ^_^

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  5. C'est un de mes romans préférés ! Il m'avait éblouie... malgré sa profonde mélancolie.

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    1. Eblouissant, c'est le mot!!! Un auteur comme cela, ce n'est pas tous les jours.

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  6. Ton billet pourrait me donner envie, à un autre moment, peut-être... mais là, il me faut de l'écriture pas trop ardue...

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    1. Ne t'inquiète pas, tu notes, et un jours, ce sera le moment.

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  7. Ecrire la réalité en boucle jusqu'à la folie : cela me fait penser à Joyce et son Ulysse.

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    1. Heu Ulysse est un de mes rares échecs de lecture (je parle des lectures incontournables)

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  8. Il faudrait vraiment que je lise cet auteur, cela semble une expérience, il faut être disponible.

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    1. Disponible, oui, trouve le moment pour cela, tu vas aimer.

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  9. j'ai beaucoup de mal à me concentrer sur des lectures exigeantes en ce moment je me dis que ce roman serait bien si j'étais coupée des nouvelles du monde.

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    1. Quelles nouvelles? Que le PSG a perdu? ^_^
      OK je sors, hélas l'Ukraine donne à désespérer.

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  10. Je n'ai lu que de bonnes choses sur cet auteur, en particulier ce livre qui m'a l'air d'une très grande richesse. Merci beaucoup pour cette nouvelle participation !

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    1. Un incontournable qui mérite un léger (oh si léger) effort, mais franchement quelle récompense!

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  11. J'ai un peu peur du style de l'auteur...

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    1. Faut pas être frileux, je le reconnais, ça attaque ferme.

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  12. Ça a l'air intéressant mais j'ai l'impression qu'on a intérêt à être frais et dispos avant de s'attaquer à ce livre !

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    1. En vérité, j'avais déjà tenté, mais pas assez fraiche et dispose il faut croire, cependant deuxième essai, réussite et bonheur!

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  13. Ben à priori, pas du tout pour moi !!!

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    1. C'est sûr que l'écriture qui vous prend dans ses filets... j'aime, mais c'est spécial.

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  14. Je me souviens très bien du début (donc c'était fort) mais j'ai abandonné ma lecture. Pourquoi ? Je ne sais plus mais étant donné ce que tu en dis il faudra que je m'y remette !

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    1. Ne t'en veux pas, j'avais tellement aimé La mélancolie de la résistance que je voulais aussi lire celui-ci, et après un faux départ, c'était le bon moment. Tente à nouveau!

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  15. J'avais essayé de lire un de ses livres un jour, mais je n'avais pas réussi à entrer dedans. Cependant, je crois que ce n'était pas le bon moment. Il est évident qu'il faut être pleinement disponible pour recevoir ce genre de texte. C'est pourquoi, sans aucun doute, je réessaierai.

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    1. De mémoire, on rentre mieux dans La mélancolie de la résistance (c'est juste mon avis) mais il faut le bon temps pour appréhender ce flot de texte! Cependant cela vaut la peine.

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  16. J'ai une élève hongroise (adulte), il faudrait peut-être que je lui demande conseil un jour, tiens.

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    1. La littérature hongroise est à découvrir, mais parfois ça fonctionne moins bien, selon le lecteur. Epépé, par exemple, est aussi un incontournable.

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  17. la réalité j'ai plutôt tendance à la fuir en ce moment, alors... mais je me garde l'auteur pour plus tard, ce que tu en dis est vraiment attirant... même si tu dis que tu n'as, parfois, pas tout compris, je n'ose penser ce que j'en retiendrais en ce moment. J'ai un peu les neurones en vrac ;0) je ne suis pas passé chez toi depuis un long moment et je m'en excuse, une grande lassitude me prend ces dernières semaines. Mais heureusement j'arrive à bouquiner, et beaucoup en plus :0) je te fais de gros bisous keisha

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    1. Ne t'inquiète pas, pour les neurones en vrac, on est soeurs... ^_^ Ton passage ici me touche beaucoup.
      Heureusement il y a la lecture!

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  18. J'ai l'impression que ça pourrait me plaire. Merci pour la découverte !

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    1. Un auteur peut-être un peu ardu, mais quelle récompense!

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