Le pain perdu
Il pane perduto
Un récit d'Edith Bruck
Editions du sous-sol, 2021
Traduit de l'italien par René Ceccaty
Edith Bruck est née en 1931 dans une petit village de Hongrie, avec ses diverses communautés religieuses. Sa famille est juive, et dès le début du récit la situation est difficile, en dépit de l'existence de certains villageois chrétiens les acceptant mieux. Il semblerait que jusqu'au début de 1944 les juifs, même si persécutés et tenus à l'écart, ne sont pas livrés aux nazis. En tout cas, pour Edith-Ditke, c'est brusquement que tous doivent quitter leur maison (laissant le pain lever, au grand dam de sa mère), pour un train les menant à Auschwitz Birkenau, où sa mère disparaît dès son arrivée. Durant des mois de survie, elle reste avec sa sœur Judit, frôlant souvent la mort, en plus des conditions inhumaines.
De camp en camp, elles finissent par être libérées, puis retour en Hongrie, où Edith retrouve sa famille (enfin, les survivants). Pas forcément avec enthousiasme, d'ailleurs. Pareil dans leur village, avec les anciens voisins, et elles filent vite.
Après quelque temps en Israël, elle s'installe en Italie, où elle vit toujours. Scénariste, réalisatrice, écrivain, Le pain perdu est son dernier livre, une occasion de revenir sur sa vie. Certains souvenirs sont prégnants, pour d'autres ils n'y sont pas, beaucoup d'ellipses, et je trouve que c'est normal et d'autant plus fort.
Quelques passages:
"Bien sûr nous n'avions plus grand chose d'humain et nous les effrayions tout comme ils m'effrayaient, moi aussi, qui me demandais, en surmontant ma douleur, ce qu'ils deviendraient, ces enfants, une fois adultes." Il s'agit des enfants d'officiers séjournant dans un château, Edith travaille dans les cuisines...
Le cuisinier lui demande son nom
"Quelque chose d'incroyable pour moi, qui n'étais plus que le numéro 11152. (...)
S'il n'était pas Dieu en personne, qui était-il?
J'eus le sentiment de renaître. J'avais un nom. J'existais."
Avec leur soeur Mirjam, au retour en Hongrie
"Mais qu'est-ce que la vie vous réserve?
- La vie, avons-nous répondu d'une seule voix!"
A sa sœur Judit, qui projette d'aller en Palestine
"Vivons, nous verrons en vivant. Nos vrais frères et sœurs sont ceux des camps. Les autres ne nous comprennent pas, ils pensent que notre faim, nos souffrances équivalent aux leurs. Ils ne veulent pas nous écouter: c'est pour ça que je parlerai au papier."
Le livre se termine par une Lettre à Dieu, "pitié oui, envers n'importe qui, haine jamais , c'est pour ça que je suis saine et sauve, orpheline, libre et c'est ce dont je Te remercie, dans la Bible Hashem, dans la prière Adonai, et dans la vie de tous les jours, Dieu."
Avis plaisirs à cultiver, babelio, bibliosurf, Aifelle,
Une lecture commune, dans le cadre de
Un livre fort oui, que l'on n'oublie pas. Et "qui t'aime ainsi" qui a été écrit bien avant est tout aussi fort.
RépondreSupprimerA la bibli j'ai aussi un recueil de poèmes.
SupprimerCe n'est pas évident, ce récit très elliptique. Nous n'en avons pas l'habitude. Mais finalement on a le récit d'une vie, vivante, survivante.
RépondreSupprimerSans doute écrit bien après, ce qui surnage en est d'autant plus important.
Supprimerc'est noté et j'ai aimé tout ce que vous avez écrit à propos de ce livre ce sera pour l'an prochain
RépondreSupprimerUn excellent thème, des lectures denses, mais reconnaissons qu'on ne peut pas les enchaîner (mes lectures sur le sujet sont étalées). Pour l'année prochaine, moi aussi j'ai des idées.
SupprimerJe l'ai noté tu t'en doutes. Je suis en train de lire Le bureau d'éclaircissement des destins de Gaelle Nohant, et c'est bouleversant.
RépondreSupprimerCôté série j'ai commencé Good vibrations sur Arte, très sympa!
Je confirme pour Good vibrations, j'aime ces séries anglaises ancrées dans la société qui a du mal, et puis les personnages sont tellement attachants.
SupprimerLe Gaëlle Nohant, j'ai eu des échos, rien ne presse.
J'ai été particulièrement intéressée par ce qu'elle dit de sa difficile réadaptation à une vie "normale" après les camps.
RépondreSupprimerSurtout avec les gens qui n'y croient pas, ou ne l'écoutent pas, ou, etc.
SupprimerJe viens de finir ce récit, un témoignage fort et aussi sur ses difficultés à se construire une vie après. Je suis étonnée que le nom d'Edith Brucke n'apparaisse pas dans la liste des écrivains survivants et témoins de la Shoah sur Wikipedia (Littérature de la Shoah) qui devrait être mise à jour.
RépondreSupprimerAh tiens? Je n'ai rien vérifié! Heureusement ces lectures et les blogs permettent de connaître ce qui existe.
SupprimerJ'espère que mon commentaire est passé - pas reçu l'avis qui le signale en attente, j'aurais dû en faire une copie !
RépondreSupprimerIl est passé, et reçu! Cela m'arrive aussi de douter...
SupprimerIl sort toujours de nouveaux témoignages sur les camps. La parole met parfois longtemps à se libérer.
RépondreSupprimerLes témoins et survivants sont de moins en moins nombreux, d'où l'importance de recueillir leur parole.
Supprimer" haine jamais ", je retrouve les sentiments exprimés dans les poèmes, et toujours cette difficulté de communiquer, de dire. " je parlerai au papier ", belle image.
RépondreSupprimerMême en prose il y a une énergie, une recherche, très belle.
SupprimerJe l'ai noté, il est à la médiathèque, je le lirai un peu plus tard... puisque j'ai raté ce rendez-vous !
RépondreSupprimerBien sûr, lis-le à ton temps.
SupprimerUne lecture un peu déroutante, dans un premier temps, j'ai trouvé le style du début "bizarre", un peu maladroit, et puis ça change ensuite.. Ravie en tous cas d'avoir fait cette lecture en si bonne compagnie !
RépondreSupprimerCes lectures communes, ça pousse à la découverte.
Supprimerje suis très intéressée par le retour, plusieurs témoignages montrent qu'ils ont été souvent mal accueillis et même persécutés en Pologne
RépondreSupprimerEn Europe de l'est, en effet... En France, ce n'était pas facile non plus.
SupprimerJe suis sûr que c'est un livre qui me plairait, mais j'ai déjà beaucoup lu sur Auschwitz et là, j'en ai un peu marre...
RépondreSupprimerD'où l'intérêt de ces lectures lancées une fois par an (et j'ai lu petit à petit). Hélas, il reste toujours à découvrir.
SupprimerJe l'avais noté chez Aifelle et je pense le lire, mais pas pour tout de suite.
RépondreSupprimerUn livre court, que tu découvres quand tu veux!
SupprimerIl reste toujours à découvrir sur cette triste page de l'histoire. Je n'en avais pas entendu parler. Les extraits sont bouleversants. Je le lirai et je le note
RépondreSupprimerJe te recommande, et il est assez facile à trouver.
SupprimerLu avec beaucoup d'émotion l'an dernier, il est allé rejoindre "Si c'est un homme de Primo Levi" sur mon étagère des indispensables. Cette Lettre à Dieu à la fin...
RépondreSupprimerUn beau document, plein de vivacité.
SupprimerUne vision italienne des événements qui m'intéresse.
RépondreSupprimerHé oui, maintenant elle est italienne!
SupprimerEdith Bruck évoque aussi les enfants d'officiers dans "Lettre à ma mère" en se demandant ce qu'ils pensent de leurs parents. Tu écris que la famille a été déportée tout de suite à Auschwitz, mais j'avais lu quelque part qu'elle avait d'abord été transportée dans le ghetto de Sátoraljaújhely - est-ce que c'est quelque chose qui est évoqué dans Le pain perdu?
RépondreSupprimerJ'ai cherché et trouvé la même information. Dans mon billet, je suis sans doute trop rapide, bizarrement cette histoire de 12ème anniversaire passé à Sátoraljaújhely me dit quelque chose.
SupprimerMalheureusement je n'ai pas le livre sous la main.